La neutralité du Net passera par la mise en place de nouvelles règles

Si les contributions s’accordent sur un Internet ouvert dans les grandes lignes, nombre de points divergents dans les détails. Autant de centres de litiges potentiel à encadrer rapidement. Par une loi?

Les conclusions de la consultation publique sur la neutralité du Net ouverte en avril devaient être publiées ce lundi 21 juin en fin d’après-midi sur le site du secrétariat d’Etat à la Prospective et au développement de l’économie numérique ce lundi 21 juin.

Pas moins de 121 contributions ont été apportées au débat. Si tous les intervenants s’accordent dans les grandes lignes autour d’un Internet ouvert « favorable à l’émergence d’offres innovantes et compétitives et au développement des usages », les avis divergent évidemment sur la question de l’équité économique. Deux regards s’opposent entre opérateurs et fournisseurs de contenus essentiellement. Les uns ne voulant plus supporter le poids du coût de l’infrastructure servant à transporter les contenus des autres.

Les opérateurs craignent que la surconsommation des contenus, notamment les formats vidéo et le téléchargement en P2P, ne saturent leurs réseaux. Si c’est vrai pour les technologies mobiles aux ressources limitées face à un spectre de fréquences hertzien fini, le problème se pose essentiellement en termes de capacité pour les réseaux filaires. Dans tous les cas, cela nécessite des investissements dans l’infrastructure.

Faire payer les fournisseurs de contenus ou les consommateurs?

Face à cette situation, plusieurs pistes sont évoquées: faire payer les fournisseurs de contenus (Google/YouTube, etc.) et services qui voudraient profiter des nouvelles fonctionnalités des réseaux pour assurer une qualité de service; faire payer les consommateurs en augmentant les tarifs des forfaits Internet, ou bien distinguer les offres en fonction des usages. Autrement dit, payer plus pour consommer plus. Ce qui remettrait en cause le sacro-saint principe de neutralité du Net qui a jusqu’alors primé pour surfer sur le web.

Des voix s’opposent aux deux premières propositions. Elles font remarquer que les fournisseurs de contenus contribuent déjà aux coûts de diffusion (infrastructures techniques, coûts de transit…) et créent de la valeur pour les fournisseurs de services. Mais selon les opérateurs, ces participations ne leur permettent pas de couvrir les coûts d’exploitation de leurs réseau et risquent de freiner les investissements (au moment même où le plan très haut débit est initié).

La tarification selon les usages du consommateur montre pour sa part plus de consensus même si sa mise en œuvre (calcul de la consommation, complexification des offres, incohérence avec la structure de coût fixe pour les réseaux fixes…) serait difficile à appliquer. Et nécessiterait un changement culturel (et économique) des utilisateurs désormais habitués à un coût fixe forfaitaire pour un ensemble de services.

Analyser le marché de l’interconnexion

Une situation difficile à trancher qui pourrait trouver un début de solution à travers une analyse poussée du marché de l’interconnexion des réseaux entre opérateurs et fournisseurs de services. Et délimiter ainsi qui apporte quoi sur Internet. Eclaircir le paysage avant de le recomposer en somme. Mais là encore, les avis divergent. Les uns préférant régler le problème de l’interconnexion à coup de négociations commerciales, les autres par une régulation structurante… Le tout dans un environnement éminemment complexe où nombre d’intermédiaires (les opérateurs de transit) jouent un rôle actif dans l’acheminement des données, qui plus est à des niveaux internationaux.

Autant de questions qui entraîneront leurs lots de litiges qu’il faudra bien arbitrer. Certains acteurs prônent pour des sanctions suffisamment dissuasives. Lesquelles pourraient être appliquées par plusieurs autorités de régulation nationales dans lesquelles l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) semble pouvoir jouer un rôle important. Le gendarme des télécoms est évoqué pour la mise en place d’un suivi des mesures de gestion de trafic et pour résoudre les litiges entre utilisateurs et opérateurs.

Neutralité technologique

Autre sujet abordé, la neutralité d’un point de vue technologique, notamment en matière de terminaux. Apple y est clairement visé, particulièrement pour son refus de supporter la technologie Flash, standard de fait, sur ses terminaux mobiles iPhone et iPad. La question de l’accès au web depuis les moteurs de recherche est également posée. Comment être certain de la neutralité des réponses à une requête sans pouvoir vérifier les sources de l’algorithme de recherche? Les regards se tournent évidemment vers Google, leader incontesté de la recherche web. Mais la remarque reste pertinente pour tous les moteurs propriétaires de recherche web.

Ces contributions donneront donc lieu à un rapport qui sera remis au Parlement début juillet. De là, plusieurs pistes pourront être lancées. Notamment l’idée d’une nouvelle loi. A noter que la Commission européenne doit également éditer, pour l’automne, un livre blanc sur la neutralité du Net.