L’ILM: mirage ou oasis?

L’ILM (information lifecycle management, ou Gestion du cycle de vie des données) est un concept à la mode, vendu aujourd’hui par nombre de constructeurs informatiques. Chacun a évidemment son idée sur la question…

On connaît l’histoire de l’éléphant (blanc, de préférence…) décrit par quatre aveugles: le premier touche sa patte et pense que c’est un animal gros et cylindrique; le second croit, en agrippant sa queue, qu’il est long, fin et poilu; le troisième, saisissant sa trompe, affirme que c’est un animal long, mou et humide ressemblant à un serpent ; et le dernier, tenant une défense, assure que c’est dur et pointu!

Le concept d’ILM ne se réduit pas à un débat technique, où chacun y va de sa lorgnette, mais soulève plutôt une vaste question, d’ordre philosophique ou presque. La gestion du cycle de vie des données existe depuis bien longtemps. Mais le coût du stockage informatique ayant baissé spectaculairement ces dernières années, le problème se pose de manière différente. Aujourd’hui, la croissance du volume des données est exponentielle. Il pourrait sembler évident de créer un code génétique unique et identificateur de toutes les informations produites? Mais personne ne sait par où commencer pour faire ce que la Nature engendre et règle depuis la nuit des temps. Chaque organisation dispose d’un circuit d’information unique et souvent opaque afin d’en limiter l’accès pour des raisons de sécurité ou de confidentialité. Le partage de données semble donc utopique pour nombre d’administrations et d’entreprises: elles préfèrent toutes se réserver des accès privilégiés aux informations en agençant leurs « îlots digitaux ». Comme en mathématiques, le raisonnement par l’absurde peut permettre de trouver une réponse: Tout d’abord il faudrait une volonté de créer un format universel et libre de document (écrit, image, audio, vidéo,…) qui serait accompagné d’une sorte de code génétique évolutif (comme la chaîne ADN de nos gènes); ce code serait composé d’un nombre aléatoire et unique (identification, certification et signature) et d’éléments de description simples dont certains pourraient varier au cours du temps: Raison sociale, date de création, utilisateur, nom du fichier, projet, version, durée de vie légale s’il y a lieu, criticité (confidentiel, aspect légal, workflow, assurance ou copie, gisement ou archivage),… L’intérêt de ce type de marquage serait de pouvoir tracer la vie et les localisations de tout document et de pouvoir l’archiver ou le détruire dès qu’on en n’aurait plus l’usage. Mais la création d’une norme mondiale de ce type exige un besoin réel qui n’a toujours pas été clairement exprimé: il n’y a pas d’application militaire immédiate qui permette en général de transformer ce type de projet en réalité comme cela est arrivé pour la norme TCP-IP, Internet, le GPS, etc. C’est pourquoi l’ILM reste un mirage. L’oasis existe sans doute, mais il est encore loin… bien loin. Alors, wait and see? (*) directeur d’Intellique, chargé de cours