Intel s’offre la propriété intellectuelle de InterDigital au rabais

Si l’acquisition du portefeuille de brevets de InterDigital marque la volonté d’Intel de s’étendre sur la mobilité, elle pourrait bien également être le signe d’un appauvrissement de la valorisation de l’immatériel au bilan des sociétés technologiques.

Intel s’est offert les 1700 brevets de InterDigital sur les technologies sans fil pour 375 millions de dollars. La valse des acquisitions de portefeuilles de brevets continue. On se souvient de l’acquisition récente de Motorola Mobility par Google, visant à protéger ce dernier dans le développement d’Android, ou de la guerre qui s’est livrée autour des brevets de Nortel.

Dans le cas d’Intel, la stratégie du fondeur est très claire : le géant des processeurs regarde au delà de l’ordinateur et du serveur, et cible aujourd’hui et en parallèle la mobilité et l’équipement des objets communicants, ainsi que les réseaux potentiellement.

InterDigital et les technologies de la téléphonie

Rappelons à ce titre qu’InterDigital, créée à la fin des années 60, a développé durant la décennie qui a suivi, et donc bien avant l’arrivée des réseaux cellulaires numériques, la technologie TDMA (Time Division Multiple Access) qui a dominé suite à son adoption par Bell et AT&T, profitant de la connaissance par ses équipes dans l’ingénierie radio.

Avec l’acquisition en 1992 de SCS Mobilecom/Telecom, InterDigital a étendu son expertise sur les technologies CDMA (Code Division Multiple Access), devenant ainsi une des rares entreprises à poser un pied dans chaque camp ! La société a également participé activement à la création de WCDMA (Wideband CDMA). Puis vint le nouveau millénaire, et pour la société, la 3G avec HSDPA (High Speed Download Packet Access) et HSUPA (High Speed Upload Packet Access).

Une bonne affaire… pour qui ?

Comme nous venons de le voir, la propriété intellectuelle d’InterDigital couvre une bonne partie des normes de la téléphonie, à l’élaboration desquelles la société a participé. C’est le coté visible de l’iceberg, car elle doit également supporter un coté obscur ! Car InterDigital est à vendre, mais n’a pas trouvé d’acquéreur… Entre la cession recherchée et une situation qui s’annonce difficile, la société a-t-elle trouvé un juste milieux ? La vente du portefeuille est un pis-aller qui devrait calmer quelques temps les actionnaires du groupe. Les sommes récoltées vont d’ailleurs servir, pour 200 millions de dollars, à alimenter un projet de rachat d’actions, et donc artificiellement relever la valeur du titre à Wall Street.

En revanche, l’achat des brevets InterDigital par Intel est une bien mauvaise nouvelle pour le marché de la propriété intellectuelle ! Si chaque brevet a sa valeur, il existe en revanche en quelque sorte une valeur moyenne pour les brevets technologiques. Les 4,5 milliards de dollars payés à Nortel ont valorisé le brevet à 750 000 dollars. Les 12,5 milliards de dollars payés à Motorola ont valorisé le brevet à 735 000 dollars.

Pour simplifier, on peut valoriser le brevet technologique américain aux alentours des 700 000 dollars. Intéressant pour évaluer la valeur d’un ingénieur qui maitrise une technologie qu’il a développée ou pour valoriser une start-up de la Silicon Valley, par exemple. Mais avec cette acquisition, Intel et InterDigital ont sacrément abaissé la barre, avec un prix moyen au brevet de 220 000 dollars.

La dévalorisation de l’immatériel

Pour résumer, Intel semble avoir fait une bonne affaire, qui plus est dans le sens de sa stratégie de diversification de ses activités vers la mobilité. InterDigital sauve les meubles vis à vis de ses actionnaire, mais rien ne dit que la société résistera encore longtemps. Reste le marché des brevets technologiques qui voit sa valeur moyenne chuter, et donc le poste immatériel des bilans qui pourrait être revu à la baisse. Et là, c’est une bien mauvaise nouvelle…

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