La Firip et la CFDT s’inquiètent du mariage Orange-Bouygues Telecom

Le déséquilibre que risque de provoquer la fusion Orange-Bouygues Telecom porterait atteinte à l’avenir des entreprises de la filière des réseaux d’initiative publique (RIP), selon son syndicat.

Si la fusion Orange-Bouygues Telecom est attendue, voire réclamée par le marché, pour stabiliser la concurrence qui a essoré les opérateurs ces dernières années, elle inquiète la Firip. La Fédération des industriels des réseaux d’initiative publique craint en effet que cette consolidation du secteur n’entraine un déséquilibre à l’encontre de ses quelque 160 entreprises membres qui couvrent aujourd’hui l’ensemble des métiers de la filière RIP, du génie civil, à l’équipementier en passant par les opérateurs de gros et de détail. Rappelons que la Firip est un acteur clé pour les collectivités qui participent au plan France très haut débit (THD) visant à couvrir d’infrastructure optique (principalement) le pays d’ici 2022. Quatre français sur dix bénéficieront de la fibre optique via les RIP qui devront couvrir 85% du territoire (et 43% de la population).

Selon la Fédération, si Orange rachète Bouygues Telecom, l’ensemble pèsera près de 50% du parc des accès et près de 75% sur le marché Entreprise. Et la Firip de rappeler que « dans la majorité des territoires, ce sont les petits opérateurs de services qui font basculer les entreprises vers la fibre ». S’ils étaient amenés à disparaître ou voir le nombre, qui s’élève aujourd’hui à près de 200, fortement diminuer du fait du poids concurrentiel, le pays serait confronté à « des risques réels ». A savoir, une différence d’offres de services (Internet, téléphonie, télévision) entre les abonnés des zones RIP et denses; et d’autre part, le verrouillage du marché Entreprise par les grands opérateurs avec des offres impossible économiquement à concurrencer par les acteurs alternatifs.

La Firip saisit l’Arcep

C’est pour éviter ces risques que la Firip a écrit au Premier ministre pour demander des garanties afin de conserver les 7000 emplois directs et un chiffre d’affaire de plus d’1,5 milliard d’euros de la filière. « L’Etat doit entendre toutes les parties dans ce dossier : pas seulement les grands opérateurs, mais aussi les collectivités et les petits opérateurs, déclarait Etienne Dugas, président de la FIRIP, dans un communiqué publié la semaine dernière. Il doit donc s’assurer, en tant que 1er actionnaire, que le nouvel acteur Orange Bouygues devienne enfin un partenaire actif des RIP. » La Firip a saisi l’Arcep et l’Autorité de la concurrence sur ces questions.

Lesquelles ne se poseront peut-être pas dans l’immédiat. Si les discussions se poursuivent entre Orange et Bouygues, mais aussi avec Free et SFR (Numericable-SFR), l’opération pourrait ne pas aboutir. Car le dossier est complexe et nécessite, pour des raisons d’équilibre concurrentiel, que l’ensemble des acteurs se mettent d’accord. Ainsi, Free pourrait racheter une partie du réseau mobile, des licences et des boutiques de Bouygues Telecom. SFR serait intéressé par les clients mobiles des offres sans engagement B&You et Sosh. D’autre part, la question de l’accord de mutualisation du réseau mobile signé entre SFR et Bouygues Telecom s’inscrirait également comme un élément accentuant les difficultés des discussions. Quid de cet accord si Bouygues Telecom disparaît ? Enfin, Martin Bouygues vise 15 % du capital d’Orange en échange de son activité télécom valorisée autour de 10 milliards d’euros. Ce qui implique que l’Etat, actionnaire à 23% de l’opérateur historique, révise à la baisse sa participation. Néanmoins, le gouvernement refuserait de descendre sous les 20% et préfèrerait que la part du groupe de BTP se limite à 10%.

Inquiétude sur l’emploi

Ensuite, la méfiance commence à monter du côté des syndicats qui veulent des garanties sur l’emploi alors que les 7500 salariés de Bouygues Telecom pourraient être dispatchés entre les différents repreneurs. Force Ouvrière s’inquiète notamment des plus de 2 000 employés des boutiques Bouygues Telecom, de ses 1200 salariés des centres d’appels, des 850 de l’activité Entreprise, voire des 250 du réseau 4G. Même son de cloche du côté de la CFDT qui craint ainsi que l’avenir des salariés qui iraient à la concurrence ne soit pas garantie. « Chez Orange, beaucoup de départs en retraite sont prévus dans les années à venir, ce qui peut lui permettre d’absorber un nombre important de salariés, indique au Parisien, Azzam Adhab, délégué syndical central CFDT de Bouygues Télécom. Mais ce n’est pas le cas pour les autres opérateurs. Avec SFR et Free, nous craignons, à terme, des suppressions d’emplois. » Risque que, à un an de l’élection présidentielle, le gouvernement n’a certainement pas envie de prendre…


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