Le ministère de la Justice s’équipe pour respecter la Lolf

Entretien avec Thomas Laborey, senior manager chez Logica, en charge du projet Pharos

Le ministère de la Justice s’adapte à la Lolf (loi organique relative aux lois de finance, vise à réformer les règles budgétaires et compatbles de l’Etat). Il se dote d’un outil de pilotage de ses performances, opérationnel avant la fin de l’année. L’enjeu : prendre en compte sa gestion décentralisée

Quel est l’objectif de ce nouvel outil ?

Pharos est un projet de pilotage de la performance des services judiciaires. De fait, la LOLF est particulièrement délicate à appliquer pour le ministère de la Justice. En effet, le premier président de chaque cour d’appel est responsable de son budget et, en tant que magistrat, il est indépendant. Il a donc fallu réfléchir à une harmonisation du pilotage entre les juridictions jusqu’au tribunal de grande instance, qui demeurent autonomes. Le but de cet outil, fourni par la chancellerie aux juridictions, est de restituer une même information à tous, dans le même format, pour muscler leur pilotage, fonder une comparabilité fiable et permettre une véritable réflexion sur ce qu’est la performance de la justice.

L’objectif n’est pas de fournir un outil de hiérarchisation à la chancellerie, qui permettrait de distinguer les meilleures ou les pires juridictions. Quatre d’entre elles participent d’ailleurs au comité de direction du projet. Pharos éduque à la problématique du dialogue de gestion. Il pourrait servir d’exemple à d’autres ministères moins mûrs sur le sujet

Quel type d’informations fournira Pharos ?

Pharos délivrera cinq types d’informations, similaires pour chaque juridiction. Tout d’abord, il donnera des informations contextuelles, sur le territoire qu’elle couvre, la typologie des délits constatés, des données Insee sur la population, ainsi que sur ses caractéristiques spécifiques qui éclairent sur son activité. Par exemple, est ce une zone frontalière, ou une zone à forte fréquentation touristique ? Ensuite, l’outil donnera des éléments sur l’activité judiciaire au civil, et au pénal, comme le nombre d’affaires traitées, leur durée moyenne de traitement, ou le nombre de jugements cassés par la cour de cassation. On mêle donc des données qualitatives et quantitatives.

Au chapitre des informations financières, on distingue l’utilisation des crédits prévus dans le cadre de la Lolf des frais de justice. Ces derniers, bien qu’encadrés, ne sont pas budgétés, car ils dépendent de chaque enquête. Dans ce cas, les magistrats exercent leur liberté, mais rendent ensuite des comptes. Le volet des ressources humaines (exemple : nombre et type de fonctionnaires et magistrats) est également couvert ; il est fortement relié au budget. Par la suite, ces données seront enrichies, en fonction des besoins exprimés par les juridictions.

Comment l’outil sera-t-il exploité ?

Pharos est un infocentre qui tire ses ressources du paysage informationnel du ministère de la Justice et d’autres administrations (un vingtaine de sources l’alimentent). Chaque fois qu’il existe d’autres infocentres thématiques, ce sont eux qui fournissent les informations. Sinon, ce sont des applications métier qui sont mobilisées. Entre 800 et 1.000 personnes se serviront de cet outil, qui ne demande pas de saisie complémentaire. Il y aura différents types d’utilisation. Tout d’abord, une utilisation courante dans les juridictions, avec des restitutions préformatées des informations.

L’outil permettra également à des spécialistes d’y chercher les chiffres permettant de répondre à des demandes spécifiques, qu’elles émanent du cabinet du Garde des Sceaux, ou de leur chef de juridiction. Car l’intérêt de Pharos réside dans le fait que l’on peut croiser des critères, et donc, faire émerger des informations peu apparentes. Le ministère pourra également utiliser ces résultats pour communiquer auprès du grand public