Le marché du datacenter français en plein rebond

De gauche à droite : Brice Fourney (Bouygues Energies & Services), Fabien Gautier (Equinix), Olivier Labbé (Cap Ingelec), Nicolas Zerbib (Corning)

Lors d’une table ronde, des professionnels du secteur constatent unanimement une année 2016 positive pour l’industrie du datacenter.

« Rebond ! » Tous les acteurs présents à la table ronde « Datacenter en France : perte de vitesse ou rebond ? » animée par Philippe Luce, délégué général de France Datacenter (ex Cesit), étaient unanimes. La France a connu une année 2016 positive sur le marché du datacenter et les perspectives s’annoncent plutôt bonnes pour le futur proche. Les professionnels du secteur exposaient leurs points de vue dans le cadre de la première édition du salon Cloud Expo Europe/Data Centre World à Paris les 29 et 30 novembre.

Pour Fabien Gautier (2e en partant de la gauche sur la photo), directeur du Business Developpement et du Marketing chez Equinix, la tendance s’est notamment traduite par « le lancement en avance [sur les prévisions] de 4000 m2 en exploitation ». Un « rebond sur les demandes » également confirmé par Olivier Labbé (3e sur la photo), directeur général adjoint au sein du cabinet d’ingénierie Cap Ingelec. Une vision purement franco-française ? Pas seulement. « Au niveau européen, le marché français est perçu comme en cours de restructuration », assure Nicolas Zerbib (4e sur la photo) directeur des ventes chez le fabricant de câble ‎Corning Optical Communications.

Un marché tiré par l’activité des entreprises

Qu’est-ce qui tire la demande d’un marché longtemps sous performant face à ses voisins du Nord de l’Europe ? Pour Equinix, c’est clairement l’activité des entreprises qui l’alimente depuis 3 à 4 ans. « Des grands groupes du CAC40 mais aussi toute l’informatique légitime au datacenter », affirme Fabien Gautier. Mais parallèlement à la salle blanche, « le datacenter est de plus en plus vu comme une plate-forme d’interconnexion, indique le responsable. Les entreprises viennent faire leur marché des bâtiments via les fournisseurs de services. » Sur les 700 clients d’Equinix en France, il recense 11 000 interconnexions de Cloud, services managés, etc. Une vision que ne partage pas nécessairement Nicolas Zerbib qui constate « un léger affaissement au niveau national même s’il y a des déploiements régionaux ».

Sous l’angle sectoriel, Brice Fourney (1er sur la photo), directeur adjoint à l’ingénierie pour Bouygues Energies & Services, constate que 60 % des projets sont portés par des constructions neuves et des extensions de centre, et 40% par le retrofit (réaménagement). Il ajoute que les délais de livraison sont passés de 18 mois à 6 mois aujourd’hui. Ce qui oblige à découper les projets en plusieurs phases. Pour lui, « la demande est [aussi] tirée par le raccourcissement des délais dans la chaîne de valeur ».

Les ‘big five’ arrivent

Un marché réparti, chez Cap Ingelec, entre les entreprises privées pour 34%, le secteur public pour 24%, et les fournisseurs de services à hauteur de 39%. Ce dernier secteur est occupé par les acteurs de la collocation (23% du total), les opérateurs télécoms (12%) et les acteurs de l’IT (4%). « Cela montre clairement qu’il n’y a pas de gros acteurs du Cloud en France, affirme Olivier Labbé. Autrement dit, on ne voit pas les Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple, et Microsoft, NDLR) en France. » Plus pour longtemps. « Les ‘big five’ commencent à s’installer en France, assure Nicolas Zerbib, ainsi que l’Asie » avec le chinois Alibaba, d’ailleurs présent sur le salon sur le stand Ecritel. Amazon et Microsoft ont en effet confirmé leur intention d’ouvrir plusieurs datacenters sur le territoire national.

