Itanium 2 et Xeon MP : quelles applications sur les serveurs d’Intel?

Intel a présenté ce 30 juin sa stratégie serveurs, organisée autour de l’Itanium 2 (ex version Madison), et du Xeon MP multiprocesseurs. De quoi occuper le marché et inquiéter la concurrence. A une condition: que les applications suivent

Longtemps cantonné aux serveurs d’entrée de gamme, Intel mise gros pour conquérir le marché des serveurs? de tous les serveurs. Au total, 9,5 milliards de dollars investis en recherche et développement et sur l’outil industriel, 25.000 heures de tests et de validation, et sa crédibilité sur un secteur qu’il tente de conquérir.

Deux lignes de processeurs sont en lice: -Itanium 2 en architecture Madison, la solution 64 bits qui affronte les mainframes; -Xeon MP multiprocesseurs, pour une approche plus économique de consolidation des serveurs en mode 32 bits. Intel répond aux segmentations du marché Avec le Xeon MP et l’Itanium 2, Intel entend répondre aux attentes du marché : – Le Xeon MP est positionné sur le marché déjà très concurrentiel des serveurs d’entrée de gamme, de 2 à 64 processeurs, encore dominé par les modèles bi-processeurs. Du Front End en infrastructure, ‘petites’ bases de données, serveur web, ou le calcul HPC en clusters. Et du Mid-Tier pour les serveurs d’applications en ERP, SCM ou eCommerce, ainsi que le Business Intelligence. D’emblée, afin de dépasser les limites imposées par un marché en phase descendante, Intel se positionne sur la consolidation des serveurs. Partir d’une architecture dispersée, avec de multiples serveurs dédiés, afin d’évoluer vers une nouvelle architecture plus centralisée, capable par la puissance et la sécurisation de la base matérielle, de proposer une approche économique avec une réelle démarche de retour sur investissement. – L’Itanium 2 vient directement affronter le Back End, le marché dans sa plus grande largeur, avec les méga bases de données et les serveurs de transactions. Un marché réservé jusqu’à présent aux mainframes, sur lequel avec ses configurations modulaires de 2 à 128 processeurs, voire plus, Intel a déjà fait ses preuves en pénétrant rapidement le marché du calcul scientifique HPC. Dernier arrivé sur ce marché, Intel joue les trouble-fêtes. Mais si les marges sont confortables, encore faut-il s’imposer. Une première étape vient d’être franchie en s’emparant du calcul, mais tout reste à faire sur les bases de données et leur traitement. Ne dites plus Madison, Itanium 2 suffit Intel a choisi de jouer les prolongations sur sa formule 1 : Madison continuera de s’appeler Itanium 2. Le nouveau processeur, en technologie 0,13 micron, tourne à 1,5Ghz et dispose d’une mémoire ‘cache’ de niveau 3 de 6Mo. Le gain de performances est sensible par rapport à la précédente version 1Ghz et 3Mo de cache. De 30% à 50% selon Intel. L’architecture vient directement affronter les mainframes, du bi-processeur, qui devrait représenter la part la plus importante du marché, jusqu’aux 128 processeurs ou plus. Sans oublier les ‘clusters’ (configuration en grappe). Et pour des applications de type base de données, ERP, ‘Business Intelligence’. Et le calcul, un domaine où Intel n’a plus à faire ses preuves avec la multiplication des supercomputers HPC (High Performance Calculator). Xeon MP maintient la tradition Le Xeon MP, entendez Multi Processor, se place dans le prolongement des modèles 32 bits, l’Hyper-Threading en plus, et toujours en technologie 0,13 micron. Côté performances, l’évolution entre le précédant modèle à 2Ghz et le tout nouveau Xeon MP à 2,8Mhz est moins sensible en nominal. A peine un gain de 10%, ce qui démontre une nouvelle fois l’importance du ‘chipset’ et de la mémoire ‘cache’. Intel réserve le Xeon aux serveurs d’entrée et de milieu de gamme, Front End et Mid-Tier. Une alternative aux architectures RISC, et une ouverture vers les partenaires de toujours, de Microsoft avec Windows Server 2003, aux fabricants de PC, qui vont y retrouver la continuité par rapport aux standards industriels de l’informatique personnelle. Gonflé, Intel joue la rupture Intel mise gros avec sa stratégie de rupture, qu’il s’impose par rapport à sa culture X86. Une révolution industrielle qui mérite le respect au vu des fonds et du temps investis. L’Itanium 2 se présente véritablement comme l’architecture du futur, un investissement sur le temps et la puissance, qui n’accepte pas d’être ralentie par le passé. 64 bits, c’est tout ! La compatibilité X86 ? Pourquoi pas, histoire d’autoriser la liaison ou l’échange avec les applications de l’environnement 32 bits, mais uniquement en émulation logicielle IA32. Intel ne veut pas se risquer dans la dépendance avec les applications 32 bits, un choix osé, qui risque soit de le marginaliser, si le marché donne raison à la concurrence, dixit AMD avec l’Opteron, qui a choisi de maintenir la compatibilité, au détriment de la puissance. Ou alors de lui donner raison, si les clients privilégient la puissance, sous réserve de maîtriser le portage. Les éditeurs suivent enfin ! Intel se doit d’effacer l’échec de l’Itanium 1. Sortie trop tôt, trop vite, la version 1 n’a pas bénéficié de la présence d’applications performantes capables de valider la rupture. II lui a manqué l’adhésion des éditeurs. L’Itanium 2 ne démarre pas les mains vides ! Côté système d’exploitation, Windows Server 2003, HP UX, Linux Red Hat, United et SuSE, ont été portés en mode natif sous l’architecture 64bits. Côté bases de données, les trois leaders sont présents, Oracle 9i, DB2 d’IBM et SQL Server de Microsoft. Phénomène unique sur le marché, tous trois ont, eux aussi, répondu en mode natif. Pour les applications, hors bases de données, là aussi les grands semblent avoir répondu présents. SAP, SAS, Computer Associates, Veritas, etc. Mention bien à BEA qui a développé une très attendue Java Virtual Machine. Sans oublier les éditeurs spécialisés dans la sécurité. Reste à convaincre les utilisateurs ! Oui, mais comment faire migrer les migrations ?…

