Guerre des brevets : le chinois Huawei attaque le chinois ZTE en Europe

Face aux silences de son concurrent, Huawei décide d’attaquer son compatriote ZTE pour viol de propriété intellectuelle. Une déclaration de guerre qui souligne la maturité des entreprises chinoises à l’international.

Le numéro un chinois des équipementiers télécom et réseau compte bien se développer rapidement en Europe, où la concurrence est rude. Huawei utilisera toutes ses armes, quitte à se montrer très offensif en attaquant son compatriote chinois ZTE… sur le sol européen.

Après la présentation d’excellents résultats 2010 (28 milliards de dollars en hausse de 24,2% sur un an, pour une marge opérationnelle de 4,4 milliards de dollars, soit +31,4 %), Huawei annonce qu’il vient de déposer une plainte contre son concurrent ZTE auprès du tribunal de grande instance de Paris, ainsi qu’en Allemagne et en Hongrie. Objet de cette plainte : ZTE utiliserait des technologies pour lesquelles Huawei a déposé des brevets dans la conception de ses modems cellulaires embarqués et clés USB-modems, mais également dans la conception d’équipements d’infrastructure LTE (Long Term Evolution exploité sur les réseaux 4G). En outre ZTE utiliserait illégalement la marque déposée Huawei sur certaines de ses cartes.

Huawei précise que ces actions font suite à des courriers adressés à l’intéressé afin de lui demander de cesser ces violations et d’acquitter à payer les droits de licence. En outre, la société rappelle avoir sollicité ZTE « en de multiples occasions » afin de négocier l’utilisation croisée de technologies brevetées. Toujours sans succès.

« Pour Huawei, les brevets représentent un investissement essentiel. En outre, nous participons activement aux comités de standardisation, notamment sur les technologies LTE », explique Song Liuping, responsable juridique de l’entreprise. « C’est pourquoi nous sommes l’un des leaders mondiaux sur ces technologies, autant sur le nombre de brevets que sur les produits commerciaux.» L’équipementier déclare avoir dépensé 222 millions de dollars en 2010 pour utiliser des licences d’autres acteurs, et investi environ 2,5 milliards de dollars en recherche et développement.

De son côté, ZTE s’étonne de l’initiative de son compatriote. « ZTE respecte sans réserve, et adhère, aux codes, aux pratiques et aux lois internationales relevant de la propriété intellectuelle, et rejette totalement le fait que des brevets ou des marques déposées puissent avoir été utilisés frauduleusement », déclare l’entreprise par voie de communiqué.

Estimant, à juste titre, que les brevets font partie de son capital intellectuel, Huawei souhaite aussi montrer qu’elle défend son patrimoine et protège ses investissements. « Néanmoins, il ne s’agit pas pour nous d’en faire une activité ou une source de revenus, mais plutôt de nouer des accords croisés avec d’autres acteurs pour participer activement aux évolutions technologiques des télécommunications et des réseaux, souligne Song Liuping. Nous souhaitons nous développer en paix, en négociant ce type de coopération, plutôt que d’attaquer. Cependant, nous comptons bien défendre nos investissements. »

Le conflit du jour s’inscrit comme un autre épisode de la guerre des brevets après les négociations Huawei/Motorola et plus récemment Ericsson/ZTE (lire l’article de ITespresso.fr) autour des technologies 2G et 3G au Royaume-Uni, en Italie et en Allemagne.

Une entreprise chinoise qui attaque une autre entreprise chinoise sur des brevets peut étonner. Pourtant, le directeur juridique de Huawei rétorque clairement : « Certes, nous sommes une entreprise chinoise, mais dont le capital qui est détenu par 60.000 de ses employés. Ces pratiques de défense de la propriété intellectuelle sont monnaie courante sur la scène internationale. Or, Huawei est justement une entreprise internationale. Cela illustre aussi la maturité des entreprises chinoises. »