Guy Mamou-Mani, Syntec Numérique : « réorienter les efforts fiscaux vers l’emploi qualifié »

Pour le président de Syntec Numérique, syndicat patronal des SSII et éditeurs, l’expatriation des jeunes est plutôt une bonne nouvelle, dès lors que le pays se donne les moyens de les inciter à revenir. Pour ce faire, la France devrait réorienter ses efforts vers l’emploi à forte valeur ajoutée.

Le fait que de plus en plus de jeunes français envisagent de faire carrière à l’international ne doit pas alarmer. À la condition que la France ait les moyens de les inciter à revenir, et que ses entreprises renforcent leur compétitivité, explique Guy Mamou-Mani, co-dirigeant de Groupe Open et président du syndicat professionnel Syntec Numérique.

Silicon.fr – 38% des jeunes diplômés envisagent un séjour à l’étranger supérieur à dix ans et 28% une expatriation à vie. La tendance se vérifie dans le numérique. Que pensez-vous de la situation ?

Guy Mamou-Mani – Il n’y a pas de quoi s’alarmer, mais nous devons nous interroger. Que les jeunes talents se confrontent à l’international, qu’ils affûtent leur vision du monde et de ses marchés, c’est plutôt une bonne nouvelle, dès lors que la France et ses entreprises ont les moyens de les inciter à revenir… Et c’est là que le bât blesse !

La durée des séjours envisagée est de plus en plus longue. Entre 2005 et 2013, la part des jeunes diplômés qui envisagent un séjour à l’étranger de plus de 10 ans est passée de 27% à 38%. Certains pensent faire carrière à l’international, sans revenir en France, parce qu’ils n’ont pas de réponses à leurs attentes ici. Concernant l’industrie numérique, les salaires des cadres sont bien plus élevés dans la Silicon Valley. Les entreprises IT en France n’ont pas les moyens de lutter, leurs charges sont trop élevées.

L’allègement de charges des entreprises prévu dans le Pacte de responsabilité est-il insuffisant ?

L’allègement de charges proposé dans le cadre du Pacte de responsabilité est un premier pas positif. Mais nous estimons, chez Syntec Numérique, que les efforts fiscaux doivent être réorientés vers l’emploi à forte valeur ajoutée. Le but est clair : il s’agit de mieux payer les salariés de secteurs en croissance où la concurrence est rude et mondiale.

Nous devons donc renforcer et préserver notre compétitivité, y compris par rapport à d’autres pays européens, et ce en allégeant le coût du travail. En France, le coût horaire du travail dans la programmation, le conseil et d’autres activités informatiques est l’un des plus élevés d’Europe. C’est un problème, comme en témoigne une récente étude Coe-Rexecode, dont la Fédération Syntec s’est fait l’écho.

Les employeurs du numérique ne sont-ils pas concernés par le CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) ?

Les dispositifs français d’allègement de cotisations sociales patronales, ainsi que le CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), touchent peu la filière IT, le salaire moyen de la profession étant supérieur à celui d’autres secteurs. Le CICE est assis sur des rémunérations dont le montant n’excède pas 2,5 Smic.

Pour gagner en compétitivité dans le numérique, nous proposons donc d’augmenter ce plafond à 3,5 Smic (ndlr : le montant mensuel du Smic est de 1 445,38 euros bruts). C’est une vraie réponse à un problème de fond. Le compréhension politique des enjeux ne suffit pas, nous devons passer à l’action pour faire du numérique un véritable levier de croissance.


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