LA CITE DES SITES: Aillagon.com? -puis surgit un autre site… très beau

Depuis que Malraux a inventé le ministère de la Culture, le fauteuil du ministre n’a pas toujours été occupé par des personnalités adéquates. Il y eut, certes, Jack…

« Les accès au ministère de la culture et de la communication bloqués pendant une heure mercredi 23 avril (2003) ; une banderole de 18 mètres de long portant l’inscription «À vendre, www.aillagon.com » déployée, le 24, sur une des tours de la cathédrale de Metz ; l’entrée du Musée lorrain de Nancy murée à l’aide de parpaings le 25 ; des chantiers de fouilles bloqués un peu partout en France… Depuis plus de cinq mois, les archéologues ne désarment pas. Aux grèves succèdent les manifestations et les actions ciblées. En Champagne-Ardennes le 15 avril, la cathédrale de Reims a été customisée « À VENDRE www.Aillagon.com « . Aillagon.com », pouvait-on lire sur des calicots brandis durant l’été par quelques intermittents, qui voient dans leur nouveau régime d’assurance-chômage une étape vers la « marchandisation » de la culture. » Décidément, depuis longtemps, la presse promeut un site à l’appellation manifestement apocryphe, dans un souci polémique. Jean-Jacques Aillagon, dont le flegme au cours de la nuit des Césars avait un instant survécu aux propos percutants d’Agnès Jaoui, est maintenant retourné à ses chères études. Comme pour lui rendre un hommage dérisoire, j’ai sélectionné aillagon.com, machinalement et?un merveilleux site s’est ouvert, tout seul, culture se substituant sans coup férir à Aillagon : https://www.culture.fr/ Depuis que Malraux a inventé le ministère de la Culture, le fauteuil du ministre n’a pas toujours été occupé par des personnalités adéquates. Il y eut, certes, Jack Lang, au premier plan, Jacques Duhamel, Michel Guy, Maurice Druon et la grande Françoise Giroud qui, parce qu’elle était femme, sans doute, ne fut que secrétaire d’État. D’autres ministres furent désignés peut-être parce qu’on avait imaginé devant culture le préfixe agri. Mais ne soyons pas méchant. Le site qui nous occupe est immense et, sans mauvais jeu de mot, ratisse large. Et c’est vraiment au hasard que je vais grappiller ici et là. Ainsi l’INHA constitue des dossiers iconographiques commentés à partir de ses collections spécialisées et de celles de ses bibliothèques partenaires (Bibliothèque centrale des musées nationaux, bibliothèque de l’École nationale supérieure des Beaux-arts et bibliothèque de l’école nationale des Chartes). Ces documents peuvent être des dessins, estampes, photographies, manuscrits, plans d’architecture… voici un premier dossier « Cahier pour Aline et Correspondance de Paul Gauguin Tahiti, 1893. « A ma fille Aline ce cahier est dédié : notes éparses, sans suite comme les rêves, comme la vie toute faite de morceaux?  » « Cahier de notes diverses : notes de lecture, considérations sur les m|urs et la société contemporaines, réflexions sur l’art, rédigé par Paul Gauguin à l’intention de sa fille Aline, lors de son séjour à Tahiti en 1893. Les plats, la page de garde, le bas du 9ème feuillet et le verso du dernier feuillet sont illustrés par Gauguin à l’aquarelle..» Il y a aussi l’ « Exposition virtuelle pour un musée imaginaire . Une création multimédia originale, inspirée des Voix du silence, où défilent les reproductions des |uvres évoquées par Malraux, accompagnées du texte de l’écrivain et de la voix de Jean Leymarie. Site réalisé en 2001 pour la commémoration du centième anniversaire de la naissance d’André Malraux. Les images se succèdent et le comédien imite quelque peu la voix inimitable de Malraux. C’est infini. Moins virtuelle, une histoire cursive du cinéma français, « d’après une invention des frères Lumière, avec dans les rôles principaux Arletty, Jean Gabin, Brigitte Bardot, Alain Delon et Catherine Deneuve, sur une musique de Michel Legrand, dialogues Jacques Prévert, mise en scène Luc Besson, une superproduction : le grand film d’un siècle de cinéma français. « Affolement dans la salle. Une locomotive fonce à toute allure. Elle se rapproche : on dirait qu’elle va percer l’écran. Des spectateurs, épouvantés, tentent de fuir… Voilà. Le cinéma vient de naître, en ce 28 décembre 1895, au Grand Café, sur les grands boulevards, à Paris. Mais nul ne se doute encore que ces images tremblotantes, aujourd’hui si émouvantes, viennent de donner naissance à un art, le septième du nom. « Éblouis par ce qu’ils découvrent, les pionniers font leur la devise de Danton : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! » Ils foncent. Ils essaient. Ils trouvent. Si les frères Lumière sont, comme l’a dit Jean-Luc Godard, les derniers des impressionnistes, Georges Méliès devient le premier poète de l’art nouveau. Dans ses studios – il faut oser ! – il reconstitue des actualités : le sacre d’Édouard VII, par exemple. Et, à l’aide de trucages merveilleux, il tourne de courtes féeries, dont le célèbre Voyage dans la lune (1902). Le public s’y rue. Comme il se rue, quelques années plus tard, pour voir les feuilletons mystérieux de Louis Feuillade, Fantômas ou les Vampires. Abel Gance, lui, oeuvre dans le grandiose : pour son Napoléon (1927), il invente le triple écran, l’ancêtre du Cinérama, en toute simplicité. Le réalisme poétique des années 30 Nouvelle surprise, au début des années 30 : le cinéma était doué de parole et il ne le savait pas ! Comme il en use très librement, certains