Les Français fans de films… piratés

Une étude montre que la France compte près de 3 millions de pirates, qui téléchargent en moyenne 11 films par mois. Mais le P2P ne semble pas trop pénaliser les entrées dans les salles obscures

On parle beaucoup du piratage musical, moins du piratage cinématographique. Et c’est un tort. Car à mesure que les accès à très haut débit (1024 et 2048 kb/s) se développent, le téléchargement pirate de films explose. Et les Français ne sont pas les derniers à adopter le P2P pour les films…

A la veille du Festival de Cannes, le CNC (Centre national de la Cinématographie) a rendu publique une étude montrant que la France compte près de trois millions de pirates, qui téléchargent en moyenne onze films par mois. 19% des internautes à domicile ont déjà téléchargé gratuitement sur Internet, soit 2,915 millions d’internautes (contre 4% qui ont payé pour télécharger). Les trois quarts sont des hommes, âgés en majorité de 15 à 24 ans, principalement des lycéens ou étudiants (40%) ou appartenant à des catégories socio-professionnelles supérieures (34%). Les pirates téléchargent en moyenne onze films par mois, soit au total 32 millions par mois ou 1,1 million par jour. Mais ils n’en visionnent en moyenne que quatre par mois. Plus de la moitié des pirates (55%) estiment que leur pratique est légale, surtout s’ils n’en font pas commerce. En revanche, 53% des internautes savent que le téléchargement est illégal et 31% qu’il est puni par la loi. En moyenne, les téléchargeurs ont une vidéothèque sur CD et DVD de 27,6 films piratés soit 80,5 millions de supports en tout. Les films sont d’abord conservés sur disque dur, puis supprimés s’ils n’intéressent pas l’internaute. « Le monde de Nemo », « Le Seigneur des anneaux », « Matrix », « American Pie », « Fast and Furious », « Pirates des Caraïbes », « Frère des ours », « Taxi », « Harry Potter » et « Chouchou » sont les dix titres piratés les plus cités lors de cette enquête. L’étude se base sur des réunions d’internautes téléchargeurs mais aussi sur des sondages. Dans ce cas, les réponses déclaratives des sondés peuvent être sous-évaluées: une réponse positive à la question ‘Piratez-vous des films?’ ne va pas de soi. Cependant, à la différence de la musique, le P2P de films ne semble pas grever les recettes des salles de ciné. Selon l’étude, sur dix téléchargeurs de films sur internet, 2,1 seulement vont moins au cinéma. Preuve que la salle obscure reste attractive et que l’Internaute téléchargeur est également un client régulier des cinés. Il faut dire aussi que visionner un film sur son PC n’a rien à voir avec les sensations d’une véritable projection en salle. Même la télévision ne semble pas pénalisée puisque 2,4 internautes téléchargeurs sur 10 regardent globalement moins la télévision tandis que 2 sur 10 regardent moins les chaînes payantes. Les conséquences négatives du P2P concernent plus la vidéo: 3,8 téléchargeurs sur 10 disent avoir réduit leurs locations de vidéo et 3,5 ont réduit leurs achats vidéo. Avec cette étude, le CNC (ainsi que l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) ne va pas forcément dans le sens des détracteurs du P2P. On le voit, son explosion n’a pas eu d’incidence majeure sur les entrées au cinéma. Ainsi, si les ventes de musique s’écroulent, les raisons sont très diverses et le P2P ne constitue qu’un élément d’explication parmi d’autres. Des motivations diverses

Une question angoisse l’industrie du divertissement. Pourquoi diable les internautes téléchargent-ils illégalement des contenus, qu’ils soient musicaux ou cinématographiques?

Pour beaucoup, la piraterie est « un plaisir en soi, un loisir à part entière ». « Le plaisir de la fraude fait partie intégrante du piratage », qui apparaît comme « une pratique à la mode », selon l’étude. Le piratage « est assimilé à une sorte de jeu d’espionnage grandeur nature, ainsi qu’à une forme de rébellion contre les majors américaines du cinéma et de la musique qui gagnent beaucoup d’argent », expliquent les internautes consultés. Et d’ajouter finement: les pirates « trouvent hypocrite l’attitude des fournisseurs d’accès, qui utilisent le téléchargement intensif comme produit d’appel pour commercialiser les connexions à haut débit ». Ils dénoncent « le double jeu de groupes comme Sony Music, qui se plaint de perdre de l’argent à cause du téléchargement de musique, alors que Sony vend massivement graveurs et lecteurs de MP3 ». « Au lieu de réprimer, baissez les prix des disques, des DVD, des places de cinéma! », disent-ils. Le prix des contenus mais aussi la pauvreté de l’offre, le transfert de budget ‘loisirs’ des jeunes consommateurs expliquent également les baisses de revenus enregistrées par l’industrie du divertissement.