Google va-t-il quitter la Chine?

Victime d’attaques informatiques depuis la Chine, Google menace de ne plus filtrer les résultats de son moteur de recherche local. Au risque de devoir abandonner le marché Internet chinois.

Un paradoxe. A l’heure où Google est en train de rattraper son principal concurrent, Baidu ( victime d’une attaque récente), avec 43 % du marché fin 2009 contre 30 % en juillet, selon StatCounter, l’entreprise de Mountain View pourrait abandonner ses activités sur le marché chinois.

Le géant américain de la recherche a en effet peu apprécié les tentatives de piratage dont ont été victimes un certains nombre d’utilisateurs chinois et européens de Gmail, son service de courrier électronique en ligne (webmail). Plus spécifiquement des comptes appartenant à des activistes des droits de l’Homme.

« Mi-Décembre, nous avons détecté des attaques très sophistiquées et ciblées sur notre infrastructure en provenance de Chine qui a entraîné le vol de propriété intellectuelle de Google. Toutefois, il est vite devenu évident que ce qui au départ semblait être uniquement un incident de sécurité – mais de taille – a été tout autre chose », déclare Google sur son blog. « Nous avons des preuves pour avancer que l’objectif premier des assaillants a été l’accès aux comptes Gmail de militants des droits de l’Homme chinois. »

Selon Mountain View, les attaquant n’ont pas réussi à lire les contenus de courriels, seulement leurs entêtes mais aussi les destinataires des différents messages infiltrés. Plus grave, les ordinateurs de certains activistes auraient été visités, soit par le biais d’une simple méthode de phishing(où l’utilisateur délivre lui-même à son agresseur, mais sans le savoir, les codes d’accès à ses services), soit par l’intermédiaire de logiciels espions installés à leur insu. Google n’est pas le seul touché par ses attaques et estime qu’une vingtaine d’autres entreprises de grande taille ont subit des assauts similaires venues de Chine dans des secteurs aussi divers que l’Internet, les technologies, la finance, la chimie et les médias.

Une attaque de trop pour Google qui a ainsi annoncé son intention de rompre l’accord passé avec les autorités chinoises de conformité des règles locales sur le filtrage des images à caractères pornographiques et politique. Un choix jusqu’alors assumé pour s’implanter sur le marché chinois. « Nous avons lancé Google.cn en janvier 2006 avec la conviction que les bénéfice d’un accès accru à l’information pour le peuple chinois et un Internet plus ouvert compenserait notre malaise à accepter de censurer certains résultats [du moteur de recherche] », rappelle l’entreprise.

Une naïveté affichée que Google ne supporte visiblement plus. Car l’affaire dépasse la simple question de la sécurité informatique pour toucher celle de la liberté d’expression. Google a donc décidé d’arrêter de filtrer ses résultats sur Google.cn. « Au cours des prochaines semaines, nous allons discuter avec le gouvernement chinois la base sur laquelle nous pourrions fonctionner un moteur de recherche non filtré dans la légalité, voire pas du tout. » Des conditions que le gouvernement chinois risque de rejetter en bloc. Ce dont est bien conscient Google qui n’en décide pas moins de trancher. « Nous reconnaissons que cela risque de nous conduire à fermer Google.cn et, potentiellement, nos bureaux en Chine. » Au risque de se passer du premier marché mondial Internet avec, aujourd’hui, plus de 350 millions d’internautes.

Mais tout n’est pas joué. L’initiative de Google a été saluée par l’administration américaine. Voire coordonnée avec celle-ci. La secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, aurait invité les grandes entreprises américaines, Microsoft et Cisco (qui aurait vendu l’infrastructure réseau et ses solutions de surveillance, le «great firewall», au gouvernement chinois) en premier lieu, à trouver un moyen de contourner la censure chinoise pour ses habitants. Voire à suivre l’exemple de Google de ne plus se faire le complice du régime de censure local. Une initiative qui aurait été d’autant plus appréciée avant les tentatives d’attaques des autorités chinoises. En attendant, c’est Baidu qui doit se frotter les mains de la disparition probable d’un concurrent de plus en plus gênant.