Logiciels Libres: 44% des entreprises en ont fait l’expérience

Le logiciel libre, Open-Source et Linux compris, n’est plus dans un no-mans’land. Près d’une grande entreprise sur deux, déclare avoir déjà déployé des solutions logicielles non propriétaires

La société de services et de conseil Di&Mark publie ce 6 septembre un Livre Blanc intitulé «

Organisations et logiciels libres». Composé d’un manuel pratique et de l’analyse d’enquêtes, ce livre a le mérite d’être pragmatique. Pour une lecture rapide, des fiches de synthèses clôturent chaque chapitre. Sa préface a été réalisée par Frédéric Couchet de l’association APRIL (https://www.april.org). Il résulte de cette enquête auprès de 110 organisations de toutes tailles et de tous secteurs (*) que, dans la quasi-totalité des cas, les organisations déclarent posséder des informations sur les logiciels libres. Du reste, 44% des organisations les utilisent déjà en interne. L’avantage le plus souvent prisé touche aux coûts et à leur maîtrise induite. Cette dernière est plébiscitée avec un indice de satisfaction optimale dans 60% des cas. Pour les inconvénients, c’est la difficulté d’utilisation qui vient en premier. Le manque de documentation et la complexité des interfaces administrateur se révèlent pour certaines organisations un frein majeur. Certaines entreprises déploient sans l’aide de prestataires extérieurs spécialisés, souvent dans un temps imparti très court et sur des projets considérés comme stratégiques. Le risque pris est donc maximal. Et ceux qui hésitent à recourir aux logiciels libres, qu’invoquent-ils? Ils sont satisfaits des logiciels propriétaires. Ils reconnaissent leur méconnaissance sur le sujet… Dans les grands groupes, ils se confirment que ce sont des choix « corporate » donc pas d’initiatives libertaires dans les filiales… Côté cible d’applications, l’enquête montre que les logiciels d’infrastructure (systèmes d’exploitation, plates-formes…) ne sont plus les seuls domaines favoris des logiciels libres. « Les prestations additionnelles de conseil, de formation et de support connaissent une forte progression (…)« , explique Diane Revillard, auteur du livre blanc et dirigeante de Di&Mark . « Les organisations souhaitent d’ailleurs retrouver leur environnement de prestations additionnelles disponibles dans le monde du logiciel propriétaire et conserver « leur confort »« . Autre constat intéressant: il n’existe pas de portrait type d’organisation utilisatrice du libre. La quasi-majorité des organisations peut désormais trouver un intérêt à déployer du libre et non plus uniquement les sociétés à composante fortement technophile. En conclusion, constate le rapport, les décisionnaires doivent désormais prendre conscience que désormais le déploiement de solutions libres s’inscrit dans un contexte de mondialisation, avec des stratégies de différenciation par les coûts. Donc, l’un des principaux ressorts du « Libre » c’est la réduction des coûts tout en circonscrivant les risques. Mais ce n’est pas tout: « Utiliser des logiciels libres représente aussi la garantie de travailler sur des standards ouverts et donc interopérables (…). Les avantages du libre deviennent donc stratégiques, ils se traduisent par le bon adage « faire plus avec moins » », conclut l’étude. ______ (*) Enquête réalisée, par téléphone, durant le mois de juin 2005 auprès de directions informatiques, de moyens et grands comptes, essentiellement. Avec la contribution des sociétés K6 et Mahiet. ______ Le livre blanc peut être obtenu en s’enregistrant sur: Livre Blanc www.diemark.net Libre? Open-source? Linux? GPL? Questions à Di&Mark

Diane Revillard, consultante, auteur du livre blanc publiée par Di&Mark, société de service et de conseil dédiée aux réseaux sans fil et aux logiciels libres, répond à Silicon.fr

