John Schwarz, SAP: 'La synergie entre BO – SAP stimulée par la crise'

De passage à Paris, John Schwarz (*), patron de l’activité Business Objects (BO) chez SAP, explique ce qui a accéléré l’intégration au sein du groupe

Un an et demi après son absorption par SAP, qu’est devenu BO (Business Objects)? Il était question de conserver une autonomie (comme Cognos chez IBM…) Comment se passe l’intégration?

John Schwarz: Business Objects (BO) au moment du rachat par SAP, comptait environ 6.000 salariés: 90% d’entre eux sont encore là, fidèles à leur poste. Y compris chez les managers. Ainsi, Hervé Couturier [**], par exemple, a été confirmé et promu dans le « top management »: il a été nommé à la tête des équipes de développement: il dirige désormais une entité qui compte 5.000 personnes, dont les équipes de développement Netweaver ! C’est deux fois plus qu’auparavant.

BO est-elle une entité, une division au sein de SAP?

J.S.

Ce qui s’est passé en interne dans le groupe est tout à fait intéressant. Car à l’origine, au moment de l’acquisition, il y aura bientôt deux ans, il était prévu de laisser BO fonctionner comme une entité indépendante, autonome. En fait, avec les circonstances, nous avons révisé notre analyse et notre jugement.

Nous avions pensé à une organisation séparée en raison notamment du portefeuille de clients BO qui ne sont pas SAP. Nous pensions à garder une distance, une forme de neutralité.

Mais à partir de septembre 2008, avec la crise économique et la récession qui ont commencé à se faire nettement sentir, le contexte a changé. Nous avons réalisé que nous avions, au contraire, intérêt à jouer la synergie et donc à aller plus avant dans l’intégration entre SAP et BO – ne serait-ce qu’en raison des attentes et besoins de solutions de ‘Business Intelligence‘ en période de crise.

C’est alors qu’il a été décidé d’intégrer plus profondément et logiquement comme une entité au sein de SAP. Nous avons rapproché les forces commerciales. Nous avons rapproché les équipes en charge de l’offre Netweaver et celles de BO.

Dès lors, il devenait logique de rechercher également les synergies entre les équipes de développement. C’est le cas depuis plusieurs mois donc, avec des lancements de produits qui uniront les deux portefeuilles dans les deux ans qui viennent.

Mais n’y a-t-il pas un risque à vous éloigner des clients BO qui ne veulent pas de SAP?

J.S.

Non. Car bien évidemment, nous continuons de nous concentrer sur les clients non SAP. Ce serait un lourde erreur, car il faut savoir qu’environ deux tiers des clients BO n’utilisent pas SAP, ne connaissent pas SAP…

Cette proportion est-elle spécifique à la France? Quelle est-elle ailleurs?

J.S.

C’est sensiblement la même situation sur toute l’Europe, s’agissant des comptes SAP par rapport aux comptes BO.

En Afrique, en Russie, la présence de SAP est moindre. Aux Etats-Unis, c’est l’inverse, nous avons un large réseau de clients et de partenaires spécialistes SAP, et relativement peu connaissent BO.

Aux Etats-Unis, sur les 15 ‘top clients’ de SAP, les trois-quarts ont une connaissance de BO: chez des grands comptes comme Daimler Benz, Bosch….

Dans des grandes organisations comme Procter & Gamble, il y a encore un potentiel considérable. l’enjeu c’est de numériser, automatiser tous leurs process sur l’ensemble du groupe, d’optimiser leur ‘supply chain’, de développer des process d’analyses en temps réel, d’organiser le ‘workflow’ avec leurs partenaires fournisseurs, etc.

Quelle est la situation de BO en termes de business?

J.S.

En 2008, BO a représenté près des deux tiers de la croissance du groupe. Donc une forte contribution à la croissance de l’ensemble. Pour 2009, avec le contexte de la dépression économique, il est difficile de prédire comment la situation va évoluer. Ce qui est vrai c’est que la France paraît mieux s’en sortir.

Nous avons une carte énorme à jouer avec les clients SAP qui ne connaissent pas BO, et qui utilisent, par exemple, Cognos ou Hyperion. Sur l’ensemble de nos marchés dans le monde, nous avons recencés 600 clients SAP qui travaillent avec Hyperion…

SAP mentionne désormais la cible commerciale des ‘PCN’ . Quelle différence faites-vous avec les « grands comptes »? Où est le potentiel de croissance, y compris pour l’activité BO ?

J.S.- Nous avons toujours une forte concentration de notre énergie et de nos moyens sur les 15 très grands comptes dans le monde – ceux la première tranche, en haut de la pyramide.

Mais au niveau 2, juste en dessous, c’est le créneau de marché que nous appelons celui des ‘PCN’ (Premier Customer network), qui constitue pour nous sans doute le plus fort potentiel de développement de nos activités (plus de 300 références clients). C’est pourquoi nous l’adressons par pôles de compétences, avec des spécialisations par métiers (environ 70 parmi 21 branches d’activité).

Le découpage de nos cibles de clients n’a pas changé : nous avons donc, au sommet, les très grands comptes, ou grandes multinationales, puis les PCN (Premier Customer network), puis le reste des moyennes entreprises (environ 2.000 organisations) puis les PME, dont certaines sont adressées en direct.

L’impact de la crise varie-t-il beaucoup entre ces catégories de clients ?

J.S.

Sur les 15 très grands comptes, force est de constater que la visibilité sur les perspectives d’activité a fortement diminué. Leurs plans d’investissement sont encore moins prévisibles qu’avant. Mais cela ne signifie pas un arrêt des investissements.

Face à cet état de fait, il y a plusieurs manières d’avancer. Nous suivons de très près le développement de leurs activités: dans le secteur de la grande consommation ou grande distribution – des groupes comme Nestlé, Procter & Gamble, on observe une certaine reprise.

Dans l’automobile c’est moins évident, mais il y a de bons indices sur le 2è trimestre 2009. Dans le secteur public et l’administration, les investissements restent soutenus un peu partout en Europe, aux Etats-Unis, en Chine… Le secteur de la sante, tout particulièrement, continue de se moderniser et donc d’investir de façon très significative dans tous ces pays.

Nous sommes plutôt du côté des économistes qui pensent que la reprise devrait s’opérer d’ici début 2010. Difficile d’en dire plus.

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(*) John Schwarz le 7è membre du directoire de SAP depuis le 1er mars 2008. En tant que membre exécutif du ‘board’ de SAP présidé par Henning Kagermann (p-dg du groupe), il est le patron opérationnel de l’activité Business Objects; il a en charge l’intégration de la division SAP Business Objects au sein du groupe. En septembre 2005, ce canadien anglophone avait été nomme p-dg de BO, où il a notamment organisé une demi-douzaine d’acquisitions stratégiques dont celles de Cartesis et Firstlogic. Auparavant, il a été CEO de Symantec, après 25 ans de carrière chez IBM. Il est titulaire d’un MBA de l’Université de Toronto et d’une licence en informatique de l’Université de Manitoba (Canada).

(**) Hervé Couturier est directeur de la recherche et développement de Business Objects et de SAP NetWeaver. Il a en charge l’intégration de ces deux plates-formes, encadrant des équipes réparties entre Waldorf (siège de SAP, Allemagne), Paris, Palo Alto, Shanghai, Vancouver et Bangalore.