HP n’ignorait pas tout des petits arrangements d’Autonomy

Selon des documents de l’enquête dévoilés par le Financial Times, les dirigeants de HP étaient au courant des pratiques comptables douteuses de leur filiale Autonomy. Avant même les avertissements d’un lanceur d’alertes en mai 2012.

Selon le Financial Times, contrairement à ce qu’ils affirment, les dirigeants de HP n’ont pas attendu les révélations d’un lanceur d’alertes pour avoir connaissance – au moins en partie – des pratiques comptables douteuses d’Autonomy, l’éditeur britannique de logiciels racheté 11,1 Md$ à l’été 2011.

En novembre 2012, environ un an après la finalisation du rachat, le géant californien passait une charge exceptionnelle de 5 Md$ reflétant la dépréciation de l’activité issue de la société anglaise, suite aux révélations d’un lanceur d’alertes en mai de cette même année. Selon le quotidien de la City, qui a manifestement eu accès à des éléments de l’enquête, cette thèse a du plomb dans l’aile. Se fondant sur des e-mails internes et des témoignages, Le Financial Times explique notamment que HP était au courant du fait que de nombreux contrats signés par Autonomy incluaient des ventes de matériels bien avant les informations données par ce lanceur d’alerte

Cette pratique figurait qui plus est dans les rapports d’audit de Deloitte, le cabinet retenu pour la certification des comptes d’Autonomy. En décembre 2010, Deloitte mentionne ainsi que le matériel représente 9 % des ventes de la société au cours des six mois qui précèdent. Le Financial Times affirme par ailleurs avoir consulté un rapport du cabinet dans lequel ce dernier « accepte la décision du management [d’Autonomy] d’allouer [les coûts matériels] aux ventes et au marketing ». Cette méthode est toutefois pointée comme un risque par Deloitte.

HP campe sur ses positions

Dans ses actions intentées contre les anciens dirigeants d’Autonomy, HP cite toujours cette pratique comptable comme un des principaux mécanismes utilisés pour le tromper sur la valeur réelle de la société.  Le géant affirme que la vente de matériels représentait entre 10 et 15 % du chiffre d’affaires total de l’éditeur anglais.

Devant les révélations du quotidien britannique, le californien explique que s’il « avait éventuellement connaissance qu’une partie du chiffre d’affaires d’Autonomy était lié à des ventes de matériel, il ne savait rien des irrégularités comptables, des représentations faussées et des entorses à l’obligation d’information relatives à ces ventes jusqu’à ce qu’un dirigeant d’Autonomy se manifeste et que HP mène une enquête en profondeur. »

Jeu dangereux avec les revendeurs

L’utilisation du réseau de distribution pour gonfler les ventes est l’autre argument mis en avant par HP pour invoquer une fraude massive organisée par le ex-dirigeants d’Autonomy. Or, le Financial Times assure avoir consulté des mails datant d’avant les révélations du lanceur d’alertes montrant que le Californien discutait déjà de ce sujet avec les dirigeants de sa nouvelle activité. Reste que deux contrats (avec les vétérans de l’armée américaine et avec le Vatican), décortiqués par le quotidien, montrent les relations complexes que l’éditeur entretenait avec ses revendeurs. Avec des versements allant tant des revendeurs à Autonomy que dans le sens inverse pour des montants très proches. Des « coïncidences «  qui, évidemment, soulèvent bien des questions.

HP affirme que « Autonomy avait engagé des transactions frauduleuses avec certains distributeurs à valeur ajoutée pour créer les apparences d’un chiffre d’affaires en licences logicielles à la fin de chaque trimestre. Dans certains cas, ces transactions étaient utilisées pour gonfler le chiffre d’affaires et, à de nombreuses occasions, il s’agissait de transactions factices sans utilisateur final impliqué ». De son côté, Mike Lynch, le fondateur et Pdg de l’éditeur au moment du rachat, affirme que la rapide dépréciation de la valeur d’Autonomy résulte des erreurs de management commises par HP dans la direction de cette activité logicielle. Ce qui aurait, dans un second temps, incité le géant californien à poursuivre les anciens dirigeants de la société britannique.

Etant donné la gravité des accusations de HP – et les montants évoqués -, le département américain de la Justice et l’organisme anglais chargé de la lutte contre les fraudes (UK Serious Fraud Office) ont été saisis du dossier. L’enquête est toujours en cours des deux côtés de l’Atlantique.

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