Le rapport Attali plaide pour l'Open Source

L’association française des éditeurs de logiciels enrage… Le document revient également sur la fracture numérique, le piratage, la mobilité…

La Commission présidée par Jacques Attali a donc rendu ce mercredi au président Nicolas Sarkozy son rapport sur « la libération de la croissance » française. Il compte plus de 300 propositions qui visent à « changer la France ».

Très éclectique, le rapport sur penche notamment sur les nouvelles technologies et sur le marché des logiciels en France. Les propositions sont réunies au sein d’un chapitre qui annonce la couleur : « les Révolutions à ne pas manquer ».

En guide d’introduction, les auteurs soulignent que« la France a longtemps été en avance dans le secteur des télécommunications et elle le reste. Cependant, la France n’arrive qu’au 14e rang des pays de l’Union européenne pour l’accès des ménages à Internet (49 % contre une moyenne à 54 %). Des zones entières sont encore non couvertes par l’ADSL ». Surtout, et c’est le principal problème, « la France n’a plus aucun acteur significatif dans le logiciel ni dans la fabrication d’ordinateurs, de serveurs et d’équipements annexes. Aucune société française ne figure parmi les 15 premières sociétés éditrices de logiciels. Seuls deux « champions nationaux » s’inscrivent au palmarès des 5 premiers groupes mondiaux dans les six principaux secteurs de l’économie numérique. La France n’a presque aucun acteur de taille mondiale dans les industries d’Internet. L’Europe, et plus particulièrement la France, accusent du retard dans les infrastructures très haut débit par rapport à l’Asie et aux États-Unis. La part de l’économie numérique dans la production française n’est que de 6 % au lieu de 13 % aux États-Unis et 17 % en Corée. Le niveau d’investissement en recherche et développement (0,3 à 0,4 % du PIB) est deux fois moindre que celui des États-Unis, de certains pays nordiques et des nouveaux champions asiatiques. La part des Technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’investissement productif n’est que de 11 % en France contre 18 % en Grande-Bretagne et près de 30 % aux États-Unis ».

Le rapport préconise donc une série de mesures allant du classique (comme l’accélération de la couverture) au plus original, comme le soutien affiché à l’économie du logiciel libre.

Concernant la couverture, le rapport souligne l’importance des technologies alternatives comme le WiMAX et demande que le très haut débit (par fibre optique) soit une réalité pour tous en 2016.

« L’Europe et la France prennent du retard dans les nouveaux réseaux du très haut débit mobiles (services 3G+) et en fibre optique : 8 millions de foyers sont raccordés au Japon, 6 millions aux États-Unis et seulement 1 million en Europe. (Il importe donc de) mettre en place avec les opérateurs un plan de déploiement des infrastructures très haut débit fixes (fibre optique) et mobiles(WiMax, téléphonie de 4e génération, Long Term Evolution). Prévoir par la loi un « droit de la prise numérique » afin de faciliter les négociations avec les syndics d’immeubles. Mutualiser les charges de génie civil (ouverture de tranchées, câblage externe et interne des habitations et raccordement) en organisant le « dégroupage » des fourreaux existants et des lignes en fibre optique mises en place par l’opérateur historique. Encourager les co-investissements dans les infrastructures entre opérateurs. Promouvoir une régulation assurant la neutralité technologique des infrastructures de la boucle locale de l’opérateur historique ». Toute une série d’autres mesures sont préconisées : renforcer des approches européennes notamment dans la sécurité, renforcer les normes nationales, faciliter l’usage de la signature électronique, faciliter l’émergence d’un 4e opérateur mobile (en revoyant les modalités de paiement de la licence, ce qui fera plaisir à Free) …

Le rapport se penche également sur les conséquences du piratage des contenus en ligne. Réaliste, il ne prône pas la répression mais explique que la rémunération des artistes doit être assurée par des mécanismes d’abonnement et par les vrais bénéficiaires du téléchargement : les fournisseurs d’accès Internet. Pour compenser, il faut donc taxer les FAI qui verserait une licence annuelle à l’image des radios. Tout le contraire des propositions de la mission Oliviennes qui préconise notamment le filtrage des réseaux et rejette cette forme de licence globale (tout comme Nicolas Sarkozy d’ailleurs).

« Il convient de faire verser par les fournisseurs d’accès Internet une contribution aux ayants droit auprès des différentes sociétés de gestion collective des droits d’auteur, sous la forme d’une rémunération assise sur le volume global d’échanges de fichiers vidéo ou musicaux. Cette contribution, qui pourra être répercutée sur les usagers, assurera une rémunération juste des artistes, en complément des revenus du spectacle vivant, des CD ».

