La position ambiguë d’eBay sur la vente d’objets racistes

Des activistes noirs américains relancent la pression sur eBay afin d’interdire la vente aux enchères d’objets à caractère raciste. La réponse d’eBay démontre l’ambiguïté de sa politique, mais aussi du libéralisme à l’américaine.

Un masque représentant un visage de manière caricaturale, avec une peau noire, de larges lèvres rouges, et des yeux globuleux, est l’un des objets proposés à la vente sur le site d’enchères d’eBay. L’objet, parmi d’autres, est un des arguments présentés par des groupes d’activistes noirs américains pour demander à eBay de mettre fin aux ventes d’objets à caractère raciste.

La démarche a été menée fin février en Californie, un des Etats américains qui décourage par sa réglementation la vente d’objets pouvant « promouvoir l’intolérance raciale. Une réglementation à rapprocher de celle de certains pays européens, comme la France, l’Allemagne, l’Autriche ou l’Italie, qui interdisent entre autres la vente de tout objet faisant l’apologie du Troisième Reich. eBay, entre discours et réalité Le groupe a, dès mai 2001, commencé à interdire la vente d’artefacts nazi, du ku-klux-klan et de grands criminels. Mais cette décision n’était qu’une adaptation à la législation des pays européens concernés. De nombreux objets – livres, cartes, boîtes à tabac, etc. – à caractère éminemment raciste, voir choquant, sont toujours proposés aux enchères ! L’expérience du musée Jim Crow, Mémorial du Racisme, est à ce titre très significative : sur les 7.000 objets à caractère raciste dont dispose le musée, plus de 1.000 ont été acquis via eBay. Et pour suivre l’actualité récente, eBay a du intervenir pour mettre fin aux enchères proposant des débris de la navette spatiale Columbia. La position ambiguë du libéralisme à l’américaine La réponse d’eBay aux démarches engagées contre lui met en évidence l’ambiguïté du plus grand site mondial de ventes aux enchères, mais aussi de la société américaine qui se veut libérale. Il est évident qu’il n’est pas toujours facile d’identifier les enchères à caractère raciste, les tests réalisés par eBay portent sur les mots clés descriptifs des offres, qui peuvent être détournés. A l’inverse, de nombreux livres disposent d’expressions racistes dans leur titre, sans pour autant véhiculer ce type d’idéologie. Mais surtout, Kevin Pursglove, porte-parole d’eBay, a rappelé que le site d’enchères tendait à trouver un équilibre entre « les sensibilités des utilisateurs d’eBay et leur souhait de vendre et d’acheter des marchandises« . Quant à David Pilgrim, le curateur, noir, du Jim Crow Museum, il a déclaré qu’il hait le fait que des gens achètent des objets à caractère raciste, mais il admet que « les gens ont le droit de vendre« . La loi du marché va-t-elle s’imposer ? L’Amérique balance entre déontologie, respect des personnes et des mémoires, et marché. L’arrivée des sites d’enchères en ligne, eBay en tête, mais aussi Yahoo, et bien d’autres, a relancé le marché des objets qui font référence à la mémoire du peuple noir américain. Une carte de la ligue noire de baseball du Jersey s’est vendue plus de 1.000 dollars. Elle est consacrée à un joueur noir américain décédé lors d’un lynchage?