Le Plan Numérique 2012 affiche ses ambitions

154 mesures pour permettre à la France de ratrapper son retard dans les TIC ont été détaillées ce lundi. Certains étaient attendues depuis longtemps. Synthèse et réactions

Le Plan France Numérique 2012 a été dévoilé ce lundi 20 octobre par Eric Besson, le secrétaire d’Etat aux Nouvelles technologies. Nicolas Sarkozy, le président de la République, qui devait les détailler en personne a une nouvelle fois brillé par son absence, retenu par la crise financière aux Etats-Unis. Dommage, sa présence était censé renforcer la crédibilité du plan et les ambitions de l’Etat en la matière.

Le document définitif est assez proche de la dernière version de travail que Silicon.fr avait obtenu en exclusivité le 14 octobre dernier. 154 mesures (baptisées ‘actions’) sont listées et divisées en quatre grandes priorités : Permettre à tous les Français d’accéder aux réseaux et aux services numériques, Développer la production et l’offre de contenu numérique, Accroître et diversifier les usages des services numériques dans les entreprises, les administrations, chez les particuliers et Moderniser la gouvernance de l’économie numérique.

Certaines mesures étaient attendues depuis longtemps, d’autres sont nouvelles. Dans tous les cas, la notion de budget n’a pas été évoquée, ce qui laisse planer quelques doutes quant à la faisabilité de toutes ces actions.

« C’est un plan qui ne coûte pas. S’il est bien mené, il devrait rapporter à l’Etat. (…).Le dividende numérique va rapporter de l’argent : le vente de ces « fréquences en or », sera organisée l’an prochain et devrait rapporter 1,4 milliard d’euros, d’après les évaluations de Bercy. Une partie de l’argent qui sera rendu disponible servira pour combler la fracture numérique », a expliqué Eric Besson, en réponse à la question d’un journaliste.

Néanmoins, elles illustrent une réelle volonté de développement, notamment dans des secteurs aussi stratégiques que le haut débit, le très haut débit, la téléphonie mobile, la fracture numérique, les contenus, le logiciel libre, l’e-administration…

Voici donc en 4 pages, l’essentiel des mesures les plus importantes annoncées aujourd’hui.

-Réduction de la fracture numérique

Les exclus de l’ADSL sont nombreux. Ils représentent 2 % de la population française, répartis sur une fraction significative du territoire. Ce taux représente de 1 à 2 millions de Français exclus de la société de l’information. Pour réduire cette fameuse fracture numérique, le plan envisage divers scénarios.

Il s’agit en premier lieu de créer un Service Universel du haut débit qui permettra à « Chaque Français, où qu’il habite, de bénéficier d’un droit à l’accès à internet haut débit opposable à des opérateurs clairement identifiés »a déclaré le secrétaire d’Etat.

Concrètement, un appel à candidature sera lancé dès 2009 pour la fourniture d’une prestation d’accès universel à Internet haut débit, à compter de janvier 2010. Cet appel à candidature sera décliné au niveau local, pour permettre aux collectivités locales qui le souhaitent et à leurs délégataires de se positionner.

Les opérateurs seront invités à proposer des offres garantissant à l’ensemble des Français, où qu’ils habitent, un accès à Internet haut débit (>512 kbit/s), à un tarif abordable, inférieur à 35 euros/mois. Le débit minimal et le tarif maximal seront actualisés tous les ans.

Dans le même temps, il s’agira de renforcer le rôle des collectivités territoriales, déjà très impliquées dans les déploiements en zones blanches. « Compte tenu du rôle joué par les collectivités dans l’aménagement numérique de leur territoire depuis le début des années 2000, il convient de soutenir leurs efforts dans la mise en oeuvre de stratégies visant à amplifier le développement du numérique. Il est donc proposé de mettre en place des instances régionales rassemblant État et collectivités territoriales pour

une concertation sur les politiques et les actions d’aménagement numérique des territoires ».

Les collectivités locales pourront être dotées d’un outil réglementaire supplémentaire et plus souple qui pourrait faciliter leur intervention dans le domaine de l’aménagement numérique. Par exemple les collectivités pourraient devenir des investisseurs minoritaires (Action n°5) au sein d’une société d’économie mixte, car seule une position majoritaire étant aujourd’hui autorisée.

