L’anthropologie au service d’Intel

Rencontre avec Geneviève Bell, anthropologue, et spécialiste des comportements chez le géant des processeurs, Intel

Un département d’anthropologie chez Intel ? Surprenant, mais pourtant loin d’être nouveau ! Le fondeur dispose en effet d’un team de sept équipes d’anthropologues qui parcourent le monde et étudient les pratiques sociales, usages et comportements des individus.

L’objectif est bien évidemment de relier la technologie et le social, de donner un sens aux pratiques locales, de repérer ce que les gens veulent localement et de relier les usages aux données. Pour cela, Intel a étudié depuis dix ans le comportement de plus de 600 foyers dans 21 pays. Lourde mission, en effet, car il faut prendre en compte les lieux et conditions matérielles de vie – un exemple, pas de prise de courant en Afghanistan, mais du soleil à revendre -, mais aussi les classes de la société, riches et pauvres, campagne ou villes, le niveau de scolarisation et l’accès à la formation, l’âge, etc. Ce dernier critère est d’ailleurs essentiel pour Intel, avec les générations actuelles et futures d’enfants qui accèdent presque naturellement à la technologie, et le rôle de plus en plus important de l’informatique dans la formation et l’éducation. S’il s’agit de repérer ce que les gens aiment, il ne faut pas oublier non plus qu’une donnée essentielle doit aussi être connue et qualifiée, comme le rappelle Geneviève Dell : « Connaître ce qui rend les gens frustrés ! Nous devons définir les valeurs, les attentes et les espoir« . Se détacher du gigantisme américain L’une des difficultés de l’industrie américaine qui évolue à l’international est justement de se détacher du modèle américain. Les maisons, par exemple, y sont les plus grandes de la planète ! Si l’on base les technologies sur les données récoltées aux Etats-Unis, on dépasse largement les limites acceptables hors de ce pays. « Une borne Wi-Fi dont la portée est adaptée à la maison américaine, va couvrir le pâté de maison ailleurs. Et tous le quartier risque de profiter de la connexion de l’internaute ! La maison est la base des travaux de la division anthropologie d’Intel, travaux qui adressent en grande priorité le département ‘Digital Home‘. L’utilisation et la confidentialité des espaces de vie varient d’une société à l’autre, mais aussi en fonction de la place de chacun dans les lieux. La frontière du voisinage est aussi flexible. L’ouverture vers le monde est une notion qui varie fortement. Et de rejoindre les préoccupations de confidentialité et de vie privé qui soulèvent bien des question dans l’industrie, mais aussi au niveau politique. L’anthropologie appliquée au PC chinois Pour mesurer l’implication du service d’anthropologie dans les développements d’Intel, Geneviève Dell évoque le cas du design du PC chinois. Destiné en priorité aux étudiants, il dispose de quelques particularités uniques : une taille réduite, pour prendre en compte le peu d’espace disponible dans les foyers, un clavier réduit, pour les mêmes raisons, un écran plat pivotant sur un socle, pour le glisser le long de l’UC ou d’un mur lorsqu’il n’est pas utilisé. Mais la plus importante contribution tient dans une clé ! Car plus que tout autre chose, le Chinois apprécie cet outil simple qui condamne physiquement l’usage du PC. L’écran se trouve donc surélevé par une serrure (voir notre photo) ! Restent deux problématiques pour Geneviève Dell? Tout d’abord de réduire les temps d’intégration de ses travaux dans les processus de conception des produits (deux ans entre l’idée et le concept pour le PC chinois). Mais aussi d’élargir ses domaines d’intervention. Le PC au travail par exemple ? Difficile en effet de faire bouger un mastodonte de traditions, le PC de bureau est quasi immuable dans son design, et les enjeux industriels sont tels qu’il ne faut surtout rien toucher ! Pour les PME peut-être? Quant à la délicate question du ROI, le retour sur investissement, Geneviève Dell nous confie en aparté que « le coût de mon service est négligeable dans le budget d’Intel. L’apport d’un design comme celui du PC chinois suffit pour rentabiliser des années d’investissements« .