LA CITÉ DES SITES: « Albert n’aurait pas aimé » ou la Suisse telle qu’en elle même?

Nous étions, je crois, en 1977-78…

J’avais alors la réputation tout à fait usurpée de «

m’y connaître» en matière d’impôt. Francine Camus l’apprit et me demanda de venir la voir, rue Vaneau. Je fis alors la connaissance d’une femme adorable, encore très belle, qui souhaitait moins payer d’impôts sur les droits d’auteur considérables d’Albert Camus, mort tragiquement le 4 janvier 1960, dans une voiture que conduisait son éditeur. Les auteurs vivants bénéficient d’un abattement professionnel qui ne touche pas leurs ayants droit. Que faire ? Je suggérai alors à Francine Camus d’acquérir une demeure au bord du lac Léman. Ainsi le Trésor français percevrait 25% forfaitaires sur les droits de son mari et l’administration suisse des finances, trop honorée de compter madame Albert Camus parmi ses hôtes, se montrerait clémente. Un peu interdite, Francine me dit qu’elle allait réfléchir et nous convînmes d’un nouveau rendez-vous. Quand je la revis, hélas ! pour la dernière fois, elle n’eut qu’un mot : «Albert n’aurait pas aimé !» On ne peut que s’incliner devant cette attitude à la fois intellectuelle et morale mais, en restant terre à terre, que peut-on apprendre ? Le site Switzerland is yours, ce qui veut dire « La Suisse est à vous », nous précise que pour pouvoir s’installer en Suisse, il suffit d’avoir plus de 55 ans, d’être à la retraite (plus d’activités professionnelles), d’avoir un revenu annuel de plus de 100.000 Francs Suisses, ce qui représente tout de même 63 450 ?, soit 420 000 ex-francs. Accessoirement, il faut habiter en Suisse un total d’au moins 180 jours par an et « montrer des liens avec la Suisse » «La Suisse vous offre la possibilité de ne payer qu’un taux fixe d’impôt chaque année. Ce montant est calculé sur la base de votre loyer et non pas en fonction de votre revenu ou de votre fortune. En fait, on ne vous demandera même pas de déclarer votre revenu ou vos avoirs. Cet arrangement fiscal est fondé sur une loi fédérale suisse et peut donc être invoqué partout dans le pays. C’est une originalité du système fiscal suisse dont ont joui depuis des décennies de nombreux étrangers et parmi eux beaucoup de célébrités.» Une fois en Suisse, vous êtes tout uniment dans un univers de rêve : «La Suisse est l’un des pays les plus sûrs du monde. Le risque d’être victime d’un délit n’est nulle part aussi minime (?) En Suisse, il n’y a d’ailleurs pas de quartiers vraiment dangereux comme dans les grandes agglomérations de la planète. Vous serez partout et à toute heure en sécurité. Votre voiture est bien plus à l’abri d’un vol en Suisse que dans les pays européens voisins. Avec un minimum de précautions, vous n’aurez donc pas à vous soucier de protéger vos biens outre mesure et à grand frais. En Suisse, pas de « random shooting » à l’américaine ni de règlement de compte entre gangs. Les rares meurtres sont plutôt d’ordre passionnel ou résultent de querelles entre des réfugiés.» Qui ne se souvient du merveilleux film de Franco Brusati, Pain et Chocolat ? Même le climat s’en mêle : «la Suisse jouit d’un climat agréable et varié. Chaque région à son climat propre, du climat chaud et sec valaisan aux températures polaires des sommets alpins. En outre, les saisons sont très marquées, avec des étés chauds (sans être torrides) et des hivers où l’on peut skier mais sans températures extrêmes.» Tout est calme et modéré en Suisse, même les prix et notre site nous énumère tout qui semble pas trop cher. Mais, pour la viande en particulier, il semble être conseillé de se rendre chez Leclerc, à Ferney (ô Voltaire) les prix français étant nettement inférieurs. Déclaration d’une Française installée en Suise depuis trop peu de temps : «Si les Français disent parfois que la Suisse est très réglementée, c’est qu’ils n’y ont jamais vécu. J’éprouve en Suisse un sentiment de liberté et de paix que j’avais complètement oublié. Ce qui m’a frappé en Suisse c’est la facilité des contacts avec l’administration. En France, l’administration vous traite comme si vous étiez sur le point d’être condamnée comme criminelle. C’est tout le contraire en Suisse, les fonctionnaires partent du principe qu’ils ont à faire à des gens normaux et honnêtes, et c’est très agréable. Quand il y a un problème, tout le monde essaie d’arranger les choses. En France on est porté à réagir