Les MVNO n’ont pas les moyens de dynamiser la concurrence

Le Conseil de la Concurrence constate ce que tous le monde avait déjà observé: l’arrivée des opérateurs mobiles virtuels n’a pas changé la donne du marché. La faute aux Orange et autres SFR. Il invite l’ART à intervenir

Malgré l’arrivée des MVNO (opérateurs mobiles virtuels) grand public, le marché français n’a pas connu de bouleversements. Destinés à dynamiser le marché, ces opérateurs qui ne disposent pas de réseau et s’adossent aux opérateurs existants, devaient gagner des parts de marché. Or le bilan est pour le moment décevant: Orange et SFR contrôlent toujours environ 80% du marché.

Un constat partagé par le Conseil de la Concurrence, qui a été saisi sur ce dossier. Le Conseil souligne d’abord que le marché étudié est « un marché naissant, en évolution rapide ». Mais il constate que début 2005, « les négociations entre opérateurs mobiles et opérateurs virtuels se sont intensifiées. Des contrats de MVNO ont été signés avec des acteurs importants (NRJ et M6 en février 2005, Cegetel et 9Télécom en mars 2005) et la passation d’autres contrats est annoncée tout comme la commercialisation, sur le marché de détail, de plusieurs offres nouvelles adossées à ces contrats » (voir nos articles). Pour autant, le Conseil souligne (comme certains opérateurs tel Tele2) qu’il existe « plusieurs obstacles au développement d’une concurrence effective sur ce marché : les MVNO ne sont pas en mesure, actuellement, de concurrencer les trois grands opérateurs de télécommunications (Orange, SFR et Bouygues Télécom) ». La faute à qui? Aux opérateurs mobiles qui, selon le Conseil, multiplient les obstacles, dissuadent les clients de changer de fournisseur… Obligation d’engagement, portabilité insuffisante entravent les MVNO Explications: « les conditions prévalant sur le marché de gros ne permettent pas, en l’état, de résoudre les problèmes de concurrence identifiés sur le marché de détail. Au détail, la concurrence est entravée par la prédominance des contrats d’abonnement avec engagement, les difficultés de la mise en ?uvre de la portabilité des numéros, la longueur des délais moyens de résiliation. La pression concurrentielle s’exerce plus sur les marques et les services que sur les prix ». Les méthodes commerciales (dissuasives) des trois grands opérateurs entravent donc le développement des MVNO. Mais ce n’est pas tout. Selon le Conseil, les contrats de MVNO ne sont pas non plus très bénéfiques pour les nouveaux arrivants en limitant leur champ d’action. « Le Conseil relève que les contrats de MVNO, tels qu’ils sont actuellement signés, limitent la liberté commerciale des opérateurs virtuels et réduisent la pression concurrentielle qu’ils sont susceptibles d’exercer sur les opérateurs de réseaux, soit parce que ces contrats encadrent étroitement la clientèle accessible aux MVNO, soit parce que les tarifs de gros ne permettent pas d’atteindre certains segments de clientèle, soit parce que ces contrats limitent les possibilités de concurrence par les prix, soit enfin parce que sont imposées des contraintes techniques rendant plus difficiles la mise en place d’innovations comme la convergence fixe/mobile ». Des contrats de 9 ans… Et d’enfoncer le clou: « le fait que les contrats soient conclus pour des durées longues (jusqu’à 9 ans) et soient assortis de clauses d’exclusivité, ainsi que le refus d’accès à la base de données relative à tous les forfaits souscrits, sont de nature à empêcher les MVNO d’exercer une concurrence effective sur le marché de détail ». Pour le Conseil, on ne peut pas écarter le risque d’une influence significative conjointe des opérateurs mobiles sur ce marché et se prononce, comme l’ART, en faveur d’une régulation ex ante pour prévenir ce risque. Le Conseil est ainsi favorable à une intervention du régulateur. Il s’agit donc d’imposer aux opérateurs mobiles une obligation de répondre aux demandes raisonnables d’accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés. Si on ne lève pas ces obstacles, le Conseil prédit aux MVNO un sombre avenir: « les MVNO ne pourront pas atteindre une taille critique et l’action de l’ART rencontrerait vite ses limites ». La route risque d’être longue. Si les MVNO peuvent être satisfaits de cet avis du Conseil de la Concurrence, il faudra une véritable pression politique pour changer la donne. Car les MVNO, lorsqu’ils en ont les moyens, peuvent gagner d’importantes parts de marché, comme en Grande-Bretagne. Réaction de SFR

L’opérateur, qui a muliplié les accords de MVNO autant pour le grand public que pour l’entreprise indique dans un communiqué ne pas

« partager pas les doutes de l’ART et du Conseil de la Concurrence sur les limites qui seraient imposées à ses partenaires MVNO. Ceux-ci disposent en effet d’une totale liberté commerciale et rien, dans les contrats signés, ne permet d’en limiter l’action sur ce plan, comme sur leur capacité d’innovation ». SFR conteste également le « le risque potentiel d’une collusion tacite des opérateurs mobiles visant à bloquer l’entrée sur le marché de MVNO significatifs ». Pour la filiale de Vivendi, « Seul le libre exercice du marché permettra aux MVNO efficaces et innovants de se développer ». Enfin, SFR se dit « favorable à une réduction, à terme, des délais de portabilité des numéros mobiles à dix jours, en même temps qu’à une simplification des procédures afférentes. Dans le même esprit, SFR proposera prochainement des offres d’abonnement sans engagement à ses clients ».