La TV mobile à l’heure des choix

A l’occasion des deuxièmes assises de la télévision mobile organisées au Sénat, les acteurs de ce secteur font le point sur un marché très prometteur. Mais beaucoup de questions restent en suspens

La télévision sur mobile est aujourd’hui en France sur les rails. Soutenue par le gouvernement et les industriels, ce service est actuellement testé en grandeur nature par les opérateurs et les équipementiers (voir nos articles). Tout ce petit monde le sait: les consommateurs attendent avec impatience la TV sur mobile en direct et sont prêts à payer entre 5 et 10 euros par mois pour y accéder. Une véritable manne !

Pour autant, malgré ces expérimentations en cascade et les effets d’annonce de la part des opérateurs mobiles, force est de constater que de très nombreuses questions techniques, réglementaires… sont encore en suspens. Et il faudra bien que le secteur fasse des choix avant un lancement massif attendu pour fin 2006. Ces questions et problématiques ont été abordées lors des deuxièmes assises de la TV Mobile organisées au Sénat, un colloque réunissant la plupart des acteurs concernés. DVB-H, DVB-T, Satellite: quid des technologies ? Jusqu’à il y a peu, tous le monde s’accordait à plébisciter la norme DVB-H, dérivée de la TNT, pour proposer la TV sur mobile. Largement poussée par Nokia, prête technologiquement, cette norme est pour les analystes celle qui sera le plus utilisée à terme. Mais aujourd’hui, le DVB-H est critiqué car limité. « La question des fréquences pose problème », explique Gilles Bregant, directeur technique pour le CSA (Conseil supérieur de l’Audiovisuel). Le DVB-H a un coup d’avance, mais rien n’est fait ! L’explication est simple: le DVB-H exploite le réseau hertzien analogique UHF qui aujourd’hui est saturé en France. Il le sera tant que les chaînes hertziennes ne basculeront pas de l’analogique au numérique. Ce qui prendra du temps. Faute de fréquences libres, l’offre en chaînes sera limitée. Pire, cette norme poserait problème pour une diffusion ‘indoor’ où elle est faible (à l’intérieur des immeubles). Or, ce mode de consommation est attendu par les utilisateurs, selon les retours d’expérience des opérateurs qui ne s’attendaient pas à ce résultat. « Si le ‘indoor’ est prédominant dans les usages, il faudra se poser la question d’une technologie alternative », prévient Didier Huck, VP chez Thomson. Deux solutions sont possibles. La première consiste à libérer les fréquences analogiques mais cela pose un problème de réglementation. Par ailleurs, se pose la question de la rémunération des fréquences libérées. « Il n’y a aucune raison que les opérateurs ne payent pas un droit d’occupation », explique Daniel Boudet de Montplaisir, auteur du rapport « Télévision numérique et mobilité ». La seconde consiste à se tourner vers une autre technologie. Précisément, l’idée est de mixer DVB-H et satellite. « Cette technologie mixte d’accès a fait ses preuves », souligne Nick Stubbs, directeur général d’Astra France. « Elle permet une meilleure qualité et une meilleure couverture, notamment en ‘indoor' ». Même tonalité pour Olivier Coste, directeur de la stratégie et du développement pour Alcatel Space: « Nous nous orientons clairement vers une proposition mixte, satellite/terrestre qui permet une couverture globale et un nombre plus important de chaînes. Par ailleurs, le satellite permet une exploitation même en cas de catastrophe naturelle par exemple, ce qui n’est pas le cas des réseaux terrestres ». Standardiser au niveau européen La tentation est grande pour les industriels de proposer, voire d’imposer des technologies propriétaires. Certains pays pourraient de leur côté opter pour une technologie différente de celle de son voisin. Ces deux possibilités pourraient tuer le marché… « Un standard ouvert et commun, au moins en Europe, est crucial », martèle un directeur technique d’Eutelsat. « Il s’agit d’un critère déterminant pour assurer la continuité de service et la solidité du modèle économique de la TV sur mobile », renchérit Bertrand Mabille, directeur de la stratégie et de la réglementation pour SFR. Les contenus feront la différence, pas la technologie Pour bon nombre d’observateurs, le coeur du problème est ici. A l’étranger, certains services de TV mobile sont de véritables bides à cause de la faiblesse des contenus. C’est le cas au Japon qui utilise un système basé sur le satellite. « Seulement 20.000 personnes se sont abonnés au service après un an d’activité », observe Florence Le Borgne, analyste à l’Idate. « L’absence des chaînes publiques est un lourd handicap. L’offre doit être assez équivalente à celle proposée sur les réseaux classiques avec des chaînes spécialisées supplémentaires. La présence des grands noms des médias est indispensable, et les efforts marketing des opérateurs devront être soutenus « , souligne l’analyste. Un cadre réglementaire à préciser Enfin, il faudra se mettre d’accord sur la distribution des rôles au niveau de la réglementation. Le contrôle du CSA sera-t-il total ? dans quelle mesure l’Arcep, le régulateur des télécoms, pourra-t-il faire entendre sa voix ? Selon le cabinet Informa Telecoms, en 2010 on comptera 124,8 millions d’utilisateurs pour la TV mobile. Selon l’auteur de ce rapport, la technologie DVB-H, représentera à cette date 60% du marché. Les combinés capables de diffuser de la TV en direct s’écouleront à 83 millions d’exemplaires en 2010 contre 130.000 en 2005.