IDATE: le ‘peer-to-peer’ -vilain petit canard ?

Le congrès annuel du célèbre institut monpelliérain était placé, semaine dernière, sous le signe des services et des contenus. Le « p2p » est dans le collimateur. Et pourtant…

L’Idate avait en tête d’explorer l’évolution de la chaîne de la valeur, avec l’espoir, d’y trouver de nouvelles frontières pour les télécoms, selon sa propre formule. Certes, les consommateurs du monde entier semblent se précipiter avidement sur les accès large bande/haut débits et même réclament toujours plus de débit si l’on en croit la course effrénée que se livrent les FAI sur ce terrain. Mais pourquoi faire ? Pour télécharger des musiques, des vidéos, des jeux et des logiciels freeware ! Près de 60 milliards de fichiers téléchargés en 2003, dont 45 milliards d’images, plus de 12 milliards de fichiers audio et 87 millions de films, selon l’Idate. Il faut se rendre à l’évidence : si l’e-mail et le chat ont fait les beaux jours de l’Internet bas débit, c’est le partage et l’échange de contenus « rich media » , musiques et vidéo en tête, qui forment aujourd’hui le gros du trafic et des motivations des abonnés au haut débit. Ces échanges souvent qualifiés de « sauvages » ou « pirates » sont gratuits et réalisés selon un modèle technique dit du « peer-to-peer » (P2P) qui progresse régulièrement. Leurs ordinateurs étant branchés en permanence, les plus accros téléchargent quasiment en continu, jour après jour, nuit après nuit, même lorsqu’ils dorment! Et le processus se poursuit généralement en tâche de fond lorsqu’ils surfent sur la Toile. Bloquer les forfaits illimités?! Ces pratiques ne sont pas du goût des auteurs et éditeurs on s’en doute, mais, à cette échelle, elles perturbent aussi les opérateurs et les FAI. C’est pourquoi nombreux à Montpellier, la semaine dernière, étaient les analystes et les dirigeants qui prônent, à l’instar de Pierre Danon, directeur dénéral de BT Retail, l’abandon des formules illimitées d’accès haut débit à l’Internet. Si dans le même temps les majors baissent les prix de vente de leur production, un effet de ciseau sur le téléchargement massif et sauvage de contenus pourrait s’enclencher. Mais on n’en est pas là! Car il est toujours difficile de changer une stratégie qui gagne, surtout lorsque l’on se trouve en situation de forte concurrence sur un marché de conquête. Par un étrange effet de contraste, c’est au moment où l’on parle de plafonner l’usage de l’Internet haut débit que les opérateurs téléphoniques multiplient les offres illimitées!… C’est que l’illimité rassure et fait consommer, comme le prouve depuis près de 20 ans les opérateurs de téléphone américains sur les appels locaux. On notera au passage que le service vocal n’est pas autre chose, dans son concept, qu’un service P2P. D’ailleurs, le « peer-to-peer » est peut-être un vilain petit canard mais pour l’instant il fait tourner le business du large bande qui serait bien en peine de remplir ses tuyaux autrement. Et, à l’instar du canard de la fable, il pourrait même devenir un beau cygne blanc… pour peu que les internautes, qui auront le dernier mot, inventent un nouvel usage capable de doper à nouveau l’ensemble de la chaîne de valeur.