La volonté des entreprises françaises de conserver leurs données sur le sol français n’est probablement pas étrangère à ces initiatives avec les incertitudes liées au Patriot Act. Mais au-delà de la protection des données, la France a d’autres atouts. Sa position intermédiaire d’abord. « Nous sommes derrière Amsterdam ou l’Allemagne mais devant l’Italie et l’Espagne, assure Olivier Labbé. Au niveau international, nous avons un rôle à jouer avec l’Afrique, la France a des opportunités à regarder vers le Sud. » Opportunités portées par l’amerrissage à Marseille de plusieurs câbles sous-marins en provenance du continent africain et du Moyen-Orient. D’autant que, contrairement à l’Italie comme l’ont dramatiquement montré de récents événements, la France se trouve à l’abri des zones sismiques. Fabien Gautier rappelle pour sa part que « le coût énergétique a longtemps joué en faveur de la France ». Un atout relativisé par « un plan de taxes plus complexe à appréhender que dans d’autres pays comme aux Pays-Bas, souligne le porte-parole d’Equinix selon qui les autorités publiques [françaises] ont une moindre connaissance [de l’industrie du datacenter] ».

En revanche, pas de distinction particulière sur l’aspect technologique et ingénierie. Si « sur le plan énergétique on arrive à des PUE (consommation électrique totale en regard des besoins informatiques, NDLR) de 1,2, 1,3 auxquels on ne rêvait même pas il y a 5 ans », expose Brice Fourney, « les datacenter sont aujourd’hui assez équivalents d’un concurrent à l’autre », considère Fabien Gautier. Pour le porte-parole d’Equinix, « les discussions portent aujourd’hui plus sur les usages que sur le tour du bâtiment. » Selon lui, les clients s’interrogent sur l’agilité pour adresser les pourtours de l’informatique de demain. Sous cet angle, le marché est assez hétérogène. « Le modulaire est plus cher mais plus agile, avance Olivier Labbé. Le ‘dur’ est moins cher et plus sécurisant. »

La fibre optique s’impose

Nicolas Zerbib constate aussi une évolution des usages. « Les besoins de densité [du câblage] et de bande passante augmentent avec une demande à 40 Gbit/s et 100 Gbit/s en uplink, et entre 1 et 10 Gbit/s au niveau serveur. » Le spécialiste du câblage constate également « une évolution de la circulation de l’information Est-Ouest au sein du datacenter plus que Nord-Sud ». Autrement dit, l’information circule de plus en plus au sein du site que vers l’extérieur. Ce qui nécessite toujours plus de fibre optique. « Certains sites sont équipés à 80% voire 100% en fibre », assure-t-il.

Fort d’un constat 2016 positif, les différents intervenants restent confiants sur l’avenir. D’abord, le marché va progresser avec l’arrivée des grands acteurs du Cloud. Ensuite, la filière est suffisamment bien structurée aujourd’hui pour répondre à la maturité des clients. « Aujourd’hui, ce sont les métiers qui s’intéressent à nous », avance Fabien Gautier. Une maturité de la demande qui oblige la filière à croître également en maturité. Pour Olivier Labbé, la France n’a pas à rougir de ses compétences en ingénierie. « Sur la vingtaine de grand colocataires dans le monde, 4 à 6 sont présents en France. » Il constate par ailleurs un bon dynamisme des acteurs régionaux depuis 3 ans avec des ouvertures de sites à Tours et Bordeaux et la vitalité de TDF. « Le maillage régional de micro datacenter devrait s’intensifier », selon l’ingénieur de Cap Ingelec.

Pas encore d’effet Brexit

Difficile de quitter la discussion sans évoquer le Brexit. Un non sujet pour l’heure, aucun des intervenant n’ayant constaté d’investissements massifs se déplaçant dans un sens comme dans l’autre, de l’Angleterre vers la France ou ailleurs. « Je ne vois pas les prémices d’une restructuration du marché européen aujourd’hui », conclut Nicolas Zerbib. Mais demain ?


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