L’Internet du futur n’a toujours pas trouvé son banquier

Des investissements sans cesse plus importants sont nécessaires pour répondre à l’explosion des données numériques et à la demande accrue des consommateurs. Mais aucun des acteurs concernés ne se bouscule pour payer.

Montpellier – Qui va financer l’Internet du futur? La question trônait au centre du Digiworld Summit qui s’est tenu les 17 et 18 novembre à Montpellier sous l’égide de l’Idate. Car, si depuis 40 ans Internet s’est développé de façon empirique, les prochaines évolutions du monde numérique vont demander de très lourds investissements.

D’abord à cause de l’explosion du volume des données : « Entre 2009 et 2014, le trafic IP va être multiplié par quatre », explique Marc Latouche, directeur de la division Internet Business Solution chez Cisco. D’ores et déjà, à elle seule, la France génère chaque mois 3,2 exaoctets de données (3,2 millions de To). Comment supporter ce trafic sachant qu’en 2014, la vidéo représentera plus de 90  % des échanges (essentiellement du streaming) et sera principalement le fait du grand public (les entreprises ne générant que 13  % du flux total)?

Qui va gérer le trafic?

« Face à cette explosion, il y a trois enjeux : les besoins en infrastructure; les besoins d’investissement et les besoins de gestion. A savoir qui va gérer ce trafic ? », souligne Marc Latouche. Et surtout qui va payer sachant que la facture va atteindre plusieurs dizaines de milliards d’euros? Face à cette question cruciale, le Digiworld Summit n’a pas vraiment apporté de réponse. Les différents acteurs concernés (à l’exception des consommateurs qui n’étaient pas conviés à débattre) se contentant soit de botter en touche soit de faire porter la responsabilité aux autres.

Cependant, à ceux qui ont l’impression de payer pour les autres, Vincent Bonneau, responsable de la division Internet à l’Idate, a rappelé que dans la « chaine de valeur, tout le monde paye déjà ». Donc il ne faut pas crier systématiquement «Haro» sur les fournisseurs de contenus comme ont tendance à le faire les opérateurs télécoms. « Développer une activité comme Dailymotion a un coût. Nous payons cher pour être sur Internet », s’est défendu Martin Rogard, directeur général de Dailymotion.

Rétablir l’équilibre

Néanmoins, Vincent Bonneau constate des déséquilibres. Par exemple, la recherche (de type Google) ne représente que 2  % du trafic et génère 20  % des revenus à contrario de la vidéo qui peine encore à trouver son modèle économique. Et il est vrai que de leur côté, les opérateurs peuvent espérer davantage de l’utilisation de leurs réseaux par les Google, Facebook et autre Youtube. Pour tenter de rétablir l’équilibre, plusieurs initiatives ont été proposées notamment en faisant de la qualité de service un facteur discriminant. Mais alors qu’aujourd’hui, ce rôle est surtout dévolu aux opérateurs, il s’agirait plutôt de faire payer les fournisseurs de contenus à travers des CDN (Content Delivery Network) comme Akamaï qui fournissent des solutions d’optimisation des réseaux.

L’autre piste, beaucoup plus polémique, consiste à faire payer les uns et les autres en fonction du trafic. « Contrairement aux grandes infrastructures publiques, Internet s’est construit surtout avec des fonds privés et ça reste une entreprise commerciale », explique Michel Combes, P-dg de Vodafone Europe, justifiant ainsi que toute utilisation du réseau devait être monétisée. Après s’être réjoui de l’abandon du «faux illimité» sur le trafic mobile, Michel Combes a appelé à un nivellement des prix en fonction de l’usage, ouvrant ainsi un peu plus le débat sur la neutralité de l’Internet.