La justice américaine menace la gouvernance de l’Internet

L’interruption accidentelle de milliers de sites web dans le cadre d’une chasse aux contenus illicites relance le débat sur l’indépendance des pouvoirs de l’Icann vis-à-vis des autorités judiciaires américaines.

Les autorités américaines ont pris la mesure du défi qui s’imposait à elles pour débarrasser Internet de sites hébergeant des contenus illicites ou réalisant des actes de spamming (envoi massif de courriels indésirables). Cette traque a conduit la justice américaine à exiger récemment le blocage de dix noms de domaines. Dans la liste figurait Mooo.com, un service géré par FreeDNS, qui permet aux utilisateurs de choisir un sous-domaine et de le faire pointer où bon leur semble.

En désactivant le domaine lié à ce service, pas moins de 84.000 noms de domaines ont été rendus inaccessibles durant plusieurs jours, le temps que les autorités américaines reconnaissent leur maladresse. La majeure partie des sites n’avait en effet strictement rien à voir avec la décision de justice qui entraînera à coup sûr des dégâts préjudiciables pour la réputation de ces sites parfaitement légaux, souligne ITespresso.fr.

Pour Stéphane Van Gelder, premier Français élu à la tête de l’instance internationale GNSO (Generic Names Supporting Organization) qui participe aux décisions de l’Icann (l’organisation mondiale chargé de la gestions des domaines Internet), « la gouvernance de l’Internet est menacée par la pression des autorités américaines qui procèdent à des désactivations unilatérales de sites, passant outre les structures mondialement reconnues. Depuis un an, les agences de lutte contre la criminalité – que ce soit le FBI, Interpol ou les polices d’État – viennent à l’Icann et au GNSO avec des demandes concernant la désactivation de sites et de noms de domaine », et que l’instance mondiale repousse, indique-t-il lors d’un entretien à l’AFP.

Cette affaire marque le pas concernant la gestion d’Internet par des agences ou sociétés comme Verisign (qui gère l’extension « .com ») établies aux États-Unis et donc soumises au droit américain. Elle fait apparaître le besoin de rendre la gestion d’Internet et des noms de domaines plus transparente.

Une première étape a été franchie lorsque l’Icann, dont la création remonte à 1996 sous l’ère de l’administration Clinton, est devenue une autorité indépendante du gouvernement américain en 2009. Si beaucoup de lobbies aimeraient que les États-Unis en reprennent le contrôle, bon nombre de voix s’élèvent pour réclamer son placement sous la tutelle d’un organisme neutre comme l’ONU. Nul doute qu’une telle décision semble pour l’instant peu envisageable…