Le p-dg de JBoss commente l’évolution des logiciels d’intégration

Marc Fleury revient sur le modèle de JBoss et décrypte les alliances entre éditeurs de serveurs d’application.

Devenu un serveur d’application de référence, JBoss bouscule le landernau des plates-formes applicatives. Retenu par la Direction Générale des Impôts, Axa, General Electric, et d’autres grands comptes en France et à l’étranger, il fait réagir vivement les acteurs en place BEA ou IBM. D’autres comme Sun commencent à considérer sérieusement ce modèle dans leur stratégie. Le panorama des solutions applicatives pourrait bien amorcer un virage historique et les éditeurs traditionnels, hier peu enclins aux concessions, s’unissent déjà pour défendre âprement leur position.

Une belle histoire qui a commencé par capoter Dès 2003, le site de JBoss enregistrait 2 000 000 de téléchargements. « Recevant une forte demande de support et de conseil, nous avons créé JBoss Group avec l’idée de développer un réseau de compétences. Nous avons ensuite tiré des leçons de ce premier échec et levé des fonds pour 10 millions de dollars pour devenir JBoss Inc« , explique Marc Fleury, fondateur et P.D.G. de JBboss. « Le business model ? Nous ne vendons pas de licence logicielle, mais du support et de la formation. À travers cette souscription annuelle auprès de JBoss, nous assumons une partie du risque lié au logiciel. Ainsi, l’entreprise pourrait se retourner contre nous si une partie du code des logiciels JBoss supportés par le contrat intégrait des portions brevetées par un éditeur tiers. Car les logiciels sont distribués gratuitement via téléchargement« . La répartition du chiffre d’affaires de l’entreprise est comme suit : la certification et le support des intégrateurs partenaires représentent 8% (JBoss de vend pas de conseil), 20% proviennent de la formation et 70% des contrats de support annuels. « Nous nous devons donc d’offrir un service de qualité, car notre survie dépend du renouvellement de ces contrats. Actuellement nous enregistrons près de 90% de renouvellement« , se félicite Marc Fleury. La licence LGPL utilisée par JBoss demande aux utilisateurs qu’ils reversent les modifications apportées au code de base, mais n’oblige pas le reversement des applicatifs bâtis au dessus de ce code. Recruter l’élite pour proposer le meilleur Toutefois, l’image idéaliste d’un développement communautaire de passionnés totalement désintéressés a montré ses limites avec la déliquescence de projets parfois fort intéressants. « Pour assurer la continuité des projets sur lesquels nous nous investissons, nous employons chez JBoss les managers et développeurs-clés des communautés concernées. Ces derniers utilisent 25% de leur temps pour le support, la formation et des séminaires, et le reste au développement de leur projet. JBoss investit plus de 20% en recherche et développement. Car logiciel en Open Source ne signifie pas développement gratuit et il est indispensable que le code conserve sa réputation de qualité et de robustesse face aux solutions des éditeurs traditionnels« , souligne Marc Fleury. JBoss met donc en place des méthodologies strictes de développement pour assurer la qualité de la production de code et la pérennité des projets. « Cet aspect, le recrutement des stars de la communauté ‘open source’, et le respect scrupuleux des standards sont les arguments majeurs auprès de nos clients« . Les forteresses se mettent en place En mettant à disposition l’essentiel de son portefeuille applicatif, Sun affirme que le modèle du logiciel en ‘open source’ lui permet de concurrencer en recherche et développement le rouleau compresseur des grands acteurs du domaine. Par ailleurs, l’éditeur confirme une fois encore son intérêt pour le modèle ‘logiciel open source + souscription de support annuelle‘. Et si les dirigeants de Sun citent essentiellement Red Hat comme modèle lors de leurs déclarations, on notera avec amusement que Marc Fleury est un ancien de Sun qui se positionne fortement sur le segment du logiciel applicatif (avec le rachat de Seebeyond en juillet dernier par exemple). « En annonçant le passage de ses solutions en ‘open source’, Sun affirme s’attaquer à Microsoft. Il me semble qu’il s’agit là d’une erreur tactique ou d’une mauvaise approche marketing. Les cibles réelles sont clairement IBM ou Oracle. D’ailleurs, il est intéressant de noter qu’IBM et BEA ont subitement quitté l’expert group JSR 208 (Java Business Integration ou JBI) en octobre 2004, au moment où JBoss et l’Apache Foundation Software ont rejoint ce groupe. Comment justifier les licences commerciales face à des logiciels ‘open source’ bâtis sur les mêmes bases ?« , s’amuse Marc Fleury. Le 1er décembre, IBM, Oracle, BEA, Siebel, Xcalia et Sybase ont dévoilé leur initiative de spécification SCA, des spécifications pour un modèle d’implémentation d’applications dans une architecture orientée service. L’objectif étant de simplifier la tâche des développeurs effaçant les contraintes liées aux langages de programmation et de middlewares spécifiques. No comment. L’analyse de Marc Fleury semble confirmée suite au rachat par IBM en mai 2005 de Gluecode Sotware, spécialiste des logiciels libres avec le serveur d’applications Geronimo et le SGBD Derby en ‘open source’. Une volonté évidente de concurrencer JBoss sur le TPE et PME avec un serveur d’application positionné sur ce créneau. Cependant, le danger prend une autre dimension lorsque ce dernier est retenu par des grands comptes ! Le jeu ne fait que commencer Bien entendu, les grands acteurs du marché comme BEA et IBM disposent d’une force de frappe conséquente avec des équipes et des intégrateurs dans le monde entier pour s’imposer dans un modèle de souscription avec des logiciels téléchargeables. On comprend toutefois que les divisions de développement doivent aussi être rentabilisées. Sans prendre position pour l’une de ces stratégies, on peut tout de même constater l’agitation évidente que génère l’arrivée d’une modeste entreprise. Une réflexion intéressante pour ceux qui pensent que les grands acteurs ne se positionnent sur l »open source’ que par intérêt purement technologique. Le plus grand laboratoire du monde ne se contrôle pas si aisément?