Le monde du P2P tacle la loi Hadopi

Montré du doigt comme le principal moyen de télécharger du contenu illégal, le Peer-to-peer (p2p) a du plomb dans l’aile. Pour éviter sa diabolisation, les spécialistes critiquent les décisions du projet de loi

Présents lors du forum Atena dédié aux Nouvelles technologies et à l’Enseignement supérieur, les professionnels des contenus et des méthodes pour les partager se sont rencontrés. Pas d’effusions, ni de sang ni d’amabilités particulières entre les deux parties. Pourtant tous s’opposent sur la structure actuelle de gestion des contenus audiovisuels et la loi Hadopi .

D’entrée les jalons sont posés quant à la technologie P2P. Cette dernière fonctionne sur trois modèles. Le modèle à la BitTorrent (stockage de liens), l’échange à travers les messageries type Skype ou enfin la communication, comprenez sous forme d’un réseau de superposition. De ces trois modèles, le premier est au centre des préoccupations. Dès lors comment articuler la technologie de pair à pair avec la bataille contre le téléchargement illégal renforcé par le projet de loi Création et Internet adopté par le Sénat ?

Hervé Rony, directeur général du Snep (Syndicat national des éditeurs de phonogrammes) tire le premier : « La technologie va-t-elle nous aider à résoudre le problème du piratage ? Il faut maîtriser les flux, réguler les contenus pour mieux connaître les habitudes de chacun. En exerçant un filtrage des contenus et en instaurant des sanctions, on enlève une pression sociale qui pèse sur l’internaute« . Le filtrage, un des credo des défenseurs de l’industrie audio-visuelle est mis en avant. Une méthode qui leur permettrait de voir ce qui se télécharge et servir ainsi de moyen de preuve face aux adeptes des plates-formes d’échange. Utile, certes. Impossible selon Michel Riguidel.

Le directeur du département informatique et réseaux de l’école Telecom Paris Tech, expose clairement l’impossibilité d’une telle mesure : « Si tout le monde télécharge, le flux va s’élever à2 Terabits par seconde. Même les FAI n’ont pas la puissance nécessaire pour empêcher quoi que ce soit. Il poursuit, il faut donc plutôt faire du monitoring c’est-à-dire de l’observation. Les méthodes dites comportementales ou heuristiques ne fonctionnent pas, il faut donc instaurer une architecture similaire au P2P pour observer ce qu’il s’y trame ». Un changement total de positionnement en somme.

La question posée en filigrane est donc la même, la position du gouvernement instaurant notamment la riposte graduée ne doit pas se faire sans des mesures favorisant les plates-formes légales de téléchargement. iTunes, une réussite certes, ne tient que par la verticalité de son système (obligation pour l’utilisateur de posséder tout le matériel Apple), les solutions « françaises » tels que le site de musique deezer restant alors à multiplier.

Car si la riposte graduée est définitivement adoptée, le durcissement des sanctions entraînera une modification des comportements mais peut-être pas dans le même sens que l’entendent les tenants du contrôle des flux de téléchargement. Car en matière de piratage, le P2P et les autres outils de téléchargement ont toujours un coup d’avance. Rappelons enfin que les plates-formes en peer-to-peer sont utilisés pour échanger aussi des contenux légaux….

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