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Comment IBM, Almerys et Pro BTP traquent la fraude aux soins de santé

Les chiffres donnent le tournis : la fraude et la corruption dans les soins de santé représenteraient 15 milliards d’euros en France selon l’European Healthcare Fraud & Corruption Network (EHFCN). Laurent Cerreda, président d’Almerys, spécialiste de la gestion de prestations pour le compte des complémentaires santé, évoque pour sa part une évaluation supérieure à 8 milliards d’euros. Sans polémiquer sur les chiffres, force est de constater que la fraude aux soins de santé est particulièrement élevée et que « les évolutions du marché de l’assurance santé en France, avec l’obligation de pratiquer le tiers payant, vont accélérer ce risque », anticipe le responsable.

La plateforme Solon : analytique et indicateurs métiers

Face à cette menace, 3 acteurs, Almerys, Pro BTP (le groupe de protection sociale professionnel dédié aux secteurs du bâtiment et des travaux publics) et IBM, se sont associés depuis 2014 pour lancer une solution de détection de cette fraude. Big Blue a apporté son expertise à travers deux solutions en mode Cloud. CFM (Counter Fraud Management) tout d’abord, « un service combinant du datamining, de l’analytique et des moteurs de règles dédiés par secteur d’activité », explique Thibault Pironneau, directeur protection sociale et santé chez IBM France. FAMS (Fraud and Abuse Management System) ensuite, « un service regroupant plus de 10 000 indicateurs métiers dans différents domaines dont la santé, avec des focus sur l’optique, le dentaire, etc. ». La combinaison de deux services a donné vie à la plateforme Solon (en référence au poète et homme d’Etat dans la Grèce antique, féru de justice) pour détecter a priori des fraudes aux soins.

Un effort de personnalisation des solutions IBM en mode Cloud a été nécessaire pour épouser les spécificités du marché français. « Ainsi, pour l’optique, le modèle américain ne distingue pas opticien et ophtalmologiste, alors qu’en France c’est le cas », précise le dirigeant. Solon, hébergé par IBM France (qui est par ailleurs agréé hébergeur de données de santé), a été alimenté par les bases de données fournies par Pro BTP. De son côté, le prestataire Almerys apporte son expertise en matière d’analyse via une cellule fraude scrutant les cas litigieux détectés, afin de valider les paiements, mettre sous surveillance les professionnels de santé suspects ou, dans certains cas, les suspendre.

Solon travaille autour de deux approches : déterministe – à travers des règles métiers et le profilage -, et statistique, via le calcul d’écarts ou l’analyse des évolutions de comportement. Des données qui viennent à leur tour enrichir les règles. Une approche non déterministe peut aussi rentrer en compte : « par exemple, en matière dentaire, nous avons constaté qu’il y avait dans certains cas un écart entre le nombre de couronnes et les inlay core (pivots pour supporter la couronne) qui peut constituer une fraude. Cette donnée a été intégrée maintenant dans notre approche déterministe », explique Thibault Pirroneau. En sachant qu’il faut être prudent sur la découverte de faux positif, « dans le cas des couronnes, il y a des cas où l’inlay core n’est pas nécessaire ». A travers ces deux méthodes, Solon est capable de repérer en temps réel les abus de prestations et les comportements atypiques dans les domaines de l’optique, du dentaire, de l’audioprothèse, du petit appareillage en pharmacie, du transport sanitaire, des soins infirmiers à domicile et de la kinésithérapie.

Plus de 100 000 euros de fraudes chaque semaine

Pro BTP est depuis deux ans utilisateur de la solution Solo. Les bénéfices sont probants, selon Olivier Nique, directeur des partenariats santé de l’entreprise : « sur l’optique, chaque semaine, les demandes de remboursement décelées comme frauduleuses ou indues représentent environ 100 000 euros (et même près de 160 000 euros ces dernières semaines), soit environ 6 millions d’euros sur les 120 millions de prestations optiques annuelles ». Pourtant, le responsable avoue que son groupe s’est lancé tardivement sur le tiers payant dans l’optique. Résultat : depuis 2 ans, Pro BTP observe une hausse de 20% des demandes de remboursements. « Une partie est liée à l’accès aux soins de personnes qui ne pouvaient pas avancer les fonds », mais « une autre partie provenait de la fraude. Et nos règles étaient trop vieilles pour les détecter », admet le dirigeant. D’où l’idée de mettre en œuvre un outil industriel et l’accord avec IBM et Almerys.

L’objectif est surtout de démanteler les fraudes en bande organisée. « Nous avons eu le cas de réseaux d’opticiens qui s’échangeaient des données de santé pour demander des remboursements. Il s’agissait d’une vraie mafia avec des sommes conséquentes en jeu », reprend Olivier Nique. Mais cette fraude est relativement facile à découvrir, car elle implique des gros volumes d’affaires. Le plus difficile pour un opérateur de santé reste les faux positifs. « Dans la mise en place de Solon, nous avons été lentement dans l’intégration pour avoir un taux de détection de fraude sûr à 98%, car nous souhaitions garder la qualité de notre relation client », souligne Olivier Nique. Il met en avant la capacité de Solon à auto-apprendre et à enrichir sa base de règles : « les règles métiers s’usent vite, les courbes de comportement des professionnels évoluent et nous n’avons pas assez de ressources en matière de datascientist ». Autrement dit, l’efficacité de la plate-forme repose sur sa capacité à s’adapter rapidement aux nouveaux mécanismes de fraude.

Watson en perspective

Les trois partenaires étudient déjà les évolutions de Solon. En premier lieu, une extension des domaines de santé couverts est prévue à la médecine, la pharmacie, les hôpitaux et les IJ (indemnités journalières). Les deux premiers domaines ont déjà fait l’objet de travaux, alors que les deux derniers ne seront traités qu’entre 2017 et 2018. Interrogé sur l’intégration de Watson dans cette plateforme, Thibault Pirroneau indique : « c’est en perspective à travers le moteur où le cognitif peut avoir du sens dans les actions à mener en cas de suspicion. Mais, pour l’instant, rien n’est fait ».

Du côté de ProBTP, l’avenir immédiat rime avec l’obligation du tiers payant pour le dentaire(janvier 2017). D’où la nécessité d’effectuer des contrôles a priori sur les tentatives de fraudes. Sur les autres sujets, des efforts doivent être menés pour une meilleure coordination avec l’Assurance Maladie, même si cette dernière se situe davantage « dans la gestion du risque. Les niveaux de remboursement dentaire et optique qu’elle fournit sont minimes. Mais il y a du potentiel sur les pharmacies et les hôpitaux », reconnaît Olivier Nique.

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Photo credit: jfcherry via VisualHunt.com / CC BY-SA

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