Sur le papier, Intel semble réunir les arguments pour s’imposer sur le marché des serveurs. Mais sur le terrain, il lui reste à démontrer la pertinence de son approche, et surtout la faisabilité des migrations.

Car pour le moment, les applications actives sont surtout centrées sur le calcul, des supercalculateurs aux simulateurs, comme ceux qui simulent les risques de tremblement de terre chez Total ou BP. Lorsque Dassault ou Silicon Graphics choisissent l’architecture Itanium 2 sur leurs stations, c’est à la puissance de calcul qu’ils font appel. En revanche, la capacité de migration des applications de bases de données reste à démontrer. Si le déploiement des stations et ‘clusters’ (serveurs en grappes) s’annonce très rapide, culture du PC à l’appui, la recompilation des applications s’impose pour exploiter les fonctionnalités du 64 bits. Et sur ce plan, Intel manque ouvertement d’expérience ! Bien évidemment, lorsque le fondeur lance une nouvelle gamme, c’est généralement avec le sérieux qui s’impose, surtout lorsque l’enjeu est aussi important. Mais, une nouvelle fois, c’est du côté des éditeurs qu’il faudra porter notre attention. Car, si à n’en pas douter Itanium 2 et Xeon MP ont ce qu’il faut, là où il faut, pour séduire, ce sera du côté des applications que viendra la réussite. Et, lorsque l’on constate la difficulté que rencontrent les éditeurs à maîtriser la bête, en particulier l’Hyper Threading, à l’exemple de Microsoft, et malgré la documentation et le conseil largement fournis par Intel, il est à craindre que l’architecture du futur peine encore à s’imposer.