Le prix du dégroupage total est encore sur la sellette

La baisse d’un euro mensuel consentie par France Télécom ne satisfait pas les opérateurs alternatifs. Ils ont saisi le Conseil d’Etat

Le tarif du dégroupage total, qui permet aux opérateurs alternatifs de proposer des abonnements fixe-Internet sans France Télécom, fait encore une fois la ‘une’ de l’actualité. La question est de nouveau posée aux sages du Conseil d’Etat: le tarif proposé par France Télécom est-il juste?

Pour les opérateurs alternatifs, la réponse est non et encore non. L’Aforst, l’association qui regroupe les concurrents de l’opérateur historique, a donc déposé un référé auprès du Conseil d’Etat (lire notre article), examiné depuis ce vendredi. Sa tarification est passée de 10,50 euros la ligne précédemment, à un peu moins de 9,50 euros au 1er juin. Une baisse insuffisante, estiment les opérateurs alternatifs, qui évaluent ce prix à 7,50 euros. Ils rappellent que France Télécom a obtenu ? à l’arraché ? une augmentation importante de l’abonnement au téléphone fixe, qui passera progressivement à 16 euros en 2008. Concession accordée sous condition : en contrepartie de la baisse du prix de location de son réseau. L’Aforst souligne que l’espace économique entre le prix du dégroupage total et celui de l’abonnement fixe ne cesse de s’accroître. Selon l’association, pour que le dégroupage total émerge, il faut une différence de 4 euros; or à terme, elle sera de 7,50 euros. Tele2, membre de l’association, indique qu’en dépit de cette baisse d’1 euro, les opérateurs ne seront toujours pas en mesure de proposer l’ADSL et le téléphone à des prix compétitifs, partout en France. « 9,50 euros par mois est un prix de dégroupage qui demeure trop élevé pour permettre l’émergence d’offres véritablement concurrentielles », explique l’opérateur. Il rappelle que cette situation pèse in fine sur le consommateur qui ne bénéficie pas d’une vraie variété d’offres et de prix bas, sauf s’il habite une grande ville : il n’existe pratiquement plus d’offres concurrentes dans les zones non dégroupées car seuls quelques très gros opérateurs sont en mesure d’investir des sommes gigantesques pour surmonter des barrières à l’entrée toujours plus élevées. Olivier Anstett, directeur général adjoint de Tele2 France déclare : « Nous saluons les efforts de l’ARCEP [ex ART] en faveur de la concurrence sur le marché de l’ADSL, mais nous demandons au régulateur de modifier d’urgence les offres de gros de France Télécom, afin que la concurrence puisse s’exercer à armes égales sur tout le territoire ». Du côté du régulateur, on fait le dos rond. L’Arcep rappelle qu’une consultation publique a été lancée. Elle donnera lieu à une méthode comptabilisation et une décision interviendra début décembre. Le régulateur souligne également qu’après un démarrage poussif, le dégroupage total décolle pour de bon. Selon son dernier pointage, la France comptait 255.584 lignes téléphoniques totalement dégroupées à fin juin, après une hausse de 68% au deuxième trimestre. L’Arcep observe néanmoins que l’avancée du dégroupage n’est pas portée par les opérateurs. « On observe depuis quelques mois un tassement de l’extension géographique du dégroupage en métropole (64 nouveaux répartiteurs dégroupés sur les 6 derniers mois, contre près de 150 au cours des 6 mois précédents). Autour des zones qu’ils ont déjà dégroupées, les opérateurs consolident leur couverture, mais cette extension reste limitée ». Les collectivités territoriales ont pris le relais, notamment grâce à de nouveaux pouvoirs en la matière. Quant à la qualité du dégroupage, elle est sujette à discussion. Pointé du doigt, France Télécom est accusé de traîner des pieds et de provoquer des coupures chez les abonnés qui vont à la concurrence. Cette dernière réclame même des pénalités en cas de retard important, comme ce qui est fait en Italie par exemple. L’Autorité n’a pas voulu aller jusque-là et a forcé France Télécom à publier tous les mois une liste d’indicateurs de qualité de service. Les résultats pour mai et juin sont « contrastés » selon l’Arcep. « Si elles indiquent une amélioration des délais, s’agissant de la livraison des paires dégroupées, elles sont peu satisfaisantes s’agissant des délais du service après-vente du dégroupage ». Seulement 53% des lignes ayant fait l’objet d’une procédure de SAV ont été traitées par France Télécom dans les délais contractuels, souligne le régulateur. En clair, France Télécom continue à prendre son temps lorsqu’il s’agit d’intervenir sur une ligne passée à la concurrence.