Jean-Luc Beylat (Alcatel-Lucent): «L'innovation passe par le partage»

Ou comment Alcatel-Lucent construit son écosystème pour développer sa recherche et développement.

« Aujourd’hui, on se situe dans une démarche pro active de partage de l’innovation », lance Jean-Luc Beylat, président d’Alcatel-Lucent Bell Labs France. Si l’idée n’est pas nouvelle – « c’était déjà dans les gènes des Bell Labs » –, sa mise en oeuvre s’est accentuée ces dernières années dans la stratégie de l’équipementier franco-américain.

A commencer par ses implications dans les pôles de compétitivité. Jean-Luc Beylat est vice-président de System@TIC Paris-Région, et membre du conseil d’administration de Cap Digital. Alcatel-Lucent collabore également au pôle Images et Réseau en Bretagne. « Les pôles de compétitivité sont importants pour nous, surtout depuis 2005, car le fonctionnement des sites de R&D répondent à différents critères dont la qualité de l’écosystème, tant avec les start-up et les PME que les industriels et les académies », justifie le dirigeant qui, entré chez Alcatel en 1984 comme chercheur sur les lasers à semi-conducteurs, bénéficie d’une forte expérience. « Derrière les pôles, il y a une démarche de contribution à l’innovation ouverte et collaborative. »

Le client à l’origine de la demande de recherche

Une démarche d’ouverture qui permet à la fois de bénéficier des travaux des

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start-up dans des champs de recherche qu’Alcatel-Lucent n’aborde pas forcément (et réciproquement) mais aussi d’orienter ou redéfinir les axes de recherche. « C’est généralement le client qui est à l’origine d’une demande de recherche », soutient notre interlocuteur pour qui « il est logique de faire ces recherches en grand nombre d’acteurs ». Dans ce cadre, l’efficacité des pôles de compétitivité n’est plus à démontrer. Depuis sa création en 2006, System@TIC a ainsi généré 1 milliard d’euros d’investissements.

Un écosystème bénéfique à la recherche pure qui passe aussi par des partenariats, ces « champs de participation » comme les appelle Jean-Luc Beylat. C’est ainsi que les équipes d’Alcatel-Lucent planchent aux côtés des chercheurs de l’Inria (Institut national de recherche en informatique et automatique) autour des réseaux sémantique et des auto configurations. « Notre rôle est aussi d’anticiper les problématiques de réflexion circulaire sur les usages. Ce qu’on regarde, c’est le coup d’après, les usages poussés qui redescendent dans le réseau. Comme l’e-santé, la ville numérique, la route intelligente… C’est leenable application. » Que ce soit sur les usages de Facebook (ou les réseaux sociaux en général), de la révolution à venir avec les 50 milliards d’objets qui seront connectés demain (contre 4 milliards aujourd’hui) ou plus simplement de la qualité du réseau. Car, au final, « on invente mais c’est l’utilisateur qui crée les usages ».

L’innovation est partout

Cette logique de coopération se développe à travers des initiatives thématiques à visée internationale. C’est le cas du Consortium GreenTouch, lancé le 11 janvier à Londres, et qui réunit un grand nombre d’acteurs autour de la problématique de consommation énergétique. « On s’est rendu compte qu’il y avait un delta très important, essentiellement sur la capacité de réduire d’un facteur 1000 la consommation des réseaux, notamment radio. Des technologies de base à la gestion du routage en passant par la conception des circuits, le potentiel est partout », justifie le dirigeant. « Mais si on identifie une phase d’innovation, ce n’est utile que si elle est partagée. » D’où cette initiative autour du GreenTouch qui séduit puisque nombre d’acteurs ont rejoint Alcatel-Lucent dont, le dernier en date, l’équipementier chinois Huawei, redoutable concurrent s’il en est. L’équipementier doit également bientôt annoncer l’arrivée d’opérateurs parmi les nouveaux membres.

Autre modèle de mise en œuvre de l’ouverture pour stimuler la R&D : l’émulation interne. Alcatel-Lucent a ainsi lancé un programme, le «défit d’entreprendre». Lequel réunit boîte à idée, constitution d’équipes et sélection de projets par un jury avec internal venture pour « développer les moyens qui dépasse le seul cercle de la R&D ». En est notamment sorti Laptop Guardian, une application de reconfiguration de la sécurité des PC, ou encore les stations de base radio à énergies éolienne et solaire. Notons au passage que que 350 stations de base « vertes » directement issues de ce programme ont déjà été vendues. « L’innovation est partout, tout le monde doit innover dans la maison », conclut Jean-Luc Beylat.