Haut débit mobile : HSxPA et WiMax vont-ils s’opposer ?

A l’heure où l’on commence à parler de 4G, se pose la question de la technologie haut débit mobile du futur. WiMax mobile et HSxPA entreront-ils en concurrence ou au contraire joueront-ils la carte de la complémentarité ? Eléments de réponses avec quelques spécialistes, notamment rencontrés lors d’une table ronde organisée par Altran sur la question

Encore balbutiant en France, le haut débit mobile est promis à un bel avenir. Il faut dire que les technologies ne cessent de progresser. De l’UMTS à 384 kb/s, nous sommes assez vite passé à l’HSDPA (3G plus ) qui permet un débit descendant de 3 Mb/s (et bientôt 7 Mb/s) et à l’HSUPA qui offre un débit montant de 1,4 Mb/s. De quoi offrir un confort d’utilisation en mobilité proche de l’ADSL pour les populations professionnelles mais aussi pour le grand public.

Pour autant, la technologie 3G/3G plus n’est pas la seule et le WiMax mobile frappe déjà à la porte. Promettant encore plus de vitesse (jusqu’à 20 Mb/s), ce grand frère du Wi-Fi pourrait également s’imposer en ville comme technologie haut débit mobile.

Le WiMAX mobile repose sur des technologies à base d’IP (Internet Protocol), d’OFDM (Orthogonal Frequency Division Multiplexing) et d’antennes avancées (BeamForming et MIMO) qui préfigure le futur standard 4G.

Poussé par le monde informatique, Intel en tête, le WiMax mobile est paré au décollage. En Corée du Sud (avec la variante WiBro) et aux Etats-Unis, il s’agit même d’une réalité (lire notre encadré). En France, le WiMax est aujourd’hui utilisé pour couvrir les zones blanches ou grises privés d’ADSL à travers l’attribution de licences régionales. Mais le nomadisme métropolitain fait saliver de nombreux acteurs, Iliad en tête. La maison mère de Free est en effet le seul à posséder une licence WiMax nationale.

Pour autant, le HSxPA n’a pas dit son dernier mot puisque son débit maximum théorique est de 14 Mb/s. Doit-on alors s’attendre à une opposition forte entre les deux technologies à court terme ?

Pour Jérôme Rousseau, chef de service Opérateurs et régulation des ressources rares à l’Arcep (le régulateur des télécoms), il est encore trop tôt pour parler d’opposition. « Avant de parler de déploiements haut débit mobile, notamment avec le WiMax, il faut régler le problème des fréquences. C’est un enjeu majeur : il faut libérer de nouvelles fréquences pour permettre le développement national du haut débit mobile. Reste à savoir qui profitera du dividende numérique, c’est-à-dire la libération des fréquences basses (inférieures à 800 Mhz) analogiques utilisées par la télévision ? ».

Deuxième argument qui ne plaide pas pour une concurrence à court terme, les équipements. Pour Jean-François Huguet, CTO de SHD (Société du haut débit, une filiale de SFR et de Neuf Cegetel qui opère des déploiements WiMax). « Le WiMax mobile possède pas mal d’avantages comme le débit, l’adaptabilité à tout environnement, la couverture, une chaîne full IP. Mais la rareté des terminaux pose encore problème. Les chipsets ne sont pas disponibles en volume, nous sommes encore en période de rodage. Intel assure qu’il intégrera le WiMax à Centrino en 2008, le décollage se fera à ce moment là. »

Un avis partagé par Denis Pagnac, directeur stratégies mobiles chez Alcatel-Lucent. « Concernant le WiMax, l’essentiel de l’offre se concentre aujourd’hui sur les cartes PC. On va changer d’échelle lorsque Intel montera en charge au niveau des composants, ce qui devrait se produire l’année prochaine. Pour les terminaux, nous pensons que le marché ne décollera vraiment qu’à partir de 2009. Chez Alcatel-Lucent, nous avons noué des partenariats avec des fabricants comme Kyocera ou des fondeurs comme Intel pour créer les conditions du décollage. Du côté de la 3G/3G , l’offre s’élargit de plus en plus. Nous n’en sommes qu’au début. A terme, nous pensons que les fabricants pourront proposer des combinés compatibles HSPA et WiMax mais aussi GPS ou Bluetooth. Il faudra néanmoins régler les problèmes techniques qu’entraîne ce mix technologique et faire attention au prix ».

Même tonalité de la part de Bruno Salgues, directeur d’Etudes à l’INT. « Les équipements ont un rôle important pour imposer une technologie. Le terminal est un enjeu central. Mais on ne peut pas faire l’impasse sur une technologie ou une autre. A mon avis, les terminaux seront à terme multi-modes ».

