Les syndicats à l’Arcep : « Il ne s’agit pas de faire de Free Mobile un super MVNO »

L’Arcep a reçu les syndicats des opérateurs qui ont exprimé leurs inquiétudes face aux méthodes de Free Mobile et exigent des mesures fiables du réseau du nouvel entrant. Quitte à porter l’affaire devant le Conseil d’État.

Jean-Ludovic Silicani a rencontré plusieurs représentants syndicaux ces derniers jours. Notamment ceux des opérateurs qui contestent la légalité du réseau mobile de Free. Le président de l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) a ainsi reçu Sébastien Crozier, président du syndicat CFE-CGC et UNSA France Télécom – Orange, porte-parole de l’ensemble des syndicats des opérateurs, le 10 février dernier, « à sa demande » (entendre : une rencontre obligatoire dans le cadre d’une procédure légale contre Free Mobile).

Une rencontre délicate, chacun restant campé sur ses positions. Les syndicats ont suggéré au régulateur d’améliorer son système de mesures du réseau mobile du nouvel entrant. La méthodologie de l’Arcep, qui s’appuie sur des mesures d’usage à l’aide de terminaux de base, ne permettrait pas de tester la charge en situation réelle « qui ne prend pas beaucoup d’appels contrairement à Orange », d’après le responsable syndical. Selon les chiffres qui circulent, l’opérateur historique supporterait entre 95 % et 97 % des appels de Free alors que celui-ci est censé couvrir 27 % de la population.

800 antennes déployées

Le compte n’y est apparemment pas, donc, aux yeux des syndicats, qui accusent Free de réactiver ses antennes à l’heure où l’Arcep entend effectuer de nouvelles mesures. Pour l’y aider, Sébastien Crozier a même présenté des cartes regroupant les zones de présence des antennes du nouvel opérateur. Cartes notamment réalisées à partir des mesures du site Sensorly.com et selon lequel il y aurait environ 800 antennes déployées. Autre grief mis en avant par les syndicats : l’optimisation des puces SIM de Free pour privilégier une accroche du réseau d’Orange plutôt que son propre réseau dans le cas où le signal n’est pas optimal.

Si Jean-Ludovic Silicani est prêt à répondre de sa mission de vérification des obligations de couverture du territoire, le président de l’Autorité estime que le non-respect des accords contractuels entre deux acteurs (Orange et Free en l’occurrence sur l’exploitation du réseau du premier par le second dans le cadre d’un accord d’itinérance) relève du droit privé. « Le droit privé n’exonère pas les entreprises de leurs obligations réglementaires », a répondu le porte-parole des syndicats.

« Je pense qu’il y a un vrai problème, a-t-il poursuivi, car il ne s’agit pas de faire de Free un super MVNO. » Pour Sébastien Crozier, Free a en effet intérêt à exploiter le réseau de son partenaire plutôt que le sien, car « l’amortissement du réseau est plus cher que le coût de roaming dans le bilan comptable ». Ce qui se pèserait sur les résultats du groupe Iliad. « Laisser un acteur faire de l’argent sur le système, ce n’est pas l’esprit de la loi. »

Des dizaines de milliers d’emplois menacés

Car au bout du compte, c’est la question des emplois qui émerge derrière cette situation. « Les trois opérateurs mobiles ont arrêté tous leurs investissements pour 2012, assure Sébastien Crozier, et tout le monde prévoit des économies pour après la présidentielle. » Autrement dit, les annonces de suppressions d’emplois risquent de se multiplier avant l’été dans le secteur des télécoms. « Et ce ne sont pas les 500 emplois créés par Free (qui, de son côté, parle d’un millier, NDLR) qui compenseront les dizaines de milliers de suppressions de postes. »

A l’origine, l’Arcep devait rendre les résultats de ses nouvelles mesures à la fin du mois. Rendez-vous repoussé à début mars. Selon les conclusions, le régulateur pourrait faire appel à son homologue de la Concurrence. De leur côté, les syndicats maintiennent leurs positions et demandent des sanctions. Au risque de porter l’affaire devant le Conseil d’État. La prochaine étape du nouveau feuilleton Free ?

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