IDATE : smartphones, Internet mobilité, LTE, quels enjeux?

L’IDATE organise à Montpellier, les 16 et 17 novembre, son 33è symposium: DigiWorld Summit 2011.
Au menu: la mobilité, les ‘smart-devices’, la LTE et les hauts débits

Le retard du LTE: pourquoi?
Déplorant le retard du LTE en Europe, l’IDATE souligne qu’aux Etats-Unis le wimax mobile a constitué un déclencheur, car il s’est vite révélé une menace pour les grands opérateurs mobiles (10 millions d’abonnés!  cf. le succès de Clearwise), ce qui a donc stimulé les Verizon et autre AT&T à passer directement du vétuste CDMA (« où ils s’étaient embourbés ») au LTE prometteur.
Pendant ce temps-là, l’Europe tergiverse pour investir sur le LTE.
Une des raisons – prétexte… – du retard pris avec LTE, serait la question de l’interopérabilité avec l’actuel 3G.  De même, l’implémentation de la voix sur LTE a soulevé des objections – les plates-formes IMS se révélant un préalable.
Autre écueil important: le calendrier des attributions de fréquences. Ainsi, le Royaume-Uni continue de traîner des pieds et repousse la procédure depuis près de 4 ans.
La situation en Europe serait, en réalité, très contrastée. En Allemagne, un point intéressant dans le déploiement du LTE est que les Länder sont tenus à s’engager sur les zones blanches (là où il n’y a pas ou peu d’accès Internet câblé). Tout candidat au LTE doit couvrir les zones déshéritées. Six Länder, figurant parmi les plus riches, ont déjà rempli les conditions. Donc la procédure d’attribution des marchés, avec responsabilisation sur les zones rurales, est un atout. Et, en outre, la répartition des fréquences entre opérateurs y paraît équitable.
A l’inverse, au Royaume-Uni, on constate une forte disparité dans les attributions de fréquences. Il existe un contentieux sur les bandes des 900 et 1800 MHz -les opérateurs les mieux pourvus rechignent à remettre les compteurs à zéro.
Et la France? « Nous sommes dans une position intermédiaire», note Yves Gassot, dg de l’IDATE.

Etude Idate, DigiWorld 2011, comparatif Etats-Unis Europe
Etude Idate, DigiWorld 2011, comparatif Etats-Unis Europe

Est-ce plausible que Free ne candidate pas?
«Effectivement, ce n’est pas impossible, car ils [Free Mobile, groupe Iliad] ont beaucoup misé sur la bande 2.6 GHz [attribuée début octobre). Et en outre, ils détiennent une licence sur la bande 3,5 GHz pour les zones très denses. Donc, pour les zones peu denses, ils pourraient s’appuyer sur un des trois opérateurs -Bouygues, par exemple. Car il est peu probable qu’ils puissent faire alliance avec un opérateur de gros [comme TDF]».
En France, du reste, il n’est pas certain que le modèle de la mutualisation de l’infrastructure, qui fonctionne très bien en Inde, soit bienvenu ici, car les opérateurs font encore des marges confortables sur le détail.
Conclusion intermédiaire? Le LTE devrait apporter plus de partage, y compris en France. Mais il reste la question des investissements.
Certes, en France l’ARCEP tente d’imposer la mutualisation, y compris sur les grandes agglomérations. Mais, au bout du compte, il y a un risque:  « On peut se retrouver au point de départ: un retour au quasi monopole pour l’infrastructure!»
Commentaire: « Toute la difficulté est de trouver le bon ‘tuning’ entre des montants d’investissement réalistes, avec des coûts par accès pas trop élevés, et la nécessité de maintenir la concurrence – ce qui a bien fonctionné aux Etats-Unis.»

LTE, l’Internet mobile et… Free
Avec le LTE, on entre de plain pied dans le monde de l’Internet mobile. « Or, que constate-t-on? Aux Etats-Unis, les vrais vecteurs ne sont pas les opérateurs mais ce sont les Google, Apple, FaceBook.  Or ces derniers  n’ont pas le même impact en Europe. Ici les plates-formes techniques et les déploiements pilotes tardent. Certes, il y a Ericsson, prêt à démarrer, mais les attributions de fréquences ne sont pas réglées».

Bref, ce serait-on trop polarisé contre  Free?  « C’était une forme de myopie. Le but du jeu affiché était de bousculer le trio Orange / SFR / Bouygues. Certes, mais il y  a un autre enjeu non moins important, sinon plus :  sortir de la 3G pour préparer activement l’Internet mobile.  Il aurait été préférable de mieux préparer la vague LTE, en stimulant les opérateurs et en les obligeant à élaborer une véritable offre Internet mobile aux consommateurs. C’est là la nouvelle donne. Pas l’intrusion de Free».

Et que penser des options de tarification  « tier-pricing« ?
« Le fait que 5% des usagers les plus addicts ponctionnent une grande partie de la bande passante, n’est pas le problème principal. Le ‘flat rate’ n’a jamais constitué une dynamique sur aucun marché… Donc, oui, on peut imaginer une segmentation d’offres Internet par classes de débit (avec critère de confort, donc de latence) et des ‘bundles’ bon marché. Cette segmentation se précise; elle se concrétise par les différentes options ouvertes: clés, cartes SIM pour tablettes, etc.»

« Le cas de Vodafone en Espagne est intéressant, et rejoint la question de la Net-Neutralité (*), avec cette idée de deux chemins d’accès possibles vers Internet. On peut imaginer des offres de services ‘Premium’, en remontant plus haut dans l’infrastructure sécurisée et prioritisée des opérateurs, pour garantir la qualité de service».
Mais n’est-ce pas la porte ouverte à des discriminations – dénoncées aux Pays-Bas, par exemple?
« Bruxelles tend à dire que c’est une position tenable, légitime, à condition de conserver les accès actuels (à leur niveau actuel de qualité)».
En France, où l’on tente d’instituer une sorte de « régulation symétrique »,  force est de constater que les élus font bloc et vont profiter de la campagne électorale pour monter aux créneaux, notamment sur le dossier des zones blanches et des infrastructures très haut  débit.
« Il faut toutefois admettre que les choses avancent. Il y a eu un milliard investi et 7 autres  à venir d’ici à 2015. Certes, la coordination entre les acteurs intervenants sur ce marché est délicate et complexe: collectivités locales et opérateurs n’ont pas fini de s’affronter (…). Parmi les questions critiques, se pose celle de la priorité à donner ou non aux financements privés».

Le programme de développement du très haut débit (THD) sur fibre est-il probant? Certes, il y aurait 5 millions de prises déployées, mais très peu d’abonnés. « Ca devrait s’accélérer à partir de 2013», estiment les analystes de l’IDATE, qui , décidément, veulent afficher un optimisme à tout crin.
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Pour plus d’informations : www.digiworldsummit.com
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(*) Actualité oblige : les députés européens viennent d’adopter à l’unanimité une résolution sur la neutralité du Net:  elle demande à la Commission européenne (Nelly Kroes) de sortir de son attitude attentiste et de travailler à une réglementation dans les six mois suivant la publication de l’étude des régulateurs européens des télécoms, une réglementation qui empêcheraient les pratiques discriminatoires des opérateurs. Ils demandent des sanctions à l’encontre des fournisseurs d’accès Internet (FAI) qui restreignent l’accès à Internet de leurs abonnés. Ils demandent également que la congestion des réseaux ne soit pas prétexte à instituer ce genre de restrictions sur l’Internet mobile.