lui reprochent aussitôt d’en abuser. Comme si l’on pouvait parler trop lorsque Sacha Guitry, Marcel Pagnol ou Jacques Prévert dialoguent pour vous ! « Atmosphère, atmosphère, est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? », s’indigne Arletty dans Hôtel du Nord. « Je vous assure, cher cousin, que vous avez dit « bizarre, bizarre » », chevrote Michel Simon à Louis Jouvet, dans Drôle de drame. « Moi, j’ai dit « bizarre » ? Comme c’est bizarre », répond l’autre.» Et l’on continue jusqu’à « nos jours ». J’en profite toutefois pour préciser qu’ « Atmosphère, atmosphère?» est d’Henri Jeanson et non de Jacques Prévert. Une grande rubrique est consacrée à Victor Hugo, conscience et combats. C’est une véritable étude très complète dont j’extrairai deux courts passages. Celui consacré à Juliette Drouet : « De la première nuit qu’ils passent ensemble le 17 ou le 19 février 1833 ils ne se quitteront plus. Alors qu’elle était séduisante et convoitée, elle accepte de vivre à Paris dans un état de quasi recluse auquel elle n’échappe qu’au cours des séjours qu’elle fait au hameau des Metz, près de Jouy-en-Josas, non loin du Château des Roches à Bièvres où la famille Hugo passe régulièrement des vacances chez les Bertin. « Victor et elle prennent aussi l’habitude de partir ensemble presque tous les ans en voyage. Elle risque sa vie pendant le coup d’état de 1851 pour protéger de la répression bonapartiste celui qu’elle aime, dont elle partagera l’exil en Belgique, puis à Jersey et à Guernesey et auquel elle aura écrit des milliers de lettres. Après la mort en exil d’Adèle, Juliette partagera enfin la vie de Victor Hugo. Et même si celui-ci aura connu tout au long de sa vie de nombreuses amours, Juliette lui sera demeurée fidèle pendant cinquante ans, jusqu’à la mort. Et je voudrais aussi évoquer Sainte-Beuve dont le rôle dans l’entourage de Hugo est moins connu : « Ce critique littéraire et poète, depuis ses articles dans Le Globe en 1827 consacrés aux Odes et ballades, a une vie intimement liée à Victor Hugo et à sa famille. Il se montre fasciné par le poète, mais reste aussi très critique. Habitant alors rue de Vaugirard près des Hugo, ses visites les rendent très familiers. Il est admiratif devant la puissance créatrice de Hugo et devant l’image du couple idéal formé par Victor et Adèle. « A mon ami Victor Hugo qui figure dans Poésies et pensées de Joseph Delorme en 1829 prouve ses sentiments émerveillés, tout comme le prospectus qu’il rédige pour la souscription des OEuvres de Hugo. Dans Les Consolations il adresse une lettre dédicace et un poème À Victor Hugo :  » La mère n’aurait pas une si douce main « . Lors de ses voyages, il envoie aux Hugo une amicale et admirative correspondance. « Leurs relations éclatent en drame en 1830, époque à laquelle Sainte-Beuve et la femme de Hugo deviennent amants. Hugo reçoit de Sainte-Beuve le 7 décembre 1830 :  » Si vous saviez (?) à quelles passions contradictoires je suis en proie, vous auriez pitié de qui vous a offensé (?) Il y a en moi du désespoir, voyez-vous, de la rage ; des envies de vous tuer de vous assassiner par moments. En vérité, pardonnez-moi ces horribles mouvements (?). Je ne puis aller vous voir ; je ne remettrai plus les pieds sur votre seuil.  » Son intimité avec Adèle est prouvée par des échanges de lettres. Elle les détruisait à réception ; celles qu’il garda furent détruites en 1885 après quelques prises de notes. « En février 1834, l’article que Sainte-Beuve consacre à l’étude de Hugo sur Mirabeau est considéré comme un acte d’hostilité, ainsi que sa critique des Chants du crépuscule en 1835. Il explique la situation en 1844 :  » Ma relation avec Hugo est très simple désormais, je la résume ainsi ; ennemis mortels, nous le sommes au fond ; nous n’avons plus à observer pour les autres et pour nous-mêmes que ce qui est de la dignité et de la convenance « . Mais c’est Hugo, directeur de l’Académie, qui le recevra par un discours le 27 février 1845 à la suite de son élection en mars 1844. « En 1863, il remercie Adèle de son Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, et se dit  » touché  » du souvenir aimable qu’il a laissé. Il dira à Baudelaire en 1866 :  » Madame Hugo (?) est la seule amie constante que j’ai eue en ce monde-là. « , et écrit d’autre part à Eugène Rambert :  » Ce que j’ai cru pouvoir me permettre en toute liberté pour Chateaubriand, Béranger, Vigny et bien d’autres, je ne le pouvais pas sans inconvenance à l’égard de Hugo. C’a été dans ma vie une amitié trop singulière et trop hautement chantée que la sienne, pour que je puisse en faire abstraction jamais dans mes jugements. Sur ce point, le poète en moi a tué le critique « . « En 1867, à la reprise d’Hernani, il écrit à Madame Hugo :  » Voilà une éclatante consécration des admirations et des amours de notre jeunesse « . L’année de sa mort, en 1869, il écrivait :  » Quand je considère aujourd’hui tout l’ensemble de l’|uvre étonnante de Victor Hugo, dans laquelle il a mis de plus en plus hardiment et fait sortir tout ce qu’il avait de force, de qualités et de défauts, en les poussant jusqu’au bout et à outrance, je sens combien je suis demeuré timide à son égard et insuffisant comme critique : j’en suis resté avec lui très en arrière (?)  » . Voilà qui nous laisse quelque peu pantois! Les illustrations : -Cahier Gauguin -Lettre de Juliette à ?Toto? -Juliette Drouet -Sainte-Beuve