Encore faut-il que les deux univers accordent leurs violons. Le HSxPA est issu du monde télécoms tandis que le WiMax est issu du monde informatique. Les logiques de normalisation ne sont pas les mêmes. Le HSxPA dépend du 3GPP connu pour sa lenteur mais aussi pour ses efforts d’interopérabilité. Le WiMax dépend de l’IEEE (qui a d’ores et déjà ratifié la technologie), plus réactif mais laissant plus de côté les problèmes d’interopérabilité, ce qui a parfois posé problème, notamment avec le Wi-Fi.

« Le 3GPP cherche avant -tout à assurer la compatibilité avec l’existant. Ce qui demande des efforts importants de standardisation, d’où des délais plus longs. L’IEEE, issu du monde de l’informatique n’est pas confronté aujourd’hui à cette contrainte d’interopérabilité avec l’existant. A première vue, la standardisation du WiMax par exemple peut apparaître plus rapide. Le WiMax est fortement soutenu par des géants comme Intel, mais aussi Nokia. L’avantage du WiMax sur les technologies 3G va donc perdurer un temps. Mais le décalage va vite s’estomper : il faudra bien assurer l’interopérabilité car ces technologies ont besoin de s’intégrer dans l’existant », explique Denis Pagnac, d’Alcatel-Lucent.

Et d’ajouter : « A notre niveau, nous pensons que les deux technologies sont complémentaires et nous travaillons sur les deux terrains. Pour les opérateurs mobiles, qui ont fortement investi dans leurs réseaux 3G, il est logique de pousser la 3G . Le WiMax de son côté est plutôt soutenu par les opérateurs fixes, et alternatifs . Si les écosystèmes sont différents, la frontière entre les deux technologies n’est pas infranchissable. Ainsi, SFR se positionne également dans le WiMax. D’ailleurs, WiMax et 3G ont des briques technologiques en commun. A terme, ces deux modes d’accès vont se rejoindre. D’ailleurs, chez Alcatel-Lucent, nous opérons des synergies dans la R&D de ces deux technologies ».

D’ailleurs, ce lundi,l’Union internationale des télécommunications, qui dépend des Nations unies a fait entrer entrer le WiMax dans la liste des standards de la 3G. Conséquence, le WiMax pourra être exploité dans les bandes de fréquences réservées à la 3G.

WiMax mobile et HSxPA devraient donc à terme cohabiter et ces deux technologies devraient constituer le cœur de la 4G urbaine (car il ne faut se leurrer, le nomadisme à haut débit ne devrait concerner que les grandes villes). Mais il est inutile de brûler les étapes. Comme le souligne Philippe Matillon, responsable R&D Wireless Haut Débit chez Bouygues Telecom : « Exploitons au mieux ce qui existe déjà, la 3G réponds à la plupart des attentes des clients. Donnons-leur déjà de l’efficacité avec l’existant avant de passer à autre chose »…

WiMax mobile : difficultés en Corée, lancements aux Etats-Unis Au moins deux pays ont fait le choix du WiMax pour offrir une connexion haut débit mobile dans les grandes villes. En Corée du Sud, Samsung a lancé son WiBro maison en 2006. Mais les premiers résultats sont mitigés puisque seulement 53.000 personnes s’y seraient abonnés. La déception est venue des débits : Intel promettait au moins 70 Mb/s alors que dans la réalité, le débit descendant atteint 20 Mb/s et le montant 6 Mb/s (ce qui n’est pas si mal). Par ailleurs, s’il existe dans le pays des cartes PCMCIA et des clés USB pour connecter son laptop au WiMax, les téléphones compatibles se font encore rares. Aux Etats-Unis, Samsung va également déployé sa technologie avec l’opérateur Sprint-Nextel. L’équipementier promet des débits doublés grâce à l’utilisation du Mimo. Dans un pays où la 3G est quasi-inexistante, le WiMax a sa carte à jouer. Sprint-Nextel annonce l’ouverture d’un nouveau réseau dans la région de New York, après Washigton, Philadelphie, Providence et Baltimore. Les ambitions de Sprint sont importantes : l’opérateur compte investir pas moins de 5 milliards de dollars dans le WiMax d’ici à 2010. Les deux partenaires espèrent séduire 100 millions d’utilisateurs d’ici la fin de 2008

>>> Lire en page 2, une interview de Michel Basset, Directeur Marketing WiMAX d’Alcatel-Lucent