Mais le vrai pavé dans la marre concerne le secteur du logiciel dominé par les entreprises américaines. Afin de remettre les acteurs français au premier plan, le rapport préconise de promouvoir la concurrence entre logiciels propriétaires et logiciels libres.

Il s’agirait donc de « Promouvoir la concurrence entre les logiciels propriétaires et les logiciels libres dans les appels d’offres, notamment publics.Un objectif de 20 % des applications nouvellement développées ou installées au profit du secteur public en open source pourrait être fixé à l’horizon 2012. Considérer fiscalement, comme aux États-Unis, les aides aux communautés des logiciels libres comme du mécénat de compétence. Exiger, à un niveau européen dans le cadre de la politique de la concurrence entre solutions logicielles, la fixation de normes internationales garantissant l’interopérabilité entre logiciels libres et les logiciels propriétaires, en priorité ». Ces propositions visant à réduire l’influence des logiciels propriétaires, notamment dans le secteur public, fait évidemment hurler les représentants de ces éditeurs. Leur message est simple : en favorisant le libre, on casse les pattes à l’innovation et à la R&D.

L’AFDEL (l’Association française des éditeurs de logiciels) ne cache pas son inquiétude : « En défendant la promotion exclusive et discriminatoire du logiciel libre, la Commission Attali fait manifestement, à l’inverse de nos partenaires européens, le choix du désinvestissement dans l’innovation ! Un parti pris jugé pour le moins iconoclaste par l’AFDEL, mais qui pourrait surtout à terme fragiliser davantage le cœur et le moteur de l’écosystème français des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) : l’industrie française du logiciel »,écrit-elle dans un communiqué acerbe.

Et d’expliquer : « là où les entreprises du logiciel investissent entre 20 et 30% de leur chiffre d’affaires en R&D, les sociétés de logiciel libre, dont la R&D est très faible et externalisée, ne sont pas même éligibles aux dispositifs français d’aide à la recherche. Reposant économiquement sur un modèle de service, le logiciel libre n’a ainsi, de l’avis des spécialistes, pas débouché à ce jour sur des innovations de rupture. La plupart de ses produits phare s’avèrent des clones–parfois améliorés – de produits déjà existant sous modèle propriétaire. La valeur ajoutée du modèle open source résidant davantage dans une stratégie commerciale qui vise à faire tomber les barrières à l’entrée, en déplaçant le prix du produit vers le service ».Le monde Open Source appréciera …

Mais l’attaque en piquée n’est pas terminée. « La Commission prône enfin une accentuation de la discrimination dont pâtissent déjà les 2.500 entreprises françaises dans leur accès aux marchés publics ! Une situation, contradictoire avec les règles des marchés publics, qui ferme de facto la porte de beaucoup de marchés publics à l’immense majorité des start-up et PME innovantes qui ont fait le choix du modèle propriétaire comme unique modèle susceptible de financer leur R&D. L’Association Française des Editeurs de Logiciels souhaite en conclusion que la France sorte définitivement de ce débat stérile et franco-français qui veut opposer les différents modèles. L’heure étant plutôt aujourd’hui à la convergence des modèles et de leurs acquis. »

La balle est désormais dans le camp du Président et du gouvernement. Suivront-ils les recommandations du visionnaire Jacques Attali ? Ou le document ira-t-il, comme tant d’autres, dormir au fond d’un tiroir ? Lors de la remise du rapport (sur une clé USB), Nicolas Sarkozy a déclaré : « J’adhère à l’essentiel de vos conclusions ».

D’autres mesures…-Mettre en place un système européen de certification des produits de sécurité (logiciels ou composants, signature électronique, biométrie, Internet des objets…) pour favoriser la constitution d’un marché de masse pour ces produits et leur diffusion.-Mettre en oeuvre un mécanisme européen d’identification numériquepermettant une reconnaissance mutuelle des moyens d’authentification en imposant la présence de certificats racines issus d’autorités européennes de certification pour l’ensemble des logiciels de communication (messagerie, navigateur…) commercialisésen Europe.-Promouvoir la mise en place d’un système européen de certificationdans le domaine de la sécurité.-Faciliter l’usage de la signature électronique-Choisir d’urgence le standard de la téléphonie mobile de 4egénération.-Démultiplier les possibilités d’adressage (passage de la normeactuelle IPv4 vers IPv6)-Promouvoir les services de géolocalisation et de positionnementpar satellite-Développer la radio numérique et le soutien à la généralisation du DVB-H-Créer un poste de haut-commissaire au développement numérique.-Coordonner l’Autorité de régulation des communications et despostes (ARCEP) et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).-Investir massivement dans les nanotechnologies