Logiciel défectueux : les prestataires fautifs… même sans cahier des charges

Même sans cahier des charges, ni contrats, la société en charge du développement d’un logiciel et celle responsable du pilotage du projet restent soumises à leurs obligations de conseil et de résultat, estime la cour d’appel de Grenoble.

Le 4 juin dernier, la cour d’appel de Grenoble a condamné une société de conseil, E-Développement Conseil, et une société de développement, 3C Evolution, à rembourser leur client faute d’avoir pu développer le logiciel promis à ce dernier. L’affaire, qui remonte à la fin des années 2000, concerne une société exploitant un réseau de 120 agences immobilières franchisées, CIMM Franchise. Pour faire évoluer son outil de gestion de biens, cette dernière a confié à 3C Evolution le développement d’une nouvelle solution développée sur mesure, un chantier piloté par E-Développement Conseil, déjà à la manœuvre lors de l’audit précédant le lancement de ce projet. Notons que les missions des prestataires n’avaient pas été précisées par contrat. Et qu’aucun cahier des charges n’avait été rédigé et encore moins validé par les parties prenantes. Les objectifs et jalons du projet ne sont précisés que sur des comptes rendus de réunions.

En 2008, une version de test du progiciel est déployée, avec 6 mois de retard sur le calendrier prévu. Mais de nombreux dysfonctionnements apparaissent, selon CIMM Franchise et un cabinet d’audit mandaté par ce dernier. Ce qui conduit la société immobilière à demander à ses prestataires le remboursement des sommes déjà versées et des dommages et intérêts. Tandis que E-Développement Conseil et 3C Evolution réclamaient, eux, le règlement des factures encore impayées par leur client. Un premier jugement du tribunal de commerce de Grenoble a conclu en 2011 à des torts partagés, prononçant la résiliation des contrats et déboutant toutes les parties de leurs demandes. Un jugement contesté par CIMM Franchise en appel.

Fonctions essentielles manquantes

Dans ce nouveau jugement, la cour d’appel conclut à « un manquement patent de la société 3C Evolution à son obligation de résultat de délivrer dans les délais convenus une solution informatique répondant aux besoins de son client ». Notamment en raison de l’absence de certaines fonctions clefs dans le logiciel livré, comme les passerelles vers les sites commerciaux permettant de publier les annonces immobilières sur Internet. La justice estime par ailleurs que E-Développement Conseil a « manqué à son obligation de conseil » (en ne procédant pas à un appel d’offres pour sélectionner le développeur) et à « son obligation d’assistance en ne formalisant pas en amont un cahier des charges précis exprimant l’ensemble des besoins du client ». Par ailleurs, il est reproché à la société de conseil de s’être retirée du projet prématurément, au moment des tests en agence.

En conséquence, la cour d’appel de Grenoble prononce la résiliation du contrat aux torts exclusifs des deux prestataires, qui se voient contraints de rembourser les sommes déjà perçues dans le cadre de ce projet (soit 85 000 euros à eux deux). En revanche, CIMM Franchise est débouté de ses demandes de dommages et intérêts (150 000 euros environ), la cour estimant que la société ne fournit pas de preuve suffisante d’un préjudice financier ou d’image.

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