Les banquiers vont devoir mieux filtrer l’argent sale

L’application prochaine de la dernière directive européenne contre le blanchiment de l’argent sale va obliger les banques à redoubler de précautions. Tour d’horizon en compagnie d’experts

Encore un chantier pour les banquiers. Bientôt, l’entrée en application de la directive européenne du 26 octobre 2005 va obliger les établissements à renforcer leur système de détection de l’argent sale. C’était le thème traité lors de l’atelier Paribas du 21 juin dernier.

Aujourd’hui, le blanchiment de l’argent provenant des activités illicites est indispensable.  » 2 à 5 % du PIB mondial proviennent d’activités criminelles, d’après le FMI, » rappelait l’animateur de l’atelier. En tête, le trafic des stupéfiants générerait entre 300 et 500 milliards de dollars, suivi par la traite des êtres humains, dont la prostitution. Quant au kidnapping, c’est une activité en pleine expansion. Obligations de contrôle Les banquiers, déjà sollicités par le législateur pour vérifier l’identité de leurs clients et la clarté des transactions, vont donc devoir accroître leur vigilance. « Avec l’application prochaine de la nouvelle directive, ils devront, par exemple, non seulement identifier le donneur d’ordre, mais également le bénéficiaire d’une transaction. Une mesure complexe à appliquer,  » alerte Jérôme Lasserre Capdeville, docteur en droit. Autre implication de la directive, poursuit le juriste, les déclarations de soupçon auprès de Tracfin, traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, vont se développer. En effet, elles seront étendues aux transactions concernées par l’ensemble des sources possibles d’illégalité, comme par exemple une fraude fiscale. Résultat : le nombre de ces déclarations, qui est déjà passée de 1700 en 1999, à 10 842 en 2004, devrait exploser. Et les banquiers vont devoir les gérer. Des amendes d’images Pour les établissements, l’enjeu est de taille. ABN AMRO en sait quelque chose, qui, en décembre dernier, a payé 80 millions de dollars d’amende. « Un risque d’image énorme » commente Pascal Aerens, chef de produit chez Side, éditeur de produits de filtrage swift. Et, au Royaume-Uni, 90% des amendes infligées aux banques sont dues à des contrôles insuffisants, poursuit-il. Il est donc essentiel de pouvoir apporter la preuve de sa vigilance. Celle-ci passe par la comparaison des données disponibles de la transaction avec les listes officielles de criminels, de pays sous embargo, des sociétés et des organisations suspectes. Ces listes sont nombreuses rappelle le consultant. Non seulement, il faut tenir compte des listes officielles, comme celle européenne ou américaine, mais on peut y ajouter des listes commerciales, comme World check ou Factiva, beaucoup plus complètes. Attention au back office Mais, alerte Pascal Aerens,  » l’implantation d’un outil de filtrage, qui prend quelques semaines, est loin de régler tous les problèmes « . Il est indispensable de mettre sur pied une procédure d’interruption du flux dans un workflow. Tout comme il faut déterminer qui crée les alertes, comment traiter les exceptions, qui doit autoriser les opérations, et comment le filtrage doit-il s’interfacer avec les applicatifs de la banque. Bref, conseille-t-il,  » d’après l’expérience de nos clients, il faut avancer pas à pas, sans sous-estimer l’impact du projet sur les processus de la banque, et en prévoyant le traitement des exceptions