Autre piste, le soutien des technologies alternatives comme le WiMax où la France est particulièrement en retard. L’Action N°6 préconise de labelliser avec les opérateurs satellites et WiMax, d’ici à la fin de l’année 2009, cinq centres de formation interrégionaux susceptibles de former les installateurs et distributeurs de services d’accès Internet par les technologies hertziennes.

Du côté des équipements informatiques, l’opération Ordi 2.0, déjà annoncée par Eric Besson, organise une filière de récupération, retraitement et redistribution d’ordinateurs, de la création d’une plateforme regroupant les offres en équipement et accompagnement pour les publics défavorisés.

Enfn, une offre à 1 euro par jour incluant PC, connexion Internet et formation sera proposée aux Français les plus modestes.

Des mesures pour développer l’usage du numérique par les personnes handicapées (dont la mise en place le dispositif de sanctions à l’encontre des responsables de services de communication publics en ligne non accessibles aux personnes handicapées) et en Outre-Mer sont également prévues.

-Le Dividende numérique pour la TV et le haut débit fixe et mobile

Que faire de la manne des fréquences hertziennes qui seront libérées par le passage au numérique de la télévision ? Une évaluation des recettes budgétaires réalisée pour le gouvernement, et selon une approche qualifiée de “prudente”, conduit à des recettes d’au moins 1,4 milliard d’euros, sur la

base d’une valorisation de 20M euros/MHz.

Une commission avait déjà planché sur la question, le plan Besson semble suivre ses recommandations. Une partie des fréquences libérées par l’extinction de la télévision analogique, la sous-bande (790-862 MHz), sera affectée à l’accès Internet haut débit. Il s’agit des fréquences les plus basses, donc les plus performantes, jamais affectées aux télécommuni –

cations civiles. La procédure d’affectation pour l’attribution de ces fréquences sera lancée dès 2009 par anticipation (le basculement vers le numérique aura lieu en 2011).

Une autre partie du dividende sera affectée au haut débit mobile (3G).

-Stimuler le haut débit mobile (3G)

Y’aura-t-il oui ou non un 4e opérateur mobile ? La réponse n’est pas vraiment claire.« Toutes les options sont ouvertes, l’appel d’offre qui sera lancé en début d’année prochaine tranchera la question »souligne Eric Besson. En attendant le plan préconise de lancer au premier trimestre 2009 un appel à candidature pour l’utilisation des fréquences disponibles dans les bandes des 2,1 GHz sur la base de trois objectifs : favoriser la concurrence, valoriser au mieux le patrimoine immatériel de l’État et assurer la meilleure couverture possible du territoire.

Ces fréquences seront-elles cédées par blocs ? Un schéma qui favoriserait les 3 opérateurs en place et limiteraient les possibilités pour un nouvel entrant (Free en l’occurrence). En contre-partie, parmi les critères départageant les candidats, pourraient figurer les conditions techniques et tarifaires faites aux MVNO. Histoire d’améliorer leurs conditions économiques (et donc la concurrence). « Il ne s’agit donc ni d’imposer ni d’exclure un quatrième opérateur »a indiqué Éric Besson.

-Accélérer dans la fibre optique

Objectif : 4 millions de foyers connectés au très haut débit en 2010. Pour y parvenir, le plan propose des solutions au niveau réglementaire et technique.

L’action n°14 préconise de simplifier la réglementation technique d’ici à fin 2008 en matière de pose de fibre optique pour les réseaux aériens et souterrains, afin d’en faciliter le déploiement. Par ailleurs, l’Action n°16 prévoit de donner un mandat aux gestionnaires de distribution d’électricité pour étudier la faisabilité technique du déploiement aérien de la fibre optique et valoriser le réseau de distribution basse et moyenne tension pour la pose de réseaux en fibre optique. Cette valorisation prendra la forme d’offres commerciales attractives pour les collectivités et opérateurs, afin de stimuler le déploiement de la fibre optique sur les réseaux aériens.

Le rapport souligne que l’utilisation de réseaux électriques aériens pour déployer la fibre optique permettrait de diviser par deux le coût de déploiement, sous réserve de faisabilité technique (résistance mécanique des appuis, disponibilité sur les poteaux…).