La télévision se prépare à vivre des années difficiles selon l'Idate

Pour répondre au défi d’Internet, l’industrie de la télévision n’a d’autre choix que de s’ouvrir au réseau mondial. Au risque de redistribuer les cartes. Une thématique que l’Idate abordera au cours de ses prochaines journées internationales.

Ouverture des plates-formes et partage des innovations pour affronter la récession mondiale, telle est la thématique qui animera les 31e Journées internationales de l’Idate organisée les 18 et 19 novembre prochain à Montpellier. Plus de 130 experts y débattront d’ouverture (open web, open cloud, open mobile et même open television) mais aussi de régulation. Six séminaires thématiques (Green IT, jeux vidéo, média, politiques FTTH et mobiles) compléteront les conférences.

La question de l’ouverture dépasse aujourd’hui le seul phénomène conjoncturel. Pour se développer, « l’entreprise ne peut plus gérer son innovation sans créer une certaine porosité de ses frontières », soutient Yves Gassot, directeur général de l’Idate. Une stratégie qui, à titre d’exemple, a formidablement réussi à la pourtant très fermée Apple avec l’ouverture aux développeurs de son App Store qui a délivré plus de 2 milliards d’applications en à peine deux ans. « La stratégie open platform passe par une reconnaissance du marché des développeurs », précise Yves Gassot.

Une ouverture qui s’impose aussi à l’industrie de la télévision, tant du côté des contenus que de celui des terminaux. En intégrant une interface Ethernet, les téléviseurs accèdent désormais directement à Internet (en passant par le modem résidentiel). Du coup, les vidéos du réseau mondial ne sont plus confinées à l’écran du PC mais arrivent sur celui de la télévision. Selon l’Idate, 40 % des foyers seront, d’ici trois ans, équipés pour profiter du contenu en ligne sur le téléviseur. Que ce soit directement depuis la télévision ou bien par des périphériques connectés à la box du fournisseur d’accès (disque dur/magnétoscope numérique, passerelle/serveur multimédia, décodeur, console de jeux, etc.). Il faut s’attendre à « une véritable lame de fond en termes d’équipements », avance Gilles Fontaine de l’Idate et qui animera la thématique « TV 2020 » à Montpellier.

Si les fabricants se frottent les mains de cette évolution, les diffuseurs ont quelques sueurs froides à l’idée de voir arriver cette concurrence venue du Net. « Si l’on pousse la vision de la télévision Internet à long terme, poursuit Gilles Fontaine, il y aura une abondance de contenus amateurs et premium (payants) et les nouveaux distributeurs de ces contenus pourraient être les Google, Facebook, MySpace et autres portails des acteurs du Net. » Il existe donc un risque que les diffuseurs d’aujourd’hui se voient court-circuiter par les détenteurs de droits des œuvres de demain. YouTube signe d’ailleurs des accords pour diffuser légalement les contenus des chaînes jusqu’alors proposés illégalement. Après la musique et la presse, Internet s’attaque désormais à l’industrie audiovisuelle. Le déploiement de réseaux haut (ADSL) et très haut débit (fibre optique, câble) facilitant d’autant cette transformation.

Pour y répondre, l’Idate préconise une plus grande maîtrise des droits d’exploitation par les diffuseurs. Si c’est déjà le cas aux Etats-Unis (où les groupes audiovisuels intégrés verticalement contrôlent leurs catalogues et droits d’exploitation), ce n’est pas le cas en Europe, souvent pour des raisons législatives qui séparent généralement les métiers de la production de ceux de la diffusion. « Une intention louable en terme de politique culturelle mais dangereuse à moyen termes. » Le risque étant que les Etats-Unis profitent de la paralysie des diffuseurs européens pour inonder la toile de leurs programmes et détourner l’audience nationale des chaînes locales.

« Il est urgent que les chaînes puissent développer leur contenus sur le Net pour contrebalançer l’effet Hulu », assure Gilles Fontaine. Hulu.com est une plate-forme de diffusion créée par des « network » américains (NBC, Universal, News Corp, Walt Disney Company)qui distribuent leurs contenus en ligne le lendemain de leur diffusion sur les réseaux télévisés, coupant ainsi peu ou prou l’herbe sous le pied du piratage (ou plutôt du partage de contenu sans autorisation). Une problématique dont les grand réseaux européen sont bien conscients. En France du moins. Les récentes discussions entre TF1, Canal+ et M6 qui réfléchissent à une plate-forme commune de catchup TV (rediffusion des contenus en ligne) en est la preuve.

Une situation qui pourrait d’ailleurs profiter aux opérateurs télécoms. En contrôlant le réseau, contrôleront-ils également les contenus? Deux scénarios s’offrent à eux : l’investissement dans leur propre production et acquisition de contenus (la stratégie d’Orange en France); ou bien la facturation aux diffuseurs de l’accès à leurs réseaux et bases d’abonnés. En tout état de cause, « l’industrie de la télévision se prépare à des années difficiles ». L’Idate prédit même que le marché publicitaire pour la télévision sera, en 2020, équivalent à celui de 2008. Si l’ouverture de l’industrie audiovisuelle au Net est inévitable à sa survie, les heures de gloires de la télévision nationale à tendance monopolistique font désormais parti du passé.