Locafilm, fin prêt pour la VoD, mais ce n’est pas si simple !

Il est le seul à gagner de l’argent avec le ‘DVD postal’, mais
Locafilm veut maintenir sa progression et a revu son site pour
y intégrer la vidéo à la demande, même si le marché est encore loin d’être
ouvert

24.000 abonnés, un chiffre d’affaires en progression de 250 % l’an, 600.000 visiteurs par mois, et un chiffre d’affaires qui devrait atteindre les 1,2 million d’euros en 2006, Locafilm peut en particulier s’enorgueillir d’être le seul des trois grands du ‘DVD postal‘, la location de DVD en ligne échangés par la poste, à être rentable depuis un an.

Le ‘DVD postal‘, Edouard Ducray, le fondateur et président de Locafilm, est allé chercher l’idée aux Etats-Unis, où règne son modèle, Netflix, qui cumule aujourd’hui 4,5 millions d’abonnés et va franchit la barre du milliard de dollars de chiffre d’affaires.

Ce succès, Locafilm le doit à la conjonction de plusieurs points d’intérêt. D’abord la livraison à domicile, à la campagne, aux handicapés, aux femmes qui ont des enfants, etc.). Ensuite l’absence de pénalités de retard, qui représente 30 % du chiffre d’affaires des vidéoclubs en France, et même 50 % aux Etats-Unis.

Et puis le ‘système à volonté‘, le client commande autant qu’il le souhaite dans les limites de son abonnement, qui s’appuie sur un catalogue de 14.200 titres. Enfin, le multimédia appliqué au DVD postal, site Web, catalogue, est beaucoup plus efficace que le vidéoclub, toujours limité en offre, concentré sur les ‘blockbusters‘, et ne disposant pas d’un véritable fond de catalogue.

Mais aujourd’hui, Edouard Ducray commence à avoir les yeux ailleurs, dans la VoD (vidéo on demand). La v2 de son site vient à ce propos d’être repensée et relookée pour les trois ans à venir.

Pari risqué ? Non, d’abord parce que le marché, au moment où les vidéoclubs accusent un repli de 30 %, doit encore évoluer vers la location de DVD physiques. En Grande-Bretagne, par exemple, il devrait atteindre selon Screen Digest, 1 milliard d’euros avec 60 % de parts de marché.

En France, ce marché devrait concerner prochainement entre 800.000 et 1 million de clients potentiels. Il faudra du temps à la VoD pour concurrencer le fiable DVD?

C’est pourquoi l’approche d’Edouard Ducray sur la VoD se veut pragmatique. Par exemple, il ne souhaite pas, à l’inverse de ses concurrents, développer sa plate-forme.

« Nous ne voulons pas investir beaucoup d’argent dans la plate-forme. Nous préférons la sous-traiter à des acteurs dont c’est le métier. Et adopter un système de reversement variable sur la plate-forme de nos partenaires. »

Et de citer France Télévision qui gère et conserve son catalogue, encode (compression de l’image et du son) ses contenus, et les distribue en ‘revenu sharing‘ (revenu partagé) via son réseau de partenaires, sur lequel Locafilm entend figurer en bonne place.

« Mais nous ne sommes qu’au début de la VoD, et nous sommes contraints d’encoder une partie des films que nous diffuserons comme cela, en ligne. Pourtant, notre modèle reste de distribuer des contenus sans valeur ajoutée. »

« La VoD n’est rien d’autre qu’un autre support, que nous relayons comme un DVD. Et je pense que dans le futur nous n’aurons pas le droit d’encoder nous même. Mais comme actuellement les grands studios sont très réticents, nous nous ne pouvons que laisser de côté les blockbusters et les grands titres. »

Constat amer au moment où la vidéo prend son envol sur le Web et s’impose comme le modèle Internet du futur, « Il n’y a pas de catalogue blockbuster en VOD, il n’y a pas de concurrence » !

Et de faire le constat des freins au développement de la VoD : le minimum de garantie exigé par les studios, des centaines de milliers d’euros à leur verser en préalable à la diffusion d’un titre. Mais aussi la peur de la cannibalisation des offres, par la chute des prix et le risque de repli du marché de la grande distribution.

Des questions d’ordre juridique, aussi, car il faut que l’industrie revoie tous ses contrats. Sans oublier le piratage, l’Internet qui va 1000 fois plus vite. Et le choix immédiat d’investir dans le futur du DVD avec les technologies haute définition HD-DVD et Blu-ray qui doivent encore s’imposer.

Concrètement, cela signifie que les acteurs de la VoD ne diffuseront pas dans un premier temps de ‘blockbusters‘, en dehors des rares titres que les studios mettront à leur disposition histoire d’engager un marché dont ils attendent quand même beaucoup.

Peu importe, ce qui fait le succès d’un Locafilm c’est aussi la profondeur de son catalogue. « Aujourd’hui, notre clientèle est à 60 % sur le fond de catalogue. Et dans les cinq années à venir, elle s’étoffera sur le DVD postal. »

Pragmatique et serein, Edouard Ducray l’est certainement, ce qui ne l’empêche pas d’?uvrer à la création de nouveaux modes de distribution et de surtout de consommation…