Histoire d’un joueur coréen au bord de l’anorexie

6 mineurs sud coréens sont décédés en 2002? Les accros du jeu en ligne n’ont pas de temps à consacrer à se nourrir

Lim est un sud coréen âgé de 12 ans, accro au jeu en ligne ‘Lineage’. Une véritable histoire d’amour qui occupe tout son temps et inquiète suffisamment ses parents pour qu’ils commencent à règlementer l’accès au PC familiale.

Mais Lim est vraiment accro. Lorsqu’il ne joue pas à son jeu favori, il regarde l’une des nombreuses chaînes du câble consacrée aux compétitions de jeux en ligne. Son idole figure parmi les 50 joueurs stars TV, sponsorisés par les éditeurs de jeux ou les chaînes média. D’ailleurs l’un des meilleurs n’a que 13 ans. Professionnel, il gagne des millions de wons. Alors, pour pouvoir continuer à jouer, Lim ’emprunte’ 13.000 dollars à son père et fugue ! Sa seule préoccupation est de jouer à Lineage. Comme des dizaines de milliers de joueurs, accros comme lui, s’alimenter n’est qu’une perte de temps. Une canette de cola et un bol de nouilles passées sous eau chaude lui suffisent. Lim se réfugie dans les cybercafés, se connecte, et rejoint une nouvelle fois l’univers fantastique qui peuple son quotidien. Corée du Sud, l’envers du décors La Corée du Sud, le pays au 25.000 cybercafés, est le leader mondial en matière de connexion Internet par habitant. 70% de la population ? le pays compte 48 millions d’habitants ? dispose d’un accès à domicile, et 16 millions de foyers sont équipés d’une liaison à haut débit. Mais, derrière une situation idyllique d’un pays qui adopte massivement le Web, se cache un phénomène inquiétant : 60% des jeunes coréens seraient intoxiqués par les jeux vidéo. En moyenne, un lycéen passe entre 17 et 26 heures par semaine à jouer en ligne. En 2002, six jeunes joueurs accros sont décédés de malnutrition. Pas de temps pour manger. Un autre, perdu entre rêve numérique et réalité, aurait tué sa jeune s?ur sans prendre conscience de la gravité de son acte. Les services sociaux s’inquiètent. L’Etat pourrait légiférer L’ampleur du phénomène est telle que les services sociaux et d’éducation s’en alarment. Un nouveau profil d’élèves a fait son apparition dès l’école primaire : ils ont les plus mauvais résultats, sont en conflit avec leurs camarades, les enseignants et leur famille, et ils prolongent leur univers numérique jusque dans les cours d’école. Un « Centre de prévention et de conseil sur les dépendances Internet » a été institué: il détecte chaque semaine 30 nouveaux cas de toxicomanie aux jeux vidéo. Et le chiffre ne cesse d’augmenter. Il faut dire aussi que dans les 25.000 cybercafés, l’heure de connexion ne coûte que 1.000 wons (50 centimes) ! Les parents, les associations, l’éducation militent pour une réduction des accès aux jeux vidéo. Impuissant, l’état sud-coréen pourrait se tourner vers une action dont l’effet est plus qu’aléatoire : légiférer, réduire les temps d’accès par une loi, sans que pour le moment aucun moyen de contrôle n’ait été envisagé. Car le jeu vidéo est un marché juteux, pour tout le monde. Univers parallèle, économie parallèle Le jeu ‘online’ représente un marché en très forte expansion, dont le chiffre d’affaire en 2003 a été estimé à 500 milliards de wons, soit environ 240 millions de dollars. Une industrie qui, comme nous l’avons vu, a ses vedettes et ses médias. Certes, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Car le jeu vidéo draine un marché parallèle. Il ne s’agit pas ici des vedettes médiatisées, mais d’une astuce de jeu qui permet de modifier le profil et d’augmenter la puissance d’un personnage incarné par le joueur. Un personnage en ligne possède des objets, des pouvoirs, toutes choses qu’il peut négocier, et vendre. Un étudiant âgé de 25 ans a ainsi joué sans discontinuité trois jours d’affilée afin de réunir un maximum d’artefacts, qu’il a ensuite revendus à d’autres joueurs pour 1.400 dollars. Ces systèmes d’échanges ?parallèles- échappent à tout contrôle commercial. Ils viennent pimenter le jeu. D’autant que les développeurs les prennent en compte au profit des marges de leurs sociétés. Ils ouvrent aussi un accès à de l’argent qui semble facile à des milliers de jeunes accros qui dépensent sans compter dans l’espoir de gagner plus. Ce qui participe au phénomène d’accoutumance. Et notre jeune Lim ? Le voilà à Pusan, toujours dans une salle de jeu en ligne. Il veut devenir la star de Lineage, passer à la télé, gagner des millions de wons en jouant. Mais son personnage maque de puissance ! Alors il achète pour 300 dollars d’artefacts. C’est cette transaction qui permettra de le repérer. Depuis, il aura sans doute subit une cure de désintoxication?