Hadopi : la commission mixte paritaire se dirige vers la double-peine

Réunissant de 14 députés et sénateurs, la Commission mixte paritaire(CMP) harmonise le projet de loi Création et Internet. Un abonné convaincu de téléchargement devra ainsi continuer de payer son abonnement Internet

Si, en principe, la Commission mixte paritaire ne devait que rendre compatibles les deux versions du projet de loi voté par le Sénat et l Assemblée nationale, elle est notamment revenue sur un amendement déjà voté.

Une disposition visait à protéger l’abonné à Internet de la « double peine » en l’exonérant de payer sa facture Internet en cas de suspension de cette dernière pour piratage répété. L’Assemblée avait bien décidé que l’abonné ne paierait pas la part correspondant à l’accès à Internet de son abonnement. Dommage, la CMP a estimé que ladite disposition serait supprimée car elle faisait « porter aux fournisseurs d’accès Internet le préjudice d’une sanction prononcée contre l’un de ses abonnés« , à en croire les propos du sénateur UMP Michel Thiollière.

Selon la Commission des affaires culturelles, cette décision a été prise pour deux raisons : « l’une pédagogique, l’autre juridique. En effet, en cas de suspension du paiement de l’abonnement à Internet, les fournisseurs d’accès auraient été fondés à se retourner vers l’Etat pour lui demander de compenser financièrement le manque à gagner d’une décision administrative, sanctionnant le comportement de l’internaute concerné, dont ils n’auraient pas été responsables ». Pour Michel Thiollière :« On aurait donc abouti au paradoxe suivant : l’Etat, et donc les contribuables, auraient payé pour les internautes contrevenants ! ».

Le constat est donc simple . Un abonné accusé par l’Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des Œuvres et la Protection des Droits sur Internet) d’avoir téléchargé

devra payer un service dont il ne bénéficiera pas… Simple ? Pas tant que cela puisqu’on se demande encore comment les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pourront couper l’accès Internet sans pour autant toucher à l’IPTV ou au téléphone dans le cadre d’un abonnement dit « triple play » (TV, Internet, téléphone).

Le problème se pose particulièrement pour le téléphone, censé être un Service Universel…

Toujours est-il que la disposition prise par la CMP instaure u ne double peine (coupure Internet et paiement du service suspendu), notion très encadrée puisque par principe inconstitutionnelle mais employée pour des cas rares (notamment à l’issue des peines d’emprisonnement de certains ressortissants étrangers non- européen). Le Conseil constitutionnel, tout comme les juridictions européennes pourraient donc avoir à mettre leur nez dans cette loi…

Mais pour Jacques Legendre, président de la Commission des affaires culturelles du Sénat, cette notion de double-peine est une erreur :« Certains ont parlé, de façon inappropriée, de soi-disant « double sanction » alors qu’il s’agit simplement de respecter les relations contractuelles entre l’internaute et son fournisseur d’accès. Lorsqu’un abonné – que ce soit à Internet ou à EDF d’ailleurs – ne respecte pas ses obligations, il est normal qu’il continue à payer son abonnement. Pour les sénateurs, c’est une question de bon sens ! ».

Par ailleurs, la Commission mixte paritaire a durci le ton puisqu’elle a évincé définitivement la possibilité de restreindre les débits de l’abonné ( la ministre de la Culture avait proposé « un droit à la messagerie »). D’autre part, il ne devrait finalement pas y avoir d’amnistie pour les internautes condamnés avant l’entrée en vigueur de la loi.

Reste à l’Assemblée nationale à ratifier le texte qui lui sera présenté dés le 9 avril. Le dernier recours semble être celui des « sages » du Conseil constitutionnel contre une loi très critiquée et aux contours difficilement applicables.