agressivement dans de telles situation, ce qui n’est pas nécessaire ici. Ma maison est bientôt terminée, avec une qualité de construction hors pair. Rendez-vous compte qu’ils mettent du cuivre là où en France on met du zinc (par exemple sur la cheminée). J’ai choisi de construire une maison de style suisse, comme celles qu’on trouve dans le Jura. La maison a été construite en quelque sorte autour des meubles, avec une cave au sol de terre battue pour y mettre mes 700 bouteilles de Bourgogne. Je suis ravie d’être en Suisse, je n’ai aucun regret. Enfin, oui, un seul, celui de ne pas être venu plus tôt.» Il y avait autrefois une publicité de ce genre pour une école par correspondance ! Arrive l’édifiant chapitre consacré aux célébrités en Suisse. Avec des surprises. «Le fondateur d’une des plus grandes entreprises suisses s’est installé à Vevey en 1833. Henri Nestlé est né en 1814 dans une riche famille de Francfort. En 1833, fuyant la répression qui suit les émeutes révolutionnaires en Allemagne, il s’exile en Suisse. Henri Nestlé s’établit à Vevey, où il travaille comme pharmacien. Il effectue de nombreuses expériences et invente ainsi de nouvelles limonades et liqueurs. Dans les années 1860, il commence une série d’expériences sur le lait pour combattre la mortalité infantile. Il invente alors la Farine Lactée Henri Nestlé. Celle-ci fait ses preuves en sauvant un enfant allergique aux produits lactés.» D’autres Allemands célèbres vécurent en Suisse, de Nietzsche à ? autre niveau – Boris Becker. «L’ex-champion a pris sa retraite sportive en 1998 et se lance dans le marketing sportif. Il investit dans l’entreprise Völkl Tennis, à Zoug, à quelques pas de son domicile, Schwyz. C’est en effet depuis ce canton de Suisse centrale aux impôts raisonnables que Boris Becker fait fructifier sa fortune, évaluée à plus de 150 millions de francs suisses.» Autre avantage en dehors des impôts, il peut échanger peut-être des balles (de tennis) avec Henri Lecomte, Guy Forget, Carlos Moya, Arnaud Boetsch ou même Yannick Noah qui possède une résidence à Montreux. Les hôtes illustres de la Suisse sont classés par canton, par origine et par catégorie. Il y a deux noms dans la catégorie despotes : Mobutu, « guide suprême de la nation zaïroise » et Mussolini. «On raconte à Lausanne que Mussolini aurait été arrêté pour vagabondage alors qu’il s’était endormi sous les arches du grand-pont pendant sa période « Bohème » en Suisse vers 1902. Quelques années plus tard alors qu’il se trouvait à nouveau à Lausanne en tant que « Duce » lors de la Conférence de Lausanne en 1922 visant à régler le problème de la Turquie et de la Grèce, il a été accueilli par les autorités lausannoises, dont le policier qui l’avait arrêté pour vagabondage. Celui-ci était devenu chef de la police lausannoise. Mussolini lui aurait dit « Monsieur, la dernière fois que je vous ais rencontré, vous m’avez arrêté ». Le policier lui aurait répondu « La roue tourne Monsieur ».» Aussi édifiante qu’elle soit, nous ne publierons pas la liste exhaustive de toutes les personnalités qui vécurent ou sont domiciliés en Suisse. Ainsi Isabelle Adjani. « Fatiguée du harcèlement des fans et des médias dont elle souffrait à Paris, l’actrice s’établit en ville de Genève en 1996. Elle déclare lors de son arrivée : lorsqu’on a la possibilité d’offrir à ses enfants une meilleure qualité de vie, il ne faut plus hésiter.» On sait moins que Jeanne Moreau vit dans les montagnes près de Gstaad et qu’Audrey Hepburn a vécu plus de trente ans dans le canton de Vaud. Signalons seulement pour mémoire Alain Delon et Charles Aznavour. Une large place est faite aux hommes politiques, au premier rang desquels Lénine. Gambetta a droit à un chapitre . «En 1871, il quitte la France après la reddition du gouvernement pour venir trouver la paix en Suisse. (?)Soignant un système digestif qui fonctionne mal, l’air frais du pays lui fait le plus grand bien (?) Il entretient une énorme correspondance avec ses amis parisiens. Il écrit dans une lettre à son père: « L’air est doux comme à Sorente au printemps, les raisins mûrissent et je commence déjà à y mordre ». Gambetta passe des jours heureux à Clarens, il dit même ne plus utiliser de montre, utilisant les Alpes avec le soleil pour cadran.» Les sites helvétiques sont libres : la FH qui est l’organisation faîtière de l’industrie horlogère suisse n’a pas protesté. Louis FOURNIER