Le Sénat veut-il la peau de la loi Hadopi ?

La Chambre haute a déposé 27 nouveaux amendements au projet de loi Création et Internet proposé par Christine Albanel. Des sénateurs préconisent l’abandon de la riposte graduée au profit du retour des amendes…

Le Sénat montre les dents. Presque un titre de polar sauf qu’il s’agit des nouveaux amendements proposés par la Commission des affaires économiques. Bruno Retailleau, son rapporteur vient d’annoncer de nouveaux amendements pour assouplir la loi Hadopi alors que le projet est en débat ce jour au palais du Luxembourg. Ambiance.

Après avoir annoncé pas moins de 50 amendements de la part de la Commission aux affaires culturelles (dont un qui conteste la coupure du Net en cas de récidive), le Sénat porte une nouvelle entaille à la loi soutenue par la ministre de la Culture, Christine Albanel. 27 nouveaux amendements vont donc être proposés à la lecture de la loi pour des débats qui promettent d’être houleux.

D’autant que la loi Création et Internet, ou Hadopi, sera examinée « en urgence » par le Parlement, suite à une décision du gouvernement. Traduction : au lieu d’être débattu deux fois par les députés et les sénateurs, le texte ne sera examiné qu’une fois par Chambre avant de passer en commission mixte paritaire.

Un agenda serré attend donc les sénateurs pour un dossier qui ressemble de plus en plus à un casus belli. Pour être simple, c’est dès aujourd’hui que les velléités politiques vont se faire jour dans un dossier qui prend des allures de marche forcée pour la majorité.

Pour cause, la Commission des affaires économiques du Sénat vient de préciser qu’il ne souhaitait pas voir la riposte graduée, véritable fer de lance du projet, être adoptée. Un amendement préconise l’application d’une amende plutôt que la coupure de la connexion Internet.

Bruno Retailleau, sénateur de Vendée, précise dans un communiqué : « la Commission des affaires économiques propose de remplacer la coupure d’accès par une amende afin de sécuriser juridiquement la riposte graduée, dont la sanction ultime (suspension de l’abonnement Internet) rompt l’égalité entre citoyens et ainsi d’éviter la création d’un fichier des internautes suspendus (interdits de réabonnement). Et de conclure, Ainsi, la riposte graduée deviendrait plus efficiente et plus juste« .

Face à ce nouveau coup de canif porté à son cheval de bataille, Christine Albanel a très vite dégainé. Invitée mardi soir sur le plateau de l’emission « Soir 3 », elle a tenu à défendre bec et ongle son projet insistant sur le côté pédagogique de son projet de loi. La ministre est une nouvelle fois montée en première ligne pour témoigner à ses soutiens de sa volonté d’avancer coûte que coûte. Néanmoins, concernant la volonté du Sénat de ne pas imposer une coupure totale de l’accès et de laisser une connexion bas débit et un outil de messagerie, la ministre déclare : « Nous sommes ouverts à cette idée si la messagerie ne sert pas à télécharger illégalement des fichiers ».

Des soutiens qui commencent à se raréfier. L’opérateur Orange, qui avait signé les accords Olivennes, vient à son tour de s’opposer à la riposte graduée, à en lire les colonnes du quotidien La Tribune. La filiale de France Télécom estime ainsi que la coupure d’accès « pourrait s’avérer disproportionnée« .

Tous attendent désormais ce qui ressortira des débats qui ont lieu ce soir au Sénat. Une position médiane serait alors de revenir à l’esprit des accords Olivennes de 2007. Ces accords « visaient à dissuader le piratage non seulement par la sanction, mais aussi par une offre légale plus attractive« . Par exemple le conditionnement des aides publiques au film à sa disponibilité en vidéo à la demande, ou encore l’encouragement vers les plate- formes légales.

Dès lors, il n’est pas certain que Christine Albanel, soutenue par Nicolas Sarkozy puisse se permettre de faire un pas en arrière.