La microélectronique à l’aube des transistors nanotubes carbone avec un passage sous les 10 nm

Les chercheurs d’IBM viennent de poser un jalon dans le cheminement de la microélectronique moderne. Ils ont testé le premier dispositif à transistors en nanotubes carbone capable de passer sous les 10 nanomètres.

Une longueur de grille qui passe sous les 10 nanomètres (9 nm exactement), mais un pas de géant pour la microélectronique. On ne parle plus d’un transistor classique réalisé en CMOS (Complementary metal oxide semi-conductor), mais de technologie en nanotubes carbone.

L’alternative aux technologies CMOS est inévitable

Les lois de la physique indiquent que les 10 nanomètres (pour la longueur de grille du transistor) signent l’arrêt de mort de la microélectronique actuelle avec transistors en CMOS. Et jusqu’à présent, les nanotubes carbone faisaient figure de challenger de taille, sans qu’il ait été démontré que des transistors développés dans cette technologie avec une longueur de grille inférieure à 10 nanomètres puissent être réalisés. C’est chose faite désormais et les promesses vont au-delà des espérances des chercheurs puisque les modèles de simulation développés étaient pessimistes par rapport aux résultats obtenus.

La technologie consiste à développer des transistors en nanotubes de carbone sur un substrat réalisé avec un isolant ultra fin. Les nanotubes de carbone présentent la particularité d’avoir une très grande mobilité électronique. C’est cette mobilité des électrons élevée qui permet d’obtenir des systèmes véloces à même de jeter les bases de futurs processeurs ultra rapides.

Un transistor qui tombe à point nommé

La consommation est beaucoup plus faible, car la pente donnant le courant en fonction de la tension de seuil est très élevée. Pour faire simple, cela signifie que les transistors passent plus facilement (entendez « en consommant moins d’électricité ») de l’état ouvert à l’état fermé (et réciproquement). Une puissance électrique dynamique (courant consommé durant les commutations des transistors) moindre, mais aussi des fuites de courant inférieures (courant de fuite lorsque le transistor est éteint avec sa grille à zéro) sont donc à mettre au crédit des nanotubes carbone.

Trouver une solution de remplacement à la microélectronique actuelle est vitale. Car celle-ci s’appuie sur la réduction des tailles de transistors afin de réduire le coût des puces (plus de puces sur une même tranche de silicium [wafer]) et d’en accroître dans le même temps les performances (processeurs plus rapides) tout en diminuant la consommation électrique. Le transistor en nanotubes consomme beaucoup moins que n’importe quel autre transistor qui serait de la même taille. Il est également beaucoup plus performant grâce à un produit transconductance par impédance de sortie plus élevé. Cela permet d’amplifier le signal plus aisément. On notera que les transistors « 3D » (Tri-Gate MOS) d’Intel sont l’aveu même d’un constat commun réalisé par les grands de la microélectronique. Ils permettent d’améliorer un process (22 nm dans le cas d’Intel) en jouant sur la troisième dimension signifiant qu’il sera de plus en plus difficile de diminuer la longueur de grille du MOS. Intel a toutefois déjà dévoilé des feuilles de route de CPU qui vont jusqu’à 14 nanomètres.

Des années avant l’industrialisation

Cependant, il ne s’agit que d’une première étape et l’industrialisation du process est encore lointaine. Mais IBM a démontré le potentiel des transistors nanotubes carbone. Aaron Franklin, chercheur au sein du centre de recherche IBM Watson à Yorktown Heights dans l’État de New York, résume ainsi la situation : « Si les nanotubes ne permettent pas d’aller beaucoup plus loin que le silicium, alors travailler sur cette piste est une perte de temps. Nous avons donc réalisé des transistors en nanotubes de manière agressive en termes de dimensions, et démontré qu’ils sont beaucoup plus performants que les meilleurs dispositifs réalisés en silicium. »

Le premier challenge consiste à créer une couche ultra fine d’isolant. Ensuite, les chercheurs précisent que le process s’articule autour de deux étapes. Premièrement, les nanotubes carbone sont disposés sur l’isolant. Puis seulement ensuite, la grille du transistor est réalisée afin de ne pas détériorer les fragiles nanotubes carbone.

L’électronique moléculaire se rapproche à pas de géants grâce à ce nouveau cap franchi par IBM. On notera également que si des nanotubes carbones sont utilisés pour une approche électronique, des nanotubes (mais aussi de façon plus générale des nano-objets) réalisés dans d’autres matériaux sont également étudiés dans d’autres domaines.