P.M. Le logiciel libre renvoie à plusieurs écoles: y-a-t-il des profondes divergences? D.R. On distingue deux courants: -d’une part celui du logiciel libre originel, introduit au milieu des années 80 par un chercheur du MIT (Massachusetts Institute of Technology), Richard Stallman: il est à l’origine de la FSF, Free Software Foundation. Ses travaux sont plutôt orientées vers des solutions touchant le grand public, l’ensemble des utilisateurs, à titre privé, éducatif, ou des chercheurs universitaires ou des petites entreprises… – d’autre part, à partir du milieu des années 90, un mouvement plus « technique », proche des sociétés éditrices de logiciels et des milieux financiers -autant d’acteurs qui se promettaient d’améliorer les technologies à un niveau industriel: c’est le nouveau mouvement « Open Source », né là encore aux Etats-Unis. P.M. Ces deux courants sont-ils fondamentalement opposés? D.R Non, ces deux courants ne sont pas à l’opposé l’un de l’autre. Beaucoup d’idées fondamentales sont les mêmes. Il n’y a pas de positions sectaires. Avec l’Open-Source, la règle principale, c’est la mise à disposition du code source! Avec la FSF, il y a un principe de « liberté totale » qui se résume en « 4 libertés » – utiliser, étudier, enrichir, redistribuer Il y a bien une différence fondamentale, disons philosophique. Chaque mouvement a permis de faire avancer le monde de l’informatique libre. L’Open-source permet de redistribuer sous un mode propriétaire, comme, par exemple, la licence BSD (issue de l’université de Berkeley). Le logiciel de base reste libre. 70% du nombre de développements des logiciels libres référencés sont sous licence GNU/GPL. Les 30% restants sont sous licence BSD ou autres licences. P.M. L’un des points fort du monde « libre » c’est l’interopérabilité. Mais, malheureusement, il existe plusieurs licences, alors que faire? D.R. L’univers du « libre » c’est par essence celui de l’interopérabilité et de l’Internet. Les deux mondes sont totalement interdépendants entre eux. L’OSI travaille sur ce sujet: ils essaient de réduire à 3 le nombre de licences de référence. Le fait est qu’il faut absolument préserver le principe de compatibilité ou interopérabilité. La licence GNU/GPL a un mérite: sa stabilité dans le temps. La première date des années 80, et la deuxième de 1991. La version suivante doit sortir dans quelques mois. C’est un signe fort de pérennité. P.M. S’il y a licence, il y a protection, donc c’est qu’il y a risque d’abus ou de fraude. Qui sanctionne ? D.R. Il existe des recours (cf. site « GPL violation » ou celui de la FSF); ce sont des associations qui vont défendre les intérêts des créateurs. Mais on a suffisamment de recul aujourd’hui pour constater que les fraudes sont rares. Les risques de fraude comme dans tout le secteur de l’informatique ne sont pas toujours faciles à identifier. A titre d’illustration, l’interface utilisateur a été modifiée et l’on a l’impression d’avoir un nouveau logiciel. P.M. Ce distinguo conduit au débat sur la brevetabilité du logiciel. Comment revendiquer la propriété intellectuelle ? D.R. L’Europe a dit non à la brevetabilité des logiciels, car nous considérons que les brevets ne s’appliquent pas à des biens immatériels. L’industrie informatique fonctionne par incrément. Un brevet a une durée de 20 ans. Cela explique aussi que le logiciel ne relève pas d’un brevet. Cela nuirait à l’innovation. Les grands éditeurs de logiciels, dans une logique de grands groupes, déposent des brevets car ils veulent marquer leurs positions stratégiques. Pour eux, les brevets s’échangent, se marchandent pour mieux préserver leurs positions concurrentielles et se partager des marchés. Dans ce contexte, leurs litiges relèvent du domaine juridique ou judiciaire : aux Etats-Unis, c’est là que s’affrontent à coup de procès les logiques stratégiques des grands éditeurs. Pour les petites sociétés du logiciel, ce serait une barrière, en effet elles ne mettent pas en place de telles stratégies et elles n’ont pas les moyens d’engager des frais de procès. P.M. Est-ce qu’il y a d’autres voies que Linux dans le monde du « Libre »? D.R. Pour l’instant le logiciel libre se développe essentiellement dans l’infrastructure; mais on constate une forte progression vers les applicatifs, tant dans le nombre de solutions développées que de demandes des entreprises. Les logiciels de gestion, dans les applications d’ERP, etc., sont encore embryonnaires dans le libre. Ils nécessitent un suivi réglementaire, légal qui n’est pas encore entièrement compatible avec le monde libre dans des approches au niveau international. Par contre, au niveau national, il existe des solutions. Le logiciel libre peut se développer, se déployer plus facilement là où les logiciels propriétaires sont relativement absents: par exemple, dans le collaboratif, dans la messagerie instantanée, etc.; car il n’y a pas d’inertie de la part des utilisateurs ni de laborieuse conduite de changement à mener. P.M. Votre Livre Blanc est déposé comme contribution « Art Libre ». Qu’en est-il? D.R. C’est une licence « libre » ; elle est en parfaite concordance avec notre vision du libre, la progression de la connaissance par le partage de l’information. Cette licence a pour but de mettre à disposition le document: il peut être enrichi, réutilisé, à condition de citer l’auteur et de ne pas travestir sa pensée. C’est le même principe que la licence GNU/GPL pour les documents . L’auteur conserve ses droits intellectuels ou « droits moraux ».