JC De Launay (Beezik) : « Notre objectif est de rendre notre catalogue entièrement interopérable »

Pour le co-fondateur de Beezik, il ne fait aucun doute que la diffusion de la musique passe par la liberté d’usage des fichiers numérique. Une (petite) partie des 2 millions de titres du catalogue est déjà en MP3.

« Une partie de notre catalogue est en MP3 et l’autre en WMA protégé. » Co-fondateur et président de Beezik, Jean-Christophe De Launay a répondu à nos interrogations sur le modèle de la nouvelle plate-forme de musique en ligne qui doit s’ouvrir d’ici « quelques jours ». Beezik autorisera le téléchargement de fichiers musicaux librement et légalement à tous les internautes. En contrepartie, ils devront accepter de visionner une vidéo publicitaire d’une dizaine de secondes, le temps de rapatrier le fichier dans le PC.

Nous nous interrogions donc sur le format des fichiers proposés. En MP3, non protégé de fait, leur usage sera donc libre et l’utilisateur pourra techniquement les copier sur autant d’appareils qu’il souhaite (y compris sur les réseaux d’échanges P2P bien que ce soit illégal). En WMA avec DRM (digital right management ou gestion de droits numériques), leur usage sera limité à 5 copies. Mais les internautes qui dépasseraient ce cota pourront toujours re-télécharger le même fichier pour bénéficier de 5 nouvelles copies.

En revanche, ils resteront incompatibles avec les iPod et iPhone d’Apple (3 ans après la loi DADVSI qui devait pourtant instaurer l’interopérabilité des formats) très utilisés par les amateurs de musique. C’est pourquoi, « à terme, notre objectif est de rendre notre catalogue entièrement interopérable », assure le fondateur. « Les discussions se poursuivent avec les maisons de disques. »

Sur les 2 millions de titres qui composent le catalogue de Beezik, « une large majorité«  est aujourd’hui en WMA. Si Jean-Christophe De Launay se refuse à citer les maisons de disques qui n’ont pas donné leur feu vert, on peut supposer qu’il s’agit essentiellement de l’offre Vivendi Universal Music. Llaquelle compose 50 % des 75 % de titres les plus téléchargés sur le Net.

Beezik a également signé des accords de diffusion avec EMI et Naïve. Les négociations sont en cours avec d’autres. Y compris auprès de la Sacem même si aucun contrat n’a pour l’heure été signé. Mais Jean-Christophe De Launay est confiant. « Nous discutons depuis août dernier avec eux, ils savent que nous avons la volonté de rémunérer les artistes. » Le dirigeant pense qu’il atteindra les 3 millions de titres dès cet été, soit 90 % des morceaux les plus téléchargés.

Si le service se limite aujourd’hui au marché français, il devrait rapidement s’étendre aux principaux pays européens. « Tous les accords conclus en France sont valables au plan international« , soutient Jean-Christophe De Launay. Seule condition au déploiement international : que l’offre trouve son succès en France. Et le fondateur n’a aucune inquiétude à ce sujet. « Selon les études, un internaute télécharge en moyenne entre 10 et 12 titres par mois. » On peut légitimement penser que, face à une offre gratuite et légale, ce volume va augmenter. D’autant plus que l’internaute est récompensé à raison de 0,30 euro par téléchargement, utilisable sous forme de bon de réduction chez ses principaux partenaires (3 Suisses, Pixmania, Rueducommerce et Sephora).

Ces derniers sont, apparemment, totalement convaincus par l’intérêt de l’opération. Tout comme les annonceurs. « Nous avons déjàdeux mois d’avance en terme d’annonces avant même le lancement », justifie l’entrepreneur, « et notre régie, Allociné, a dès le départ déclaré que ‘c’est vers ce modèle que l’on doit aller' ».

Reste que la pub, ça se zappe. Sauf avec Beezik, assure Jean-Christophe De Launay. « La vidéo sera diffusée en haute définition en mode plein écran le temps du téléchargement et si l’utilisateur appuie sur la touche ‘Echap’ pour tenter de faire autre chose sur son PC, cela interrompt le téléchargement du fichier. » Sauf à détourner le regard de son écran, le mélomane en ligne n’aura donc visiblement pas le choix.

Si Hadopi va probablement aider au lancement de Beezik, le concept est bien antérieur au projet de loi anti-téléchargement, selon le président de la plate-forme. « C’est parti d’un constat : un énorme besoin et une volonté de télécharger gratuitement tout en assurant la rémunération des ayants-droits, surtout des jeunes artistes. »Il suffisait donc de trouver les moyens de financer à la fois les artistes et Beezik tout en satisfaisant les annonceurs.

La musique gratuite comme support publicitaire. Deezer, Jiwah et autres plates-formes de diffusion en streaming y avait déjà pensé. Beezik met la barre un cran au dessus. Cette fois, les plates-formes de diffusion payantes, qui peinent à trouver leurs clients, risquent bel et bien d’y laisser leur peau.