Comment l’intelligence se propage dans les réseaux télécoms

La dénomination « réseau intelligent » a été formulée dès les années 80, avec une réelle prémonition. Aujourd’hui, ce concept englobe des tendances technologiques comme l’intelligence artificielle (avec le machine learning) ou les solutions de prédictibilité.

Qui dit « intelligence » dans les systèmes de communication et d’information, dit systèmes experts et désormais intelligence artificielle (IA) avec ses approches de machine learning  (« apprentissage autotamique ») ou de son sous-ensemble deep learning (« réseaux neuronaux »)…

Qu’en est-il dans l’univers des télécoms ? Selon l’étude Gartner « The road to enterprise AI, 2017″, une proportion de 10 % des interventions d’urgence sur le terrain sera déclenchée et programmée par IA à l’horizon 2020.

Combiné à l’analytics ou le big data, le cabinet d’études évoque un « impact considérable de ces nouvelles technologies » sur des pans entiers de l’industrie : surveillance des machines de production, prévention de la défaillance d’un équipement et maintenance prédictive.

Dissocier commutation et services : à revoir

Ces développements technologiques s’inscrivent dans le droit fil des recherches historiquement effectuées bien avant l’an 2000. Dès les années 80, les chercheurs parlaient déjà « d’Intelligent Network » (IN) pour définir des fonctions provenant d’ordinateurs ou modules informatiques pilotant des autocommutateurs de réseaux téléphoniques.

Elles ont servi – et servent toujours – pour des dispositifs de communication tels que les numéros verts du type 0800 (pouvant  faire l’objet d’une surfacturation côté appelant) et pour l’utilisation des cartes prépayées à consommer sur les réseaux mobiles.

En termes de normalisation (cf. la signalisation SS7 pour Signalling System #7), on recense une dizaine de fonctions « Intelligent Network » pour piloter des équipements du réseau téléphonique  : création ou ouverture de service, contrôle, management, data et fonctions particulières de facturation…Une exploitation technologique qui a abouti à une séparation entre la commutation et les services.

La famille des « réseaux intelligents » s’est élargie au concept de réseau privé virtuel (VPN en anglais), qui permet de raccorder des clients via des commutateurs publics différents gérés par une multitude d’opérateurs.  Ces solutions ont introduit l’utilisation de ‘triggers’ ou ‘trigger points’ (points de déclenchement automatique et de détection liés à des événements) qui ont comme principal intérêt d’être activables de manière dynamique.

L’apport des réseaux mobiles

Le déploiement des réseaux mobiles a également permis l’essor des réseaux « intelligents » : les abonnés mobiles, ayant la liberté de se déplacer partout, peuvent se présenter sur n’importe quel commutateur réseaux d’un opérateur mobile sur la planète. Mais cette capacité de suivre les moindres trajets nécessite de récupérer le profil de l‘appelant sur le HLR (home location register) de son opérateur.

Cette approche a permis de ne pas modifier (ou très peu) les ressources de réseau lorsqu’un nouveau service était introduit ou activé. C’était déjà l’idée que des programmes informatiques ou algorithmes apportaient une modélisation des ressources et une automatisation de certaines fonctions.

A la couche de commande des commutateurs au niveau physique du réseau, on a substitué ou superposé une plateforme avec des séquences de commandes préprogrammées, qui s’activent à partir d’informations fournies par le réseau.

Ce sont là les fondations des plateformes de virtualisation qui désolidarisent le hardware et la couche logicielle. On parle aussi d’abstraction entre les couches physiques et services.

L’avènement du « tout IP » et du « SDN »

En parallèle, les technologies IP (Internet protocol) ont, elles aussi, changé la donne. Elles ont continué de modifier le modèle de commutation unifiée par l’introduction de domaines séparables : accès, pilotage logiciel de l’appel et de la connexion, etc. Dorénavant, le service précède la connexion.

Aujourd’hui, le Software-designed network (SDN) et la virtualisation des fonctions réseaux (NFV) conduisent à un pilotage par commande logicielle. Une nouvelle ère de l’intelligence des réseaux s’ouvre avec la mise à disposition de services de connectivité On Demand, que l’on peut payer à la consommation et activer en quelques clics sur un portail client.

Les entreprises adaptent elles-mêmes leurs besoins en bande passante (de 1 à 100 Gigabit/s), à la hausse et à la baisse et quasiment en temps réel, comme le permet depuis quelques mois le réseau Colt IQ par exemple.

En parallèle, cet opérateur a ouvert la possibilité de gérer des accès directs vers le Cloud public, chez Amazon (AWS) et Microsoft (Azure). De même, grâce à la virtualisation de ses infrastructures, les délais sont considérablement réduits pour la desserte des principaux datacentres (chez des hébergeurs comme Equinix, dotés de « meet-me rooms »).

L’apport des réseaux neuronaux dans les télécoms

L’intérêt des systèmes experts ou les avancées du machine learning aujourd’hui se concrétise par exemple dans la prédictibilité des événements au cœur des systèmes de communication. Des modélisations de plus en plus affinées permettent d’anticiper des incidents dus à des risques de goulets d’étranglement.

Les applications de maintenance prédictive ne cessent de s’enrichir par auto-apprentissage des systèmes. De même, le suivi automatisé et l’analyse des incidents de sécurité ou de cybermenaces sur la Toile permettent d’endiguer les risques d’assauts et autres perturbations réseaux (comme des anomalies de fonctionnement réseaux).

En outre, grâce à des agents logiciels dits « intelligents », les incidents tendent à être résolus automatiquement, et donc en toute transparence du côté des clients utilisateurs. Il est également question de « self healing » ou autoréparation des infrastructures par le système ou par l’utilisateur sans intervention de techniciens.

Les réseaux télécoms sont bel et bien devenus un terrain d’exploration privilégié pour les nouvelles applications d’intelligence artificielle. Une suite logique de la virtualisation des infrastructures. Quelle est la prochaine étape ? On voit poindre le potentiel du deep learning ou l’apport des réseaux neuronaux…Mais, là, c’est un autre bond technologique.