L’archivage des données a-t-il vraiment de l’avenir ?

L’un des grands défis de la modernité, face aux générations futures, est de garantir la conservation et l’accès à tous types de contenus, dont l’essence est essentiellement virtuelle. Or, beaucoup de supports sont très éphémères…

L’évolution constante des supports de stockage et de leurs lecteurs devrait nous rassurer sur la pérennité de nos données. Or, paradoxalement, leur caractère va à l’encontre de leur vocation première. Ainsi, les supports tels que les disquettes, CD, DVD, DON (disques optiques-numériques) , disques durs, cartouches de sauvegardes ont des durées de vie largement inférieures aux fossiles, à la pierre , aux papyrus et plus près de nous au papier, aux peintures (rupestres: 30.000 ans! -au fond de cavernes, il est vrai) ou aux supports de photographies (daguerreotypes: 165 ans) et nécessitent des conditions de conservations précises pour rester lisibles ou en marche. Par exemple, de nombreux documents audio-visuels du début du XXème siècle ont aujourd’hui irrémédiablement disparus par manque de moyens. Les lecteurs-graveurs de ces supports ont des durées de vie qui dépassent rarement 10 ans et les pièces détachées deviennent vite rares en cas d’arrêt de la fabrication. Les industriels ,qui les fabriquent, peuvent aussi disparaître quand l’obsolescence rattrape leurs produits et leur savoir-faire. De plus , la connexion de ces lecteurs peut aussi se révéler difficile à terme car l’architecture des machines évolue en même temps que leurs périphériques. Il faudra donc aussi conserver des ordinateurs datant de l’époque des lecteurs en état de fonctionner afin de garder la possibilité de transférer les données sur de nouveaux supports plus pérennes. Les logiciels qui vont gérer ces lecteurs-graveurs et les données encodées risquent de ne plus évoluer et l’accès à ces informations sera alors local et nécessitera des compétences particulières. Un exemple récent de cette problématique a touché les millions d’utilisateurs de Syquest, société américaine aujourd’hui disparue qui a produit de 1982 à 1998 des lecteurs et des disques durs amovibles très utilisés dans les arts graphiques. C’est au minimum 1000 To que les entreprises et les particuliers ont du transférer le plus vite possible sur de nouveaux supports afin d’éviter la perte d’informations de valeur. La gestion de ces questions nécessite donc l’apparition d’un support pérenne de cette mémoire qui pourra égaler à terme les instruments et supports d’écriture transmis par nos ancêtres vieux de plusieurs milliers d’années. La première solution consisterait à utiliser des formats universel de type Pdf,… et de les graver sur des supports spéciaux CD-R ou DVD-R dont la vie peut atteindre 300 ans avec l’utilisation d’une molécule brevetée par MAM-A Inc.: La Phthalocyanine. Reste toujours une question: Pourra-t-on les relire ? La deuxième solution serait de graver les textes et les images sur des supports que le temps n’altère pas :papiers spéciaux, plastiques, inox, or, verre, céramique,… Mais ceci reste valable uniquement pour les documents non multimédias… La troisième solution est de faire migrer tous les 5 ans l’ensemble des données numériques à conserver sur de nouveaux supports de stockage et de sauvegarde, soit quelques 20 migrations tous les 100 ans. C’est très efficace ! En conclusion, le papier reste un support pratique et sûr (car facile à relire) bien que nos imprimantes à jet d’encre et laser sont loin d’être aussi fiables pour la conservation de l’écriture que les photographies et les vieilles machines à écrire de nos grands-parents. Il suffit de laisser une photo éditée par leurs soins en pleine lumière et sans protection durant un an pour s’en convaincre… Le Passé serait finalement plus intelligent que l’Avenir. A Méditer…

Thierry Bloch, chargé de cours, consultant, Intellique (c)