INTERVIEW exclusive: Viviane Reding, commissaire europénne en charge des télécoms

Paquet télécoms, régulation, sécurité, droit d’auteur, piratage, vie privée… la dame de fer des nouvelles technologies à Bruxelles répond aux questions de notre rédaction espagnole, Silicon news.es

-Pourtant, certains critiquent l’intrusion de telles mesures dans la vie privée des internautes, mesures qui paradoxalement, mettent l’accent sur le respect des donnés personnels. Quelle est votre réaction ?

D’abord, il ne faut pas oublier que les opérateurs sont tenus de respecter certaines restrictions par rapport à la diffusion du contenu illégal, conformément à la directive de 2000 sur le commerce électronique. Ils doivent ainsi se conformer à la législation de l’UE sur le droit d’auteur et l’application des droits de propriété intellectuelle.

Il est également important que les utilisateurs soient clairement informés, à l’avance, qu’ils courent un risque s’ils piratent du contenu en ligne.

D’après moi, les mesures proposées par la Commission respectent le principe de proportionnalité et contribuent efficacement à la lutte contre le piratage en ligne. Cependant, contrôler ou filtrer le contenu qui passe par les réseaux doit être fait avec la plus grande prudence. Il ne s’agit pas non plus de jouer avec la protection de la vie privée des internautes européens!

-La création d’une agence de la sécurité des réseaux n’a pas été retenue. Quelle sera, alors, la nouvelle direction prise par la Commission pour garantir un Internet avec toutes les garanties de sécurité ?

Permettez-moi de rappeler que la Commission est active dans le domaine de la sécurité des réseaux et de l’information depuis plus de dix ans. En 2006, nous avions proposé une stratégie pour sécuriser la société de l’information que le Conseil européen avait accueillie favorablement. Celle-ci soulignait déjà la nécessité de construire un système multilingue européen de partage d’informations et d’alerte entre les parties prenantes (fournisseurs de services, régulateurs nationaux, …etc.). J’ai donc demandé en 2006 à l’Agence européenne pour la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA), d’examiner comment mettre en place un tel système et le lancement d’un prototype est d’ailleurs prévu très prochainement.

Au-delà de ces initiatives, les attaques du printemps 2007 sur l’internet estonien ont démontré non seulement l’impact que ce genre d’événement avait sur nos économies nationales et notre tissu social mais surtout notre dépendance vis-à-vis des infrastructures informatiques.

Pour prémunir l’Europe de ce genre de mésaventure, il est donc temps d’agir. L’exemple estonien nous a permis de tirer les leçons et de travailler à une réponse au niveau européen.

C’est pourquoi nous lancerons début 2009 une initiative sur la protection des infrastructures critiques, c’est-à-dire des réseaux informatiques tels internet et la téléphonie. Cette initiative vise à améliorer notre niveau de préparation et de sensibilisation ainsi que notre capacité de réponse. Pour ce faire, chaque Etat membre devrait disposer de moyens et structures adéquats. Puisque les réseaux sont aujourd’hui essentiellement privés, les secteurs privé et public doivent pouvoir interagir rapidement, ce qui nécessite des partenariats public-privé de confiance dans lesquels le partage d’informations est nécessaire. Et comme Internet ignore les frontières, nous devons renforcer notre capacité d’interaction avec nos partenaires internationaux. Il s’agit tout simplement de se préparer à affronter ce type d’ incident du mieux possible grâce à des plans de contingence et à des exercices de défaillances à grande échelle par exemple.

La prolongation du mandat d’ENISA jusqu’en mars 2012 et la nécessité de mieux faire face aux cyber-attaques potentielles nous poussent à lancer une réflexion de fond sur la sécurité des réseaux.

C’est pourquoi nous préparons une consultation publique qui sera lancée incessamment sous peu. Par ailleurs, les propositions de la Commission visant le renforcement de la sécurité des réseaux et des services présentes dans notre Paquet Télécoms ont trouvé un écho auprès du Parlement européen lors de son vote en séance plénière. Je suis donc optimiste et persuadée qu’on trouvera les solutions appropriées pour une coopération optimale des différents acteurs dans ce domaine.

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