HP Itanium ? Sun Opteron : deux stratégies, deux objectifs?

Retour sur les annonces majeures qui ont rythmé le monde
des serveurs, ces derniers jours. Choix des processeurs, mais également options « Linux » des constructeurs…

HP et Sun ont presque simultanément annoncé la semaine dernière leur nouvelle stratégie sur les serveurs. Deux annonces au contenu proche sur un marché identique, mais deux stratégies qui s’opposent.

Les technologies 64 bits vont se tailler la part du lion, que ce soit en entrée ou en haut de gamme, tandis que les architectures multi-processeurs se multiplient: par 2 voire par 4, 8, etc. Sur le haut de gamme en serveurs RISC, les gammes sont renouvelées, mais chacun assure la continuité. Chez HP, la puce PA-8800 double la PA-8700, tandis que chez Sun, l’UltraSparc IV se dote en réalité de deux puces UltraSparc III. On retrouve ici la même philosophie qu’IBM avec son Power4. Bien sûr, l’ensemble fonctionne sous Unix, HP-UX pour HP, Solaris pour Sun, et AIX chez IBM. Mais Linux est présent, SuSE pour HP, RedHat pour Sun. Les deux constructeurs, en revanche, se distinguent sur l’entrée et le milieu de gamme. HP récolte le fruit de ses investissements conjoints avec Intel sur la technologie Itanium 2, qui équipe ses serveurs Integrity, avant de se déployer dans un futur proche sur les Superdome et d’y remplacer définitivement les processeurs Alpha hérités de Digital/DEC. Pour Sun, la démarche est un peu plus complexe ! Des années de culture anti Intel et anti Microsoft ont laissé des traces. C’est donc naturellement que le constructeur se tourne vers un alternatif: AMD et ses processeurs Opteron. D’autant que le passage des applications en architecture 64 bits y est plus souple, puisque les processeurs du fondeur sont compatibles 32 et 64 bits. Le choix d’AMD s’inscrit donc plutôt dans une phase de mutation, ou migration en douceur vers un futur totalement 64 bits, ce qui, a priori, rejoint le choix d’HP. Or, c’est là que les stratégies des deux constructeurs divergent. D’abord parce que Sun se doit de reconquérir un marché des serveurs d’entrée de gamme qu’il a perdu au fil des années. Une démarche qui pourrait se révéler vitale pour sa survie, mais arrive peut-être un peu tard! Mais aussi parce que sur un marché en forte expansion, mais pas extensible à l’infini, où certains fabricants comme Dell foncent sans état d’âme, la concurrence sera féroce. Et sur ce plan, la politique d’HP paraît claire: la cible numéro-un c’est la clientèle de Sun; sa progression sur le marché des serveurs se fera au détriment de ce dernier. D’autant que Sun va rencontrer une difficulté majeure : une ligne stratégique qui manque encore de lisibilité, une problématique emblématique chez un fabricant où les revirements d’un président turbulent intriguent certains! Et puis, comment inciter une force de vente habituée à faire de la marge sur des systèmes Sparc/Solaris, à vendre du serveur AMD au prix ridiculement bas et équipé d’un système d’exploitation quasiment gratuit -Linux ? Chez HP, cette problématique est moins sensible, car le fabricant s’est adapté à une culture de vendeur de boîtes que l’affrontement permanent avec Dell a stimulé. Et c’est là aussi que la nouvelle stratégie Entreprise adaptive d’HP prend toute sa dimension? Car la réduction des coûts recherchée par les entreprises s’est doublée de l’arrivée d’un attrait pour Linux et l’Open Source qui rend marginal le coût du système d’exploitation et de certaines applications. La stratégie d’HP pour les prochaines années prend alors une couleur très marketing. Les serveurs ne sont plus considérés comme des systèmes individuels mais comme les maillons d’un ensemble dont le fabricant se propose de prendre le contrôle en plaçant justement ses serveurs aux embranchements stratégiques de l’informatique et de la communication. Cette vision globale d’une informatique déployée à partir de serveurs puissants mais basés sur des technologies génériques manque à Sun. Faire le choix de technologies réputées d’entrée de gamme, nonobstant les performances des processeurs et ‘chips’ d’AMD, est un signe fort vers les clients à la recherche du meilleur prix. Mais il faudra que Sun accompagne son offre de services capable de relancer son chiffre d’affaires et sa marge. Le paradoxe de Linux, entre mirage et artifice commercial

De l' »Entreprise adaptive » d’HP à l’ambiguïté du discours de Sun, qui s’affirme Linux mais continue de placer du Solaris, en passant par IBM qui se présente de plus en plus comme un partenaire maître d’?uvre plutôt que comme un assembleur, la politique des constructeurs est le reflet d’un paradoxe qui se nomme Linux.

Il ne s’agit pas ici de s’interroger sur la qualité ? reconnue et appréciée – du système d’exploitation et des développements de la communauté Open Source, mais plutôt de s’interroger sur la stratégie commerciale des constructeurs qui supportent Linux. En effet, l’engouement des responsables informatiques pour Linux répond à deux démarches: 1-la recherche de réduction des coûts: l’argument du prix des environnements logiciels sous licence Open Source varie, entre coût marginal et gratuit 2-un effet de mode: oui, car comment expliquer l’attrait de Linux auprès de responsables informatiques qui, cependant, ne remettent pas en cause leurs précédents choix et ont intérêt à les maintenir dans le temps ? Commercialement, les fabricants doivent répondre aux attentes de leurs clients, et c’est la raison pour laquelle tous adoptent diverses distributions Linux dans leur catalogue. Mais peut-on sérieusement vendre des solutions qui dégagent une marge proche du zéro absolu ? Car, sans parler des adaptations locales et des développements spécifiques au coût similaire que l’on trouve en environnement Libre ou propriétaire, le client est en droit d’attendre du service et de la maintenance. Linux, produit d’appel pour relancer Unix?… Le principal paradoxe ne provient donc pas de cette ambiguïté du ‘gratuit à la recherche de rentabilité‘, mais plutôt des chiffres de ventes des solutions Unix, qui ne cessent d’augmenter chez HP ou IBM, alors que ces constructeurs ont adopté un discours qui met Linux en avant. Alors, pour les fabricants, Linux ne serait-il finalement qu’un produit d’appel permettant d’appâter les clients en répondant à leurs attentes, mais pour finalement l’aiguiller vers Unix sur ses serveurs, avec la marge associée ? La question mérite d’être posée car dans bien d’autres domaines on pratique le prix d’appel, parfois en vente à perte? et ça marche!