La France subira-t-elle une pénurie d’informaticiens ?

Départs massifs à la retraite, nouveaux besoins, problèmes de formation: y-a-t-il un risque de pénurie ? Forrester a organisé une table ronde sur le sujet

Comme dans le secteur bancaire, le départ massif à la retraite des informaticiens (au sens large du terme) dans les prochaines années, risque de poser un problème d’effectifs. Dans le même temps, la baisse sensible du nombre de jeunes diplômés dans les cursus techniques et informatiques pourrait amplifier le phénomène jusqu’à créer une situation de pénurie. La France et l’Europe pourraient ainsi être confrontées à un déficit des compétences informatiques d’ici à 2006.

C’est ce risque qu’a voulu évaluer l’institut d’études Forrester lors d’une table ronde où étaient présents experts, professionnels de l’enseignement et les entreprises, autour du Cigref. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: selon l’étude de Richard Peynot, analyste senior chez Forrester, qui couvre six pays, 46% des entreprises interrogées estiment que jusqu’à 5% de leurs effectifs ‘IT’ partiront à la retraite en 2006. Pour 2007, 56% des entreprises interrogées estiment que les départs à la retraite toucheront jusqu’à 5% de leurs équipes IT. Pour autant, ces départs massifs des salariés de la génération 68 ne sont pas appelés à être remplacés poste pour poste. « En effet, les entreprises voient leurs besoins en compétences informatiques évoluer de postes techniques, qu’elles continuent à externaliser, vers des profils plus orientés ‘business' », explique Richard Peynot. Concrètement, de nombreux profils techniques classiques comme les opérateurs (un poste massivement externalisé) ou les programmeurs ne seront pas renouvelés. Au contraire, de nombreux nouveaux besoins apparaissent: responsable de projet, responsable d’architecture… Or ces nouveaux besoins ne sont pas toujours pris en compte par les écoles professionnelles. « Le système éducatif devrait pouvoir développer rapidement de nouvelles filières pour former des analystes de systèmes d’information, des architectes, des directeurs de programmes et des gestionnaires de contrats. Des compétences qui deviennent essentielles pour les entreprises », explique l’analyste. Mais pour Forrester, cette transformation prendra du temps. D’autant plus que le cabinet d’études observe un repli du nombre d’étudiants en informatique en Europe (de -20 à -40% en Allemagne et en Grande-Bretagne). En France, si Forrester constate une « légère progression des diplômes », il observe aussi « moins de candidatures ». Départs à la retraite et nouveaux besoins non assurés par les grandes écoles poussent donc le cabinet d’études à évoquer un risque de pénurie. Mais tout le monde n’est pas d’accord. Pour Frédéric Lau, chargé de mission au Cigref (Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises), les chefs d’entreprise n’évoquent pas et ne craignent pas de pénurie à court terme. « Les besoins existent mais il n’y a pas de pénurie. Par contre, les entreprises estiment que les formations ne correspondant pas à leurs besoins », explique-t-il. Et de préciser: « Nous pensons en fait que les seniors resteront plus longtemps en place. Il s’agit de gérer les compétences « . Un constat partagé par IBM Consulting Services qui table sur une cohabitation importante des seniors et des juniors plutôt qu’une hémorragie des compétences. « Les entreprises ont tout à gagner à faire face aux challenges du vieillissement de la population avec une politique ambitieuse et innovante « , souligne Olivier Cerbeland, Associate Partner de l’IBM Institute for Business Value. Concrètement, IBM conseille de conserver une partie des effectifs en partance pour la retraite car leurs connaissances et leurs qualifications sont stratégiques pour l’entreprise. Et il s’agit d’utiliser la technologie pour les transmettre. Ainsi, les entreprises peuvent déployer des outils en ligne de Knowledge management afin de favoriser l’accès aux contenus et aux individus. Il s’agit aussi de renforcer le réseau d’expertise avec des outils comme la messagerie instantanée. Bref, avant d’être confrontées à une éventuelle pénurie des compétences, les entreprises doivent préparer la transition !