Jean-Paul Smets (Nexedi) : « Rapid.Space est une alternative cloud libre »

Rapid.Space se présente comme une alternative Libre aux clouds publics conventionnels ou au mobile edge computing 5G. Les explications de Jean-Paul Smets.

Proposer une alternative « de rupture », portée par le logiciel libre, aux clouds publics conventionnels ou au mobile edge computing 5G, c’est l’objectif de Rapid.Space.

Lancé mi-mai 2020 par Nexedi, Rapid.Space s’appuie sur les technologies et l’expertise data de l’éditeur lillois d’ERP5, et sur l’expérience des réseaux virtualisés d’Amarisoft, éditeur francilien de logiciels spécialisé dans les infrastructures mobiles LTE 4G et 5G NR.

Rapid.Space est présent en Europe (France, Allemagne, Suède, Pays-Bas) et en Chine, où le fournisseur peaufine ses relations. Les explications de son président Jean-Paul Smets.

Silicon.Fr : Quelle alternative propose Rapid.Space en matière de services cloud d’infrastructure ?

Jean-Paul Smets : Rapid.Space se présente comme une alternative complète aux clouds publics conventionnels. Les services proposés vont de la machine virtuelle au data lake, en passant par le CDN (Content delivery network), le SDN (Software-defined networking), l’IDE en ligne (PaaS), la base de données relationnelle, etc.

Cependant, contrairement aux clouds conventionnels, toutes les technologies de Rapid.Space sont en licence libre, à savoir : le logiciel (y compris le logiciel de facturation), les serveurs (Open Compute), les routeurs (Open Networking) et les procédures d’exploitation. Il n’y a donc aucun secret pour tenter d’empêcher les clients de Rapid.Space de rapatrier leurs applicatifs ou de changer de fournisseur cloud. N’importe qui peut monter un clone de Rapid.Space en 1 à 2 jours. Toutes les technologies et informations nécessaires pour y parvenir sont publiques.

Rapid.Space permet également de résoudre les problèmes de confiance. Comme ses technologies sont publiques (mais pas les données), si un client le souhaite, il peut monter son propre clone de Rapid.Space en partant des manuels de procédure d’exploitation publics. C’est ce que nous venons de faire à Taïwan.

Par ailleurs, l’infrastructure de Rapid.Space est optimisée pour les grands applicatifs (ERP, CRM, e-commerce) ou le big data (machine learning, IA, data science). Les serveurs que nous utilisons ont des caractéristiques quasi-identiques à ceux de Facebook ou Yahoo! Japan. Certains sont d’ailleurs issus de l’économie circulaire, c’est-à-dire de la recertification de serveurs.

Aussi, nous estimons pouvoir couvrir environ 85% des 200 services du leader du marché [Ndlr : Amazon Web Services (AWS)].  Toutefois, dans l’immédiat, nous mettons en avant un seul de nos services : un serveur privé virtuel (VPS) hautes performances (256 GB RAM, 24 coeurs, 4 TB SSD). Il s’agit d’un produit simple, facile à appréhender et utile pour de nombreuses entreprises ou organismes. Ce service de VPS est fourni par défaut avec un réseau IPv6 à minimisation de latence (SDN) et un réseau de diffusion de contenu (CDN). Et ce pour fournir une solution d’hébergement mondial avec une dizaine de points de présence.

Nos autres services sont présentés, pour le moment, dans le cadre d’offres dédiées B2B. Ainsi, lorsque nous entrons en concurrence avec un cloud public conventionnel, nous sommes en mesure de répondre bien au-delà des services « basiques ».  Sans pour autant devoir investir des sommes colossales dans le marketing de plus de 200 services.

Quels sont les premiers objectifs de Rapid.Space et les organisations ciblées ?

JP.S : Nous ciblons des entreprises ou des organismes qui ont besoin de réversibilité, de flexibilité, de présence en Chine ou de prix raisonnables. Notre objectif est de signer 2 clients supplémentaires en 2020, sachant qu’un client loue en moyenne chez Rapid.Space l’équivalent de 50 serveurs (256 GB RAM… 10 Gbps LAN, 1 Gbps Transit partagé).

La réversibilité correspond au besoin de faire jouer la concurrence et de changer de fournisseur à tout moment. Cela suppose que l’ensemble des services fournis par Rapid.Space puissent être déployés ailleurs : sur site ou chez un autre opérateur. Comme toutes les technologies de Rapid.Space sont en licence libre, le cas se présente déjà.

Certains de nos utilisateurs comme Bip&Go ont déployé des services de Rapid.Space à la fois chez Rapid.Space et chez un autre opérateur, en l’occurrence OVHcloud. D’autres de nos utilisateurs comme la Ville de Munich utilisent Rapid.Space sur une infrastructure privée dédiée. Il existe des opérateurs de cloud comme Teralab qui utilisent la même technologie que Rapid.Space mais de façon indépendante, avec des procédures de sécurité additionnelles.

La réversibilité permet aussi de déployer Rapid.Space sur le terrain dans des usines partout dans le monde : c’est ce que fait le groupe PSA en Algérie ou en Namibie.

Quant à la flexibilité,  elle  offre la possibilité de modifier l’architecture de Rapid.Space pour l’intégrer aux spécificités de l’infrastructure ou des services d’un client. Il peut s’agir d’adopter un fournisseur de transit particulier (par exemple, Orange au lieu de Cogent), un routeur différent (par exemple, Cisco au lieu de Edgecore), un plan d’adressage différent, un type de service custom (SFU, annuaire LDAP, etc.).

Rapid.Space peut ainsi fonctionner comme une base pour créer un cloud dédié de grande entreprise ou de fournisseur de SaaS. Rapid.Space étant conçu comme un système d’Operation Management (gestion de l’exploitation) que l’on peut décliner aussi bien pour du IaaS, du PaaS, du SaaS ou de la gestion de réseaux 4G/5G.

J’ajoute que la présence en Chine de Rapid.Space est utile aux entreprises qui ont des usines dans ce pays, ou aux filiales à l’étranger d’entreprises en Chine. De nombreuses sociétés ont aujourd’hui des problèmes d’accès en Chine à leur ERP, leur CRM, voire à leur site Web car elles s’appuient sur des clouds conventionnels américains qui peuvent être bloqués là-bas. Avec Rapid.Space, ce problème peut être résolu car sa technologie est 100% libre. Elle a donc été déployée en Chine dans une société « clone » interconnectée à Rapid.Space en France, de façon transparente. Pour les clients, il n’y a pas de différence. Légalement, ce sont deux entreprises indépendantes sans relation d’actionnariat.

La société Baunat, par exemple, utilise le réseau SDN de Rapid.Space pour vendre des diamants en Chine.

Concernant les prix, l’exagération prévaut aujourd’hui dans la tarification des clouds conventionnels. Nous estimons la marge des opérateurs conventionnels de 200% à 2000%. Tout le monde n’étant pas prêt à payer une telle marge, certaines entreprises vont chercher à quitter leur fournisseur de cloud conventionnel et négocier de meilleurs prix grâce ou avec Rapid.Space [Ndlr : le fournisseur dit réaliser une marge d’environ 15%].

Le report des enchères 5G en France contrarie-t-il vos plans ?

JP.S : Non car nous faisons de la 5G (et de la 4G) sur bande libre, pour tout ce qui concerne les applications liées à l’Industrie 4.0 ou aux réseaux privés. Nous n’avons donc besoin de l’autorisation de personne, heureusement.

En outre, comme pour le cloud, nous estimons que les opérateurs de télécommunications français ont pour l’instant 10 ans de retard dans leur approche. Ils n’ont pas compris que la technologie vRAN (virtual Radio access network) fonctionne depuis des années et qu’elle allait remplacer les équipementiers traditionnels, avec des baisses de coûts importantes, comme cela se passe avec le logiciel libre.

Le sens de l’expérience de Rakuten au Japon n’a pas encore été bien saisi ici, selon nous. Au lieu d’imaginer des architectures simples, certains acteurs se noient dans une complexité sans fin qui ne peut que les enchaîner aux équipementiers historiques, dont Huawei. C’est pourquoi, pour ce qui concerne les réseaux publics, nous visons actuellement les opérateurs ayant besoin d’une alternative à Huawei, à un prix inférieur et avec une plus grande flexibilité. L’opérateur français Alsatis, par exemple, a fait ce choix.