L’innovation au coeur de la stratégie industrielle française

Une nouvelle agence sera dotée d’un budget initial de 500 millions d’euros. Elle marque le retour de l’intervensionnisme économique de l’Etat. Il s’agit de rattraper le retard français et européen en matière de conception de produits à fort contenu technologique

Cela fait bien longtemps qu’une entreprise européenne, et a fortiori française, n’a pas mis au point une véritable avancée technologique marquant une rupture avec le passé. Si ces innovations se multiplient depuis quelques années, notamment dans les nouvelles technologies de l’information, elles sont d’abord le fait de grands groupes industriels américains ou asiatiques. L’Europe semble aujourd’hui bel et bien larguée (voir encadré).

C’est pour inverser cette tendance, qui fait du Vieux Continent un suiveur plutôt qu’un précurseur, que la France lance une nouvelle politique industrielle articulée autour d’une nouvelle agence dédiée à l’innovation. « Il s’agit de compenser la faible spécialisation de la France dans les secteurs de la haute technologie », a ainsi souligné Jean-Louis Beffa, p-dg de Saint Gobain, à l’origine d’un rapport prônant la création de cette agence. L’agence de développement de l’innovation, qui devrait être opérationnelle dans quatre mois, sera spécialisée dans le financement de programmes industriels inscrits dans une logique de rupture technologique. En clair, elle financera des projets apportant une réelle et nouvelle innovation qui servira de base à des produits de grande consommation qui seront sur le marché dans dix ou quinze ans. Ces projets seront financés à 50% par le public et à 50% par le privé. Mais on ne connaît pas encore les axes de recherche de ces projets. « L’Etat doit faciliter la prise de risque et inciter les entreprises à se lancer dans des activités nouvelles. Il s’agit de faire évoluer la structure industrielle de la France vers des secteurs et des emplois à haute valeur ajoutée », poursuit Jean-Louis Beffa. Dans ce cadre, l’Agence sera dotée d’un budget de 500 millions d’euros cette année. A partir de 2006, le budget total injecté sera de l’ordre de 2 milliards d’euros par an. Les crédits prendront la forme d’avances remboursables en cas de succès. Concrètement, l’aide publique se concentrera sur la construction d’un pilote ou d’un démonstrateur. Ensuite les industriels prendront le relais pour développer les phases commerciales. Vu l’organisation de la chose, on se doute que cette Agence aidera d’abord et surtout les grands groupes industriels capables de proposer des projets de rupture technologique. Pour autant, réglementation européenne oblige, toute entreprise de l’Union européenne pourra être candidate. Cette nouvelle stratégie industrielle marque également le retour par la grande porte de l’interventionnisme économique de l’Etat, un choix idéologique que l’on croyait cantonné à la gauche. Le projet vise en effet à redonner à la puissance publique les moyens financiers afin d’orienter la politique d’investissement des grandes entreprises. Ce qui n’est pas forcément une bonne idée: l’Etat sera-t-il capable d’anticiper et d’accompagner les innovations technologiques qui seront exploitées dans une décennie? Rien n’est moins sûr Hautes technologies: le retard français

Contribution des hautes technologies à la valeur ajoutée industrielle en 2000: -Etats-Unis: 23% -Japon: 18% -Allemgne: 11% -France: 14%

Source: OCDE Les champions de la recherche industrielle dans le monde (2003-2004), en milliards d’euros: -Ford (6) -Pfizer (5,7) -Daimler (5,5) -Siemens (5,5) -Toyota (5) -GM (4,6) Source: DTI Les champions de la recherche industrielle en Europe (2003-2004), en milliards d’euros: -Daimler (5,5) -Siemens (5,5) -Volkswagen (4) -Nokia (4) -Glaxo (4) -Ericsson (3,3) -Roche (3) -Novartis (3) -Avantis (3) -AstraZeneca (2,7) Source: DTI