La stratégie de Freescale, sans la loi de Moore !

Rencontre avec Denis Griot, senior vice président de Freescale : « Il n’y a rien de plus faux que la loi de Moore »

Acteur majeur des technologies IT embarquées, à la recherche d’une image nouvelle sous le nom de Freescale depuis que Motorola a fait de sa division semi-conducteurs une ?spin off’, Denis Griot, senior vice-président et

general manager EMEA de Freescale, nous a reçu à l’occasion du SNDF 2004, le Smart Networks Developper Forum qui se tient actuellement à Franfort. « C’est la continuité d’une histoire technologique qui nous a amené à faire le constat des spécificités du traitement de l’information, surtout embarquée« . C’est avec ces mots que Denis Griot commence à décrire le processus qui a amené Motorola à se séparer de sa division Motorola Semiconductors. Certes, deux métiers s’affrontaient, avec un gagnant systématique, la téléphonie mobile. Mais Motorola avait aussi besoin de se séparer d’une activité qui grevait singulièrement ses résultats ! A qui la faute aussi, si ce n’est à l’orientation excessive des investissements sur la téléphonie, difficile à rentabiliser, alors que des marchés pourtant porteurs de succès, comme l’automobile, étaient purement et simplement oubliés ? En quittant le giron de Motorola, Freescale en a conservé les « valeurs positives de la cordialité et de l’accessibilité, et une culture forte de connexion et de coopération« . La spin off a donc libéré les forces vives de Freescale, apportant cependant au-delà des valeurs un fort changement culturel, et accélérant le mouvement ! Fondeur, Freescale veut bousculer sa structure orientée produit et évoluer vers des structures applicatives et systèmes. Et se focaliser sur ses coeurs de métier, l’automobile, le network (réseaux) et le wireless (communications sans fil). Convergence, grand public et technologies embarquées Comme ses concurrents (lire nos articles), Freescale confirme son intérêt pour l’électronique grand public. Et de décliner une nouvelle stratégie vers les applications convergentes : « Notre leadership sur les réseaux et l’électronique automobile nous permet de nous consacrer au domaines collatéraux« . Mais l’objectif n’est pas simple, car il faut tenter de passer sans rupture technologique, là où les standards tardent à s’imposer, tout en répondant aux objectifs de réduction des coûts. Avec un avantage, important : Freescale est déjà présent au c?ur des métiers, dont le nomadisme. Freescale connaît la musique, et avance ses pions calmement, avec l’assurance d’un industriel qui dispose de bons produits qui tôt ou tard seront reconnus par le marché. « Les géants (de l’industrie) commencent à embarquer des équipements communicants, comme la clé sans contact de Renault ou les télécommandes des portes automatiques de garage, une expérience qui nous permet de maîtriser la convergence« . Avec parfois des approches originales, comme l’UltraWideband, alternative aux solutions Wi-Fi, déjà adoptée par Samsung, et sur laquelle de nombreux géants de l’industrie devraient suivre, d’autant que Freescale l’a rendu public ! « On ne va pas jouer les Microsoft, pas d’attitude de propriété« . L’écosystème Freescale La stratégie de Freescale se veut réaliste, et exploite l’existant plutôt que de reconstruire des technologies qui ont fait leur preuve. « Notre image de leader technologique est importante pour nous, et nous sert à enrichir notre aptitude à servir les besoins du grand public et de nos partenaires« . Freescale s’adresse donc à un écosystème en tant qu’intégrateur de systèmes sur puces, et maintenant multi puces. Son laboratoire de recherche de Crolles (près de Grenoble), en partenariat avec Philips et STMicroelectronics, maîtrise les 90 nanomètres (lire notre article), a résolu la lithographie des 45nm, et vise les 32nm ! Au fait des technologies, le fondeur est aussi le premier consommateur au monde de SoI (silicium sur isolant) à la demande, une technologie qui a été retenue sur tous les produits haute performance du fabricant. Le stockage ouvre les portes de la maison numérique Au détour d’une intervention sur le SNDF 2004, nous avons retenu l’expression ‘stockage‘, sans que cette dernière puisse être réellement qualifiée. Denis Griot éclaire notre lanterne : « L’exemple d’Apple est significatif, avec la maîtrise du compromis entre puissance et consommation, qui vient se placer sur le socket?« . En matière de stockage, Freescale a donc déployé une approche technologique originale, que seul IBM développe en parallèle, la MRAM. Cette mémoire, qui sera industrialisée en 90nm, reprend l’approche des technologies embarquées. Technologie en cours de développement, elle repose sur une surcouche disposée sur une ram classique. Technologie de rupture, elle associe le meilleur de ses concurrentes : plus de vitesse, plus de densité, et programmable. Freescale vise le marché domestique avec la MRAM, superstructure VAD (value ad module) sur base CMOS. Mais pour ambitieux que soient ces projets, Denis Griot se veut pragmatique, voir impertinent? « Il n’y a rien de plus faux que la loi de Moore » ! Il vise ceux qui « introduisent des précisions sur le prochain n?ud, mais restent dans le domaine de la découverte« . Un discours à la mesure des ambitions d’un ex Motorola ! Freescale va mieux, et l’Europe reste stratégique !

Rappelons que la division Semiconductors de Motorola perdait de l’argent ! Qu’en est-il quelques mois après la séparation ?

« Freescale est dans un contexte de croissance de trimestre en trimestre« . Loin des avertissements de ses concurrents, Freescale semble en passe de réussir très rapidement son pari ! La stratégie de diversification et les marchés latéraux apportent un surcroît de croissance au fondeur, malgré la santé relative des télécoms. Quant à la place de l’Europe, elle reste stratégique, même si les chiffres sont moyens. 20% de parts de marchés cachent en réalité un taux de mise en ?uvre plus élevé. A savoir que l’Europe conçoit, adopte les technologies, mais fait fabriquer ailleurs ! Ce ‘designing‘ représente environ 25% du marché. Et les délocalisations ? Vers les pays de l’est, par exemple, Denis Griot revient de Moscou ? Pas pour le moment ! Il manque en particulier à la Russie non pas des moyens financiers, mais bien une culture de la création d’entreprise, un esprit d’entreprise et un système bancaire prêt à prendre des risques. Pour le moment, Freescae dispose de deux centres de recherche en France -Grenoble et Toulouse- et la présence de dirigeants français à la tête du groupe